Comment continuer à rendre justice à celles et ceux qui ont payé le prix de ce que veut dire « vivre sous puissance nucléaire » ? Une enquête en trois volets de Naïké Desquesnes et Léna Silberzahn.
Enquête
Atolls irradiés
Lutter et réparer après les essais nucléaires en Polynésie (Ma'ohi nui)
Entre 1960 et 1996, la France a fait exploser 210 essais nucléaires — que nous nommerons plutôt "expérimentations". D'abord dans le désert du Sahara algérien, puis en Ma'ohi Nui (Polynésie) pour 193 d'entre eux. En 2021, le livre Toxique, accompagné en ligne des « Moruroa Files », fait enfin la lumière sur les conséquences des expérimentations nucléaires en Ma'ohi Nui.
Grâce à l’analyse de milliers de documents militaires déclassifiés et à des modélisations scientifiques rigoureuses, les auteurs démontrent dans un langage légitime ce que des militant·es et lanceur·euses d’alerte dénoncent depuis des décennies : environ 110 000 personnes — soit la quasi-totalité de la population des archipels polynésiens à l’époque — ont été dangereusement exposées à la radioactivité.
Comme ils le constatent, « en Polynésie, l’héritage des essais nucléaires français est inscrit dans la chair et dans le sang des habitants ».
Chez nous, ce sont des bombes qui ont explosé, comme à Hiroshima et Nagasaki, même s’il n’y avait pas de villes ou de millions d’humains directement en dessous. Le terme « essai » est terriblement minimisant et vise à cacher la réalité. Les mots sont importants. C’est comme si tu avais subi un viol et qu’on te disait « il t’a juste caressé la cuisse ».