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« Les oiseaux de mer ont besoin d’amis car personne ne les voit. Ils pourraient disparaître complètement et très peu de gens s’en rendraient compte. »
Jonathan Franzen1
Ōsaka, été 2022.
Lorsque notre voiture sort du tunnel sous-marin, la lumière d’août nous éblouit. Voici donc Yumeshima, « l’île aux rêves ». C’est la première fois que j’accompagne les membres du Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima2, que je viens d’intégrer. Sur notre droite se dressent les grues rouges et blanches du port à conteneurs, l’un des plus grands du Japon.
Kaga M., notre conductrice du jour, quitte la route principale et ses files de camions pour s’engager sur un chemin accidenté. Lentement, nous avançons jusqu’au point indiqué sur l’autorisation que nous a délivré le Bureau des ports d’Ōsaka – l’accès à l’île est interdit si l’on n’y travaille pas. Il faut dire que Yumeshima n’est pas une île ordinaire : c’est une île en déchets.
Nous voilà debout sur le sol poussiéreux, masques sur le visage et casques de chantier sur la tête malgré la chaleur et quand bien même tout est plat et qu’autour il n’y a rien, juste la vue à 360 degrés – ville d’Ōsaka d’un côté, île d’Awaji de l’autre – et la rumeur du port qui résonne.
Nous rejoignons Isogami K., postée là depuis 7 heures du matin à scruter l’horizon avec son téléobjectif. Une partie du terrain est colorée d’un étrange vert turquoise : un produit fixateur de sable3, versant superficiel des travaux d’amélioration des fondations du sol qui ont eu lieu quelques mois auparavant, préalables à un aménagement de grande ampleur. Le chantier et ses machines avaient alors tout emporté, les étangs, les roselières, des nids peut-être, ne laissant qu’un aplat vide. Dépitées, Kaga M. et Isogami K. ont mis quelques semaines à revenir sur l’île.
Elles ont alors assisté, stupéfaites, à une petite renaissance : autour des points d’eau creusés par les pluies de mai, les oiseaux puis les herbes ont réinvesti les lieux. Ce matin, au fond de cette nouvelle prairie, elles ont même distingué une nichée de canards, et spéculent : des grèbes castagneux (Tachybaptus ruficollis) ? Quel dommage que l’on ne puisse pas s’en approcher.
Pendant ce temps, Kakii K., troisième membre du groupe, s’amuse à identifier les insectes, nombreux. D’ailleurs, ce sont eux qui font se déclencher l’appareil photo automatique que le Groupe d’enquête a obtenu de laisser sur place. Quant à moi, je prends peu à peu la mesure du bruissement : libellules et sauterelles, fils d’araignées en tous sens, moineaux s’envolant des buissons de pyracantha que le kuzu commence à recouvrir. Qui a dit qu’il n’y avait rien ?
Toulouse, avril 2024.
Comme souvent, la réunion Zoom hebdomadaire du Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima dépasse l’heure prévue. Les quatre participant·es suivent pourtant à vive allure le fil du programme établi au préalable via la liste mail du groupe – 9400 messages au compteur depuis son ouverture en 2019. Je suis la cinquième mais je ne fais qu’écouter, connectée depuis la France où je suis rentrée le mois précédent.
Ces derniers temps, les travaux d’aménagement de l’île s’intensifient et il ne reste que peu de zones épargnées. Mais le Groupe poursuit ses activités. Bilan des actions récentes : OK. Programme des actions à venir : difficile. La discussion s’anime autour d’un point en particulier : doit-on, oui ou non, aller déposer des leurres d’oiseaux sur la zone 1 de Yumeshima afin d’y attirer des sternes naines (Sterna albifrons) pour qu’elles nichent, alors qu’une explosion de méthane s’est produite non loin de là quinze jours auparavant ?
Si la question est insolite, la situation à Yumeshima ne l’est pas moins. La prochaine Exposition universelle se tiendra sur l’île en 2025 et un complexe touristique avec casino est prévu pour 2029. De nombreux chantiers sont donc en cours, y compris sur la zone 1, pourtant classée comme « site d’élimination finale [des déchets courants et dangereux] requérant surveillance (kanrigata shobunjō) » et parsemée de conduits d’évacuation du méthane qui s’y génère en grande quantité4. La plupart des sites où les oiseaux venaient nicher ou se nourrir ont disparu.
Et les sternes ? Parce qu’elles nichent près de l’eau, sur des sols secs et minéraux (sable, cailloux, gravats…) où leurs poussins peuvent se camoufler, les sternes apprécient les terre-pleins artificiels gagnés sur la mer. À Yumeshima, elles ont été observées en grand nombre des décennies durant, installées sur des terrains vacants. Il n’y a plus que sur la zone 1 que l’on trouve encore des parcelles vides. Quant aux leurres, il s’agit d’un dispositif occasionnel pour les sternes : en déposant de faux oiseaux en bois peint (image ci-dessous), on envoie un signal aux oiseaux éclaireurs qui, à la fin du mois d’avril, vont en repérage pour l’installation de la colonie : ‘c’est bon, d’autres se sont établis ici’.
C’est ce dernier point qui fait débat lors de la réunion du Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima : justement, ce n’est pas bon. Une explosion de méthane a eu lieu au mois de mars dans un bâtiment en construction de la zone 1, causée par le fer à souder d’un ouvrier, qui par miracle n’a pas été blessé. Le chantier est momentanément interrompu.
Peut-on attirer les sternes sur ce site dangereux ? Le dilemme est d’autant plus compliqué que le Groupe d’enquête est tributaire des rares autorisations de l’Association Expo 2025 (Banpaku kyōkai), qui assure depuis 2023 la gestion du site de l’Exposition universelle à la place du Bureau des ports d’Ōsaka. Or, l’Association Expo 2025, qui rencontre déjà de nombreuses contrariétés sur le chantier, se trouve fort embarrassée par l’incident. Il ne faudrait pas que la presse se souvienne de l’explosion de méthane qui en 1975 avait coûté la vie à dix ouvriers, sur une île en déchets de la baie de Tōkyō qui porte le même nom, Yume no shima.
« Bon… allons-y ». Non sans scrupules, le Groupe d’enquête décide de déposer des leurres sur la zone 1, ainsi qu’un appareil photo automatique (tout en vain, apprendrai-je plus tard). Point suivant de la réunion : la prochaine exposition de photographies d’oiseaux de Yumeshima, la cinquième en moins d’un an. En montrant ces images d’avant le chantier dans des bibliothèques de quartier, un musée ou un zoo, l’objectif est autant d’attirer l’attention du public sur les oiseaux de la baie d’Ōsaka que de promouvoir l’idée de leur attribuer un secteur sur l’île, une fois l’Exposition universelle terminée.
Aménager un parc ornithologique sur le modèle de celui de Nankō, voisin de Yumeshima ? Construire une lagune artificielle comme celle de celle de Hannan, au sud d’Ōsaka ? Se contenter d’araser pour favoriser l’apparition de points d’eau ? Ou juste ne rien faire – c’est-à-dire laisser faire la nature, ou plutôt permettre à un peu de nature de revenir dans l’artificialité de la baie ?
En 2022, lorsque j’ai rejoint le Groupe d’enquête, de nombreuses possibilités pour Yumeshima étaient en discussion : qu’allait-on demander pour les oiseaux ? Le Japon était encore fermé au tourisme à cause du Covid, les mégaévénements et les installations de divertissement soulevaient des doutes. Pouvait-on compter sur la fréquentation du public alors que des milliers de restaurants avaient dû cesser leur activité ? Du reste, le port d’Ōsaka n’était-il pas déserté depuis bien plus longtemps, avec ses bâtiments vides et ses musées fermés, qu’on avait pourtant ouverts en grande pompe dans les années 19805 ?
Lire aussi sur Terrestres : Roméo Bondon, « Penser depuis l’oiseau », décembre 2020.
En deux ans, j’ai vu les projets pour les oiseaux se réduire à mesure que revenait le business as usual, et même as never before : en 2023, le tourisme reprenait si fort au Japon qu’il battait des records ; après des années de suspense, le gouvernement autorisait le casino, le premier du pays6. À Yumeshima, les oiseaux ont peu à peu disparu du monde d’après, après l’Exposition.
En février 2024, alors que nous faisions le point sur la situation avec Kaga M. au cours d’une dernière virée sur l’île avant mon retour en France, la morosité nous gagna. Rakutan – le seum, en japonais.
Les oiseaux reprendraient bien leurs droits (s’ils en avaient)
Un chantier détruit une zone humide : et alors ? Il a bien fallu en détruire, des zones humides, pour édifier le port industriel de la région d’Ōsaka, qui s’étend en croissant sur 60km. Comme il a bien fallu couper des arbres et bétonner des champs pour construire le bassin urbain attenant de 20 millions d’habitant·es. D’ailleurs, peut-on même parler de zone humide à Yumeshima ? Des points d’eau tout au plus, apparus incidemment sur un terrain artificiel. Un terre-plein qui, ainsi que l’a observé le maire d’Ōsaka Matsui Ichirō, « n’a pas été construit pour les oiseaux7 ». Ce qui est exact : il a été construit pour enterrer des déchets.
Mais les oiseaux y sont venus quand-même. Le Japon se trouve sur l’une des principales voies migratoires du monde, la voie australasiatique, qui relie l’Australie à la Sibérie sur plus de 10000km. Des siècles durant, les rivières qui se jettent dans la baie d’Ōsaka ont charrié des alluvions, composant de larges deltas d’îlots et de lagunes : un environnement idéal pour les oiseaux de rivage et les migrateurs tels que les sternes, que les aménagements de l’époque d’Edo (1603-1878) n’altérèrent qu’à la marge.
Au cours du vingtième siècle, l’ingénierie humaine ayant pris le relai, les terrains asséchés kantaku deviennent peu à peu des terre-pleins artificiels umetate, dont la finalité est d’entreposer sédiments de dragage, gravats et déchets, et surtout de produire du territoire pour y établir l’industrie lourde. Ume-tate, les terre-pleins : enterrer (umeru) et édifier (tateru) dans un même élan. Pour les fabriquer, on empierre et on bétonne les fonds marins, puis on dresse des parois de métal que l’on consolide par des digues, pour isoler de la mer alentour. On obtient ainsi une sorte d’énorme boîte, que l’on remplit progressivement en immergeant terres et détritus, acheminés par barges ou camions benne. Au fur et à mesure que la boîte se remplit et que l’eau intérieure est rejetée en mer après avoir été traitée, le territoire se forme. Il faut des décennies pour que le sol se tasse, par précipitation puis affaissement – les ingénieurs parlent d’une texture en gâteau mou.
Yumeshima, un hexagone de 390 hectares dont le comblement a débuté en 1977, est l’un de ces territoires. L’île est divisée en quatre zones. La zone 1, on l’a vu, est remplie de déchets : outre qu’elle est accréditée pour le stockage de déchets dangereux (notamment les PCB), des résidus d’incinérateur y étaient quotidiennement enterrés jusqu’en 2023. Les zones 2 et 3 sont composées de sédiments de dragage, de terres excavées et de boues industrielles.
C’est sur ce terrain nu, émergé d’un côté seulement et peu à peu comblé, que se sont établis les oiseaux, comme chaque fois qu’une parcelle se libère dans la baie, tant il en manque désormais – ce qu’on peut voir, n’en déplaise au maire Matsui, comme une légitime reprise de terrain. Pour eux, Yumeshima est une aubaine : des centaines d’hectares, des points d’eau douce et même de quoi manger (les petits mollusques, vers ou crustacés pris dans les sédiments de dragage – fortement pollués par ailleurs). La végétation s’est ensuite installée, issue de graines envolées ou contenues dans les terres excavées et surtout dans le ventre des oiseaux eux-mêmes, qui passent leur temps à circuler entre les sites de la baie et jusque dans les montagnes : avec eux, n’importe quel terrain est immédiatement ensemencé d’une partie de la flore régionale.
Si bien que dans les années 2000, des écosystèmes entiers s’étaient constitués, étangs d’eau douce ou d’eau saumâtre, marais, roselières, prairies, sablières, abritant une biodiversité tout aussi riche : oiseaux (des sternes par milliers, mais aussi des canards, des rapaces, des limicoles et autres échassiers)9, benthos (ces petits organismes de la surface des fonds marins ou des lagunes), plantes de sable10, plantes aquatiques. Parmi celles-ci figurait une espèce flottante considérée comme éteinte dans le département d’Ōsaka (Ruppia maritima), dont Hasegawa M., un botaniste du Museum d’Ōsaka, suppose qu’elle est arrivée incidemment accrochée à la patte d’un oiseau.
Comme Hasegawa M., plusieurs scientifiques et bénévoles, et même des fonctionnaires de la ville et du ministère de l’Environnement, sont venu·es à Yumeshima des années durant, pour compter, étudier et lister. En dehors de ce tout petit cercle autorisé, les écosystèmes sont restés largement ignorés du public : depuis sa construction, l’île de Yumeshima est interdite à la fréquentation. Son accès a longtemps été restreint puisque le pont et le tunnel qui y conduisent n’ont ouvert à la circulation générale qu’en 2009.
En 2014, l’île de Yumeshima est enregistrée, ensemble avec le parc ornithologique de Nankō, comme hot spot de biodiversité de rang A du département d’Ōsaka11. Les deux sites sont distants d’à peine 1km – une broutille, pour des oiseaux.
Malgré cela, des projets de « développement (kaihatsu) » apparaissent dès les années 2010. La zone 2 de Yumeshima est choisie pour la candidature du Japon à l’Exposition universelle de 2025. Résultat en 2018 : gagné. Il faut donc hâter le processus de solidification du sol, notamment au moyen de dizaines de milliers de drains en plastique enfoncés à 30 mètres dans le sol pour en extraire l’eau12.
Premières destructions de zones humides. Premières protestations par quelques bénévoles. Sans effet. Qui veut croire qu’une île en déchets est en fait un éden ?
Le Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima
Des membres de Nature Ōsaka13, la principale organisation de protection de la nature de la région avec 800 adhérent·es, décident d’agir et forment en 2019 le Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima, qui rassemble une dizaine de personnes. Objectifs : documenter les écosystèmes dont la destruction est annoncée ; utiliser l’influence de Nature Ōsaka pour protéger les lieux autant que possible.
L’année 2020 a été décisive pour deux de ses membres : profitant de leur temps rendu libre par la gestion du Covid, Kaga M. et Isogami K. se rendent sur place dès qu’elles le peuvent. Elles observent, photographient, apprennent à identifier et compter les oiseaux à distance – parfois 100 ou 1000.
Au fil des visites – toutes les semaines puis tous les mois à partir de 2022 – le Groupe d’enquête établit avec d’autres spécialistes une liste de 200 espèces végétales et de 113 espèces d’oiseaux (sur un total de 633 espèces d’oiseaux connues au Japon)14, parmi lesquelles 51 figurent sur la liste japonaise des espèces menacées. De nombreux canards viennent sur l’île : on y trouve la plus grande concentration de Tadornes de Belon (Tadorna tadorna) de l’ouest du Japon et des milliers de Fuligules milouin (Aythya ferina, une espèce classée vulnérable au Japon). Depuis 2021, l’échasse blanche (Himantopus himantopus) vient nicher à Yumeshima.
Ces listes dépassent de beaucoup celle du hot spot de biodiversité en 2014, et font envisager une candidature au label Ramsar, qui reconnaît les zones humides d’importance internationale15. Le cas de la lagune artificielle de Kasai, dans le port de Tōkyō, qui a obtenu le label peu avant les Jeux Olympiques de 2020, inspire. Mais le dossier pour Yumeshima n’a jamais pu être constitué, faute de temps et d’énergie dans le Groupe d’enquête.
Il faut dire que dans le genre zone à défendre, Yumeshima est singulièrement difficile. Alors qu’il faudrait changer son image de site vide et pollué, on ne peut pas y faire venir les habitant·es, que l’industrialisation du port a de toute façon complètement coupé·es de la mer. Cela même qui a permis à la biodiversité de prospérer sur l’île empêche d’en faire l’expérience.
Lire aussi sur Terrestres : Bram Büscher et Rob Fletcher, « La conservation de la biodiversité est une lutte politique », janvier 2023.
Surtout, les chantiers sont redoutables : l’Exposition universelle et le complexe touristique avec casino figurent parmi les projets phares du parti au pouvoir à Ōsaka, Ishin no kai (droite populiste ultralibérale), et sont appuyés par l’État. Il existe bien des mouvements de contestation de l’Exposition et du casino, mais ils concernent des questions – fort importantes au demeurant – d’argent public, de sécurité (du site) et de santé (l’addiction au jeu). Moyennant quoi Yumeshima conserve son surnom d’héritage négatif (fu no isan)16.
Mais le plus difficile pour le Groupe d’enquête sur les êtres vivants, c’est qu’il est trop tard.
D’emblée, on sait que le travail sera ingrat, mais le sentiment d’urgence face à l’imminence des travaux agit comme un moteur. Dès sa formation, le Groupe d’enquête publie des albums photo des oiseaux, interpelle la presse, multiplie les réunions. Kaga M. tient la chronique des observations et des activités (notamment sur la page du site de Nature Ōsaka dédiée à Yumeshima). Kakii K., en charge des échanges formels avec les institutions, s’assure de la coopération du Bureau des ports et négocie avec l’Association Expo 2025.
Natsuhara Y., écologue spécialiste en biologie de la conservation et président de Nature Ōsaka, épluche les études d’impact environnemental réalisées à Yumeshima en amont des chantiers. Il y pointe des erreurs grossières : les oiseaux de rivage, affirme l’une, pourront se nourrir des « insectes de la forêt », en l’occurrence un petit bosquet d’arbres transplantés au milieu du site de l’Expo 202517. « C’est ignorer l’écologie animale », conclue-t-il avec retenue18.
Plusieurs recours administratifs sont déposés à la mairie d’Ōsaka, soulignant le non-respect de la protection pourtant réglementaire d’un hot spot de biodiversité. Après plusieurs demandes écrites (yōbōsho), une demande d’audit citoyen (jūmin kansa seikyū) est tentée, en vain. Un avocat membre de Nature Ōsaka déconseille la voie judiciaire, trop défavorable aux plaignant·es dès lors qu’il s’agit de biodiversité – même le cas de l’emblématique lapin à oreilles courtes des îles Amami, précise-t-il, a perdu au tribunal19.
La Société japonaise des oiseaux sauvages (Nihon yachō no kai, plus avant ‘Société des oiseaux’), Birdlife International ou le WWF apportent leur soutien à plusieurs reprises. De nombreux courriers sont envoyés à l’Association Expo 2025 ou au Bureau International des Expositions à Paris20.
Profitant avec facétie d’un commentaire de l’étude d’impact publié en 2021 et appelant à respecter la biodiversité de Yumeshima, probablement écrit par des employés du Bureau municipal de l’environnement mais signé du maire Matsui, le Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima exhorte en toute occasion à « respecter l’avis du maire »21.
Faux échec, vraie perte
Cette stratégie, qui contraint à d’infinies formalités, est extrêmement couteuse en énergie. En outre elle peut s’avérer contre-productive puisqu’elle permet aux parties adverses – notamment à l’Association Expo 2025 – de se prévaloir de consulter la société civile et de prendre ses remarques en considération (kentō suru, un terme qui sert ici à éconduire poliment), tout en poursuivant projets et chantiers sans y rien changer. Un déroulement courant et connu, néanmoins incontournable. Comme le disent en substance plusieurs membres du Groupe d’enquête : « si on ne fait pas tout cela, ce sera pire ».
Jusque-là, l’échec paraît total. La seule réussite concrète pour le Groupe d’enquête est d’avoir fait annuler un feu d’artifice qui devait se tenir non loin des nichées de sternes en 2021. En dehors de ça, comme le formule Kaga M. : « on n’a rien obtenu, pas 1 millimètre ». En mars 2024, Kakii K., las de négocier en vain avec les institutions, s’exaspérait lors d’une réunion : « j’arrête d’attendre quoi que ce soit ! ». En juin, un membre quitte le groupe. Kaga M., elle-même épuisée, plaisante de tant d’adversité : « c’est éprouvant, il n’y a aucune avancée, et on n’a même pas les avantages des groupes habituels qui font des choses plaisantes ensemble. Il faudrait attirer des bénévoles, mais que dire ? ‘Venez, on s’amuse bien !’ ».
Lire aussi sur Terrestres : Camille Collin, « Le merle et la philosophe », décembre 2020.
Difficulté supplémentaire : la nécessité de ménager le dialogue avec les « parties adverses ». Malgré des divergences au sein du Groupe d’enquête à ce sujet, il va de soi que l’opposition frontale doit absolument être évitée. Les spécificités des mobilisations environnementales au Japon feraient l’objet d’un autre article ; ici, les raisons sont avant tout pragmatiques.
D’abord, la poursuite des enquêtes à Yumeshima en dépend. Ensuite, l’asymétrie des « forces » est trop grande ; s’y ajoute la promotion compliquée de la biodiversité de Yumeshima, qui limite de fait un éventuel soutien du public (peu probable en vérité)22. Enfin, le dialogue est indispensable à la stratégie générale de Nature Ōsaka pour Yumeshima : puisque l’on n’a pas pu éviter la destruction, alors négocions pour sauver ou « compenser » ce qui peut l’être.
Et pourtant. Pour une mobilisation perdue d’avance, elle est plutôt efficace. C’est en tout cas mon point de vue à la fois interne et externe : depuis deux ans que je fréquente le Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima, je suis admirative. En dépit de tout ce qui précède, le Groupe poursuit ses observations sur l’île et ses activités dans la cité : il est en lui-même une réussite. Il est parvenu à rassembler des collectifs habituellement désunis autour des oiseaux de Yumeshima23 ou à élaborer une requête qui dépasse largement le cas de l’île : l’instauration d’études d’impact citoyennes.
Par ailleurs, momentanément contraint par un partenariat avec des associations amies résolues à « veiller de l’intérieur » aux enjeux environnementaux de l’Expo 2025, le Groupe s’en est affranchi (le seul fait de mentionner la biodiversité de l’île étant de toute façon vu comme une critique de l’événement), et envisage désormais des alliances plus étendues, à l’échelle de la baie d’Ōsaka ou avec l’Association des zones humides du Japon (mais pourra-t-on y faire valoir une zone humide qui ne l’est plus, une zone potentiellement humide ?)24. Quant aux expositions de photographies que je mentionnais au début de cet article, elles ont attiré l’attention des visiteur·ses (dont de nombreux enfants) sinon sur Yumeshima, en tout cas sur les oiseaux de rivage.
La perte, dans cette histoire, ce sont eux : les oiseaux.
Certes, à Yumeshima ils ne sont pas morts écrasés sous les machines. Comme l’ont observé sur les réseaux sociaux les commentateurs soucieux d’écarter les obstacles à l’aménagement de l’île, « les oiseaux, ça peut aller ailleurs ! »25. Ce à quoi Araki R., membre active de la branche d’Ōsaka de la Société des oiseaux, a répliqué cent fois que non, précisément ils n’ont plus la possibilité d’aller ailleurs : « si l’on bétonne les lieux où viennent les oiseaux, ils ne peuvent plus se reposer ; ils ne peuvent plus nicher ; ils ne peuvent plus manger ; ils meurent ; cela conduit à leur extinction. »
Zetsumetsu : extinction. Le terme plane au-dessus des échanges les plus anodins, prononcé au quotidien par les amateurs d’oiseaux, souvent à la suite d’un nom d’espèce dont on précise par exemple qu’elle est « niveau 2 de danger d’extinction ». On « cause » extinction.
L’extinction plane assurément. Elle plane même très haut, sur l’ensemble du monde des oiseaux.
L’invisible hécatombe
Les chiffres sont édifiants. Certains sont connus, d’autres beaucoup moins. La moitié des espèces d’oiseaux de la planète est en déclin ; une espèce sur huit est menacée d’extinction26. En 50 ans, les oiseaux limicoles ont diminué de moitié ; la moitié des oiseaux migrateurs d’Asie de l’Est déclinent, notamment à cause de la disparition des zones humides27. Au Japon, entre 1850 et 2016, le déclin des populations d’oiseaux des zones humides atteint 88% ; celui des populations d’oiseaux forestiers plafonne à 94%28. Vu sous l’angle des effectifs et non plus sous celui du nombre d’espèces menacées, le « déclin » n’est donc pas une courbe qui descend gentiment ; dans de nombreux cas, il faut entendre « effondrement ».
Si nous pouvons mesurer ces effondrements (en partie du moins), c’est que d’autres, dans le passé, ont observé, noté, publié.
Tel Enomoto Yoshiki (1873-1945), fondateur en 1937 de la branche d’Ōsaka de la Société des oiseaux. Le 11 août 1933, posté près d’un terre-plein à Hirabayashi, non loin de l’actuel Yumeshima, il comptait par exemple 20000 sternes naines – un chiffre aujourd’hui difficilement imaginable. Pourtant, Enomoto avait déjà l’impression d’assister à la « chute brutale » (gekigen) des oiseaux d’un Japon sur le point de devenir un pays de « villages sans oiseaux », ainsi que l’a découvert Naya H., actuel président de la branche d’Ōsaka de la Société des oiseaux et sur le point de rééditer les écrits d’Enomoto29.
Les observations que Naya H. lui-même réalise depuis 1978, ou encore le mémoire de recherche qu’il réalisa en 1986 sur la corrélation entre la construction des terre-pleins et le nombre d’oiseaux de rivages dans la baie d’Ōsaka, témoignent à leur tour du déclin. Aujourd’hui, Naya H. continue d’enquêter sur de nombreux sites de la zone du port, et de compter – en dizaines, en unités.
Seule la comparaison sur plusieurs générations permet de deviner l’absence, entendu que la mesurer est difficile et l’éprouver impossible. La faute à l’amnésie écologique, un processus désormais connu : l’actualisation permanente de l’état de la biodiversité et des milieux (entre les générations ou dans la vie d’une personne) abaisse sans cesse les valeurs de référence, occultant l’ampleur des pertes passées30. Dans le cas des oiseaux, et plus encore pour les oiseaux de rivage, cette amnésie est renforcée par l’éloignement du champ de l’expérience quotidienne des humains – qui, à Ōsaka, sont pourtant tout près.
Comment, dès lors, parler des oiseaux sans céder à une « rhétorique de la perte31 » ? À propos des tourtes voyageuses (Ectopistes migratorius) en Amérique du Nord, Nathaniel Rich rapporte un témoignage du 17e siècle d’après lequel elles étaient si nombreuses que leurs volées bloquaient la lumière du soleil des heures durant ; en 1813, un ornithologue les estime en milliards32. Cent ans plus tard, l’espèce s’est éteinte avec la dernière tourte, morte en 1914 : des milliards, puis zéro. Titré « L’apocalypse des pigeons », l’article de N. Rich fait écho aux expressions dramatiques qui prévalent pour parler des oiseaux – « La fin de la fin de la Terre » (John Franzen), « deuil et extinction dans un monde partagé » (Thom van Dooren), « un monde qui s’en va » (Vinciane Despret)33. Les histoires d’oiseaux sont unanimes : des nuées de jadis, il ne reste pas grand monde.
Lire aussi sur Terrestres : Thom van Dooren, « En plein vol », septembre 2021.
Le constat est tragique, accablant. Il est pourtant possible de le voir autrement si l’on se rappelle que, outre le fait que les oiseaux procèdent après tout d’une extinction – celle des dinosaures il y a 66 millions d’années –, pour les oiseaux contemporains, l’effondrement a eu lieu. Et de même que l’extinction n’est pas totale, l’effondrement n’est pas la fin puisque des populations entières se maintiennent. Il y a si longtemps que l’on perd massivement les oiseaux que l’on peut même s’émerveiller qu’ils continuent à survivre – à la prédation, à l’artificialisation, à l’intoxication.
J’ignore si ce petit retournement de perspective suffit à rendre la situation à Yumeshima moins désespérée, mais c’est sans aucun doute cet émerveillement qui fait tenir le Groupe d’enquête sur les êtres vivants.
Épilogue : la vie qui resplendit
Août 2024. Au Japon, l’été est torride. On apprend que des sternes ont niché en nombre sur une autre île en déchets à 2km de là, qui s’avère être devenue le premier site de sternes du pays – ou le dernier, on ne sait pas trop : dans tout le pays, les spécialistes s’alarment de n’en avoir observé que très peu cette année.
Dans le Groupe d’enquête sur les êtres vivants de Yumeshima, un nouvel épisode d’abattement menace, puis s’éloigne. Chacun·e est trop intimement investi pour s’arrêter là. D’autant que l’Exposition universelle approche et que, qui sait, cela pourrait être une occasion de faire valoir les oiseaux de rivage dans les médias.
Savez-vous que chaque Exposition universelle a un thème ? Celui d’Ōsaka 2025 : « La vie qui resplendit ». Le titre complet donne quelque chose comme « dessiner une société future où la vie resplendit », mais l’ordre des mots japonais étant inversé, on retient avant tout la vie (inochi) qui resplendit (kagayaku : rayonner, scintiller, briller)34. Inochi n’est pas juste la vie quotidienne : c’est la vie vécue, la vie sur terre, la vie philosophique, la vie révérée ou sauvée, la vie du vivant dans toute son épaisseur. Le programme de l’Exposition suggère cependant une interprétation bien spécifique de la vie, humaine avant tout et de préférence augmentée : projections de soi-même dans le futur, avatars androïdes ou virtuels, cœur humain artificiel à partir de cellules souches, le tout produit par un médecin, un biologiste ou un roboticien vedettes35. Le pavillon d’Ōsaka, appelé Nest for reborn et dont le logo est un œuf, ne porte pas sur les oiseaux mais sur la médecine régénérative.
De nombreuses voix inquiètes ou critiques ont pointé la contradiction de célébrer la vie sur un site considéré comme dangereux à de multiples égards, en rappelant l’intitulé de l’Expo. Le Groupe d’enquête sur les êtres vivants a fait de même, sobrement, à propos de la biodiversité. Sur le plan environnemental, le recul est pourtant stupéfiant : une comparaison avec l’Exposition universelle d’Aichi en 2005 par exemple, et même avec l’Exposition horticole de 1990 à Ōsaka, fait passer l’Expo 2025 pour une dystopie36.
Terminons sur une autre exposition d’Ōsaka, bien plus modeste, si petite à vrai dire qu’elle fut quasiment confidentielle. C’est celle des peintures de Kaga M., qui a eu lieu en 2023 dans le salon de coiffure que tient l’une de ses amies, au fond d’une galerie marchande du quartier de Momodani. Elle y présentait sa série « Souvenirs de Yumeshima (Yumeshima no kioku) », consacrée aux oiseaux et aux paysages observés avec le Groupe d’enquête sur les êtres vivants. Les peintures, de style nihon-ga (peinture japonaise), sont inspirées de photographies prises à Yumeshima, où Kaga M. est allée plus de 100 fois.
On y voit des sternes naines en train de nicher ou de voler, elles qui peuvent traverser des mers avec leur petit corps de 24 cm. On y voit une nuée de bécasseaux fuyant un faucon ou des poussins d’échasse blanche suivant leur mère sur leurs pattes déjà longues. On y voit un couple de spatules, ce grand échassier au bec en cuiller, et un canard colvert, dont on sait par ailleurs qu’il peut excréter des œufs de poisson intacts, ce qui en fait un propagateur potentiel – en plus de semer des plantes, les oiseaux peuvent donc peupler les eaux37.
Vous me voyez venir : l’exposition célébrant « la vie qui resplendit », la voici.
À lire aussi sur Terrestres, l’autre partie de cette enquête sur l’île de Yumeshima: « Voitures volantes et vieux rêves capitalistes », juillet 2024.
Image d’accueil: Boston Public Library sur Unsplash.
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Notes
- « Jonathan Franzen’s Controversial Stance on Climate Action », entretien de 2019 pour le site Sierra club.[↩]
- Yumeshima ikimono chōsa gurūpu.[↩]
- L’« inhibiteur de poussière » (funjin bōshizai) est un produit à base de résine polymère naturelle couramment utilisé sur les chantiers, les talus et les terre-pleins.[↩]
- Jusqu’à 2 tonnes par jour en été, comme l’indique un document interne du Centre de recherche des sciences de l’environnement de la ville d’Ōsaka (Ōsaka shiritsu kankyō kagaku kenkyū sentā) apparu dans le reportage télévisé TBS news dig en juin 2024.[↩]
- Un musée du vin pour lequel un tableau d’Arcimboldo avait été acquis, ou un musée de la mer qui renferme la réplique d’un navire ancien, ont tous deux fermé peu après leur ouverture. Quant au World trade center-Cosmotower, une tour de 55 étages, elle reste en partie vide malgré l’installation des bureaux de la préfecture d’Ōsaka, et les commerces qui s’y étaient installés ont fermé.[↩]
- Il s’agit d’une dérogation car les casinos sont interdits au Japon, de même que les établissements de jeux d’argent – ce qui oblige les innombrables salles de jeu du pays à user de subterfuges.[↩]
- Déclaration devant la presse en 2022. Matsui Ichirō n’est plus le maire d’Ōsaka depuis avril 2023.[↩]
- Ōsaka machijū narabi ni muramura ezu 大阪町中並村々絵図.[↩]
- La catégorie des oiseaux limicoles (shigi·chidori au Japon) rassemble deux familles d’oiseaux, les Scolopacidae (bécasses, bécasseaux, chevaliers, courlis…) et les Charadriinae (pluviers). Un superbe documentaire leur a récemment été consacré : Le mystérieux voyage des oiseaux de rivage, de Randall Wood.[↩]
- Par exemple un aster marin (Tripolium pannonicum), une sorte de pourpier de mer (Atriplex gmelinii) ou l’Hibiscus hamabo, aux grandes fleurs jaune clair.[↩]
- Cette liste, qui compte 16 sites mais seulement 2 de rang A, est établie par le département et par des scientifiques, notamment du Museum d’Histoire naturelle d’Ōsaka.[↩]
- Selon Fujinaga Nobuyo, responsable du Réseau citoyen d’Ōsaka (Ōsaka shimin nettowāku) et lanceuse d’alerte sur Yumeshima, pas moins de 178000 « drains de sable (sando dorēn) » ont été enfoncés sur les secteurs 2 et 3 au moyen d’une foreuse spéciale. Tous sont à présent retirés.[↩]
- Nature Ōsaka est le nom alternatif de l’Association d’Ōsaka pour la conservation de la nature, Ōsaka shizen kankyō hozen kyōkai (que ses membres appellent par raccourci Hozen kyōkai).[↩]
- Index des espèces d’oiseaux du Japon (Nihon chōrui mokuroku), 2012.[↩]
- Ce label est basé sur la Convention du même nom, adoptée en 1971 dans la ville de Ramsar en Iran afin d’enrayer la disparition ou la dégradation des zones humides en reconnaissant leur caractère vital pour de nombreuses espèces d’oiseaux. On compte 2500 sites Ramsar dans le monde. Le label n’a cependant aucun caractère contraignant : une lutte citoyenne de 10 ans a par exemple été nécessaire pour faire échouer un projet immobilier de grande envergure sur un site Ramsar en Australie.[↩]
- Le terme est employé ici au sens où l’île n’est pas productive économiquement. Voir la note 5 de l’article Voitures volantes et vieux rêves capitalistes.[↩]
- Ilex integra (mochinoki) pour la plupart, ces arbres ont été déracinés du parc commémoratif de l’Exposition universelle de 1970, à Suita, et plantés à Yumeshima en 2024.[↩]
- « Les évaluations environnementales de l’Expo 2025 Osaka-Kansai. Loin de [l’initiative internationale] Nature Positive », Scientifiques du Japon (Nihon no kagakusha), 2024, Vol 55, n°6, pp.31-36.[↩]
- Dans le cas du lapin d’Amami (Pentalagus furnessi), le procès, a ajouté l’avocat, n’a pas pour autant été inefficace : il a notamment permis de médiatiser considérablement l’affaire.[↩]
- Doutant que leurs précédents courriers aient été reçus par le BIE, les membres du Groupe d’enquête m’ont même chargée de déposer un dossier directement au siège parisien lors d’un séjour en France.[↩]
- « Avis du maire concernant le document de préparation de l’étude d’impact environnemental de l’Exposition universelle du Japon 2025 ». La facétie réside dans le contraste avec l’indifférence, voire l’agacement, que le maire Matsui affiche face aux questions environnementales à Yumeshima.[↩]
- Il y a plusieurs raisons à cette affirmation, que je développe dans un manuscrit en cours de préparation. Pour n’en donner qu’une, il existe un écart immense, qui ne laisse pas d’étonner, entre un vif intérêt pour les êtres vivants, et le faible engagement pour leur protection.[↩]
- Ce point, qui concerne le monde des amateurs d’oiseaux, est complexe : impossible de le résumer ici. Il est pourtant crucial puisqu’il explique en partie l’inertie durable autour des oiseaux de Yumeshima.[↩]
- Le Groupe, déjà en lien avec un réseau d’associations pour la revitalisation de la baie d’Ōsaka, souhaite intégrer l’Association japonaise des zones humides (Nihon shicchi gakkai), ce qui pose une question de caractérisation, entendu que la zone humide de Yumeshima est actuellement sèche.[↩]
- Si les comptes associés à la protection de l’environnement dans la région d’Ōsaka essuient régulièrement des attaques sur les réseaux sociaux, la mise en question de projets du parti Ishin no kai les expose à des attaques plus virulentes encore.[↩]
- Rapport Birdlife International 2022. Le rapport est téléchargeable ici.[↩]
- Idem, p.33.[↩]
- Idem, p.27.[↩]
- L’expression employée par Enomoto pour « village sans oiseaux », mutorisato (ou mutorikyō 無鳥郷), se trouve dans le guide ornithologique qu’il a publié en 1942.[↩]
- On doit l’article fondateur du « syndrome de référence changeante » à Daniel Pauly, à propos de l’estimation des stocks de poisson (« Shifting baseline syndrome », dans Trends in Ecology & Evolution, Vol.10, n°10, 1995 ; voir aussi Papworth et al. 2009, Soga&Gaston 2018). Sur l’amnésie écologique, voir Philippe J. Dubois, La grande amnésie écologique (2012), ou cet article du site Reporterre.[↩]
- Roméo Bondon, « Penser depuis l’oiseau », Terrestres/Ballast, 2020.[↩]
- Nathaniel Rich, Un monde dénaturé, éditions du Sous-sol, 2023, pp.190-191.[↩]
- Jonathan Franzen, The end of the end of the Earth (2018) ; Thom van Dooren, « Mourning crows : Grief and extinction in a shared world », dans Routledge Handbook of Human-Animal Studies (2014) ; Vinciane Despret, « It Is an Entire World That Has Disappeared », dans Extinction studies, Stories of Time, Death, and Generations, Bird Rose&al (éds., 2017).[↩]
- Inochi kagaku mirai shakai no dezain : le sens du thème de l’Expo 2025, et ce qu’il produit à l’oreille, n’est pas vraiment restitué par la traduction anglaise officielle (« Designing future society for our lives ») et encore moins par la formule française (« Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain »). La vie est bien le thème central de l’Exposition, toute entière organisée selon des déclinaisons de inochi.[↩]
- Le biologiste Fukuoka Shin’ichi, le roboticien Ishiguro Hiroshi et le médecin Morishita Ryūichi, trois figures médiatiques, ont chacun la charge d’un pavillon. Quant au « cœur battant », il serait formé de cellules souches pluripotentes induites (iPS saibō, induced pluripotent stem cells, pour lesquelles Yamanaka Shinya a reçu un prix Nobel de médecine en 2012).[↩]
- Sur Aichi, voir l’article de Sophie Houdart, « Utopies universalistes, la nature en concurrence », revue Terrain, 2013. Quant à l’exposition horticole de 1990, qui se tenait également sur un terrain en déchets de la ville d’Ōsaka (le site de Tsurumi), elle avait donné lieu à une surprenante réflexion sur les relations à la nature en dépit de la mainmise des entreprises de BTP et de son aspect de « Disneyland de la nature », ainsi que la décrivait le journaliste Philippe Pons dans Le Monde (19 août 1990).[↩]
- Ádám Lovas-Kiss&al., “Experimental evidence of dispersal of invasive cyprinid eggs inside migratory waterfowl”, The Proceedings of the National Academy of Sciences, 2020, vol.117, n°27, pp.15397-15399.[↩]