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A propos de Arturo Escobar, Sentir-penser avec la Terre, Seuil, Paris, 2018.

La publication de la traduction française du livre désormais classique du colombien Arturo Escobar, Sentipensar con la Tierra1, importe dans le paysage intellectuel français un débat qui a cours en Amérique Latine depuis une quinzaine d’années, et qui porte sur le rapport à la modernité des luttes d’émancipation des peuples amérindiens, afro-descendants, et de toute la gauche latino-américaine.

Ce débat a été suscité par la formation, autour de la figure d’Escobar et de quelques autres2, d’un courant d’études post-coloniales qui revendique un programme théorique et politique, la « décolonialité du pouvoir » (« descolonialidad del poder »). Il ne s’agit pas seulement de décoloniser les imaginaires du pouvoir, mais de s’affranchir du pouvoir en tant que celui-ci reposerait, en dernière analyse, sur des imaginaires coloniaux. Le pouvoir serait, d’après les auteurs de ce courant, une création moderne et euro-centrée, étroitement associé à d’autres représentations et modes d’organisation sociale : le patriarcat, la coupure sujet / objet, et le capitalisme. Les résistances anticoloniales devraient dès lors commencer par contester à cet ensemble symbolique et discursif toute légitimité. Leur horizon puiserait à des traditions autochtones diamétralement opposées, non seulement du point de vue des formes d’organisation sociales, mais plus profondément, d’un point de vue « ontologique » :

« Au Sud comme au Nord, tout conflit politique autour des questions écologiques renvoie à un écart entre des visions différentes de la manière dont est composé le monde, autrement dit à un enjeu ontologique. A l’heure de la crise écologique et de l’échec de la mondialisation, il est plus que temps de comprendre cette dimension ontologique de la politique. De rétablir une égale dignité des cosmologies non-occidentales pour habiter ensemble le plurivers de mondes qu’est notre planète » (p. 25)

On mesure la profondeur de cette contestation : à la coupure ontologique nature / culture, il s’agirait d’opposer, à l’école des amérindiens, un « multinaturalisme »3 (où les différences de perceptions entre humains et non-humains sont déduites de la différence des corps, mais découlent d’une unité profonde des psychismes, des subjectivités) ; au patriarcat, la complémentarité sexuelle ; à l’Etat, des modes d’organisation acéphales, au capitalisme, un communisme primitif, etc.

Le livre d’Arturo Escobar n’approfondit pas ces intuitions et se contente d’en dresser l’inventaire. Il vise à présenter, de manière schématique, les luttes des peuples amérindiens, et plus généralement des groupes ethniques en situation d’exclusion sociale qui appartiennent à un arrière-plan non moderne (et notamment les afro-colombiens de la côte pacifique) comme des luttes « ontologiques ». Il ne s’agirait pas tant d’obtenir des gouvernements des titres de propriété ou des droits subrogés, mais plus fondamentalement de donner droit de cité à des « ontologies » non-modernes, c’est-à-dire non dualistes, et d’en déduire une sorte d’irréductibilité radicale du monde amérindien.

Cette posture théorique tire d’une certaine manière les conséquences politiques des leçons de l’anthropologie contemporaine. En effet, de Pierre Clastres à Philippe Descola en passant par Eduardo Viveiros de Castro, l’anthropologie américaniste a progressivement démonté les catégories scientifiques des premiers fondateurs de la discipline pour organiser la description des sociétés amérindienne en ayant recours à la notion d’ontologie, autrement dit une forme de représentation du monde qui prend sa source dans un rapport méta-physique radicalement différent, un autre « être-au-monde », que le discours seul ne peut appréhender, et qui ne peut être approché qu’à la condition d’une expérience de décentrement dont seul le séjour de longue durée peut nous approcher. D’une certaine manière, il s’agit aussi de reprendre le débat épistémologique fondamental de la philosophie analytique, mis en lumière par Quine, Davidson ou Wittgenstein, sur les « manières de faire des mondes » par le langage. Quine disait qu’il fallait prendre au sens littéral l’expression usuelle « je veux dire – telle ou telle chose » : c’est le vouloir qui est essentiel, plutôt que le dire. Ce que le dire désigne est incommunicable et ne résulte que d’une sorte d’accord tacite entre locuteurs. Si mon locuteur autochtone emploie le mot « lapin » (ou, pour reprendre l’exemple de Quine, « gavadai ») pour désigner un lapin qui passe, comment puis-je être assuré qu’il s’inscrit dans une ontologie des objets, où l’existence de quelque chose comme un lapin peut avoir un sens quelconque ? Ne s’agit-il pas d’un terme qui désigne « le passage véloce d’une forme blanche », qui se détacherait de la variété phénoménale qui l’entoure, sans qu’il soit possible de déduire de cette occurrence, de cet évènement, l’existence d’un objet discret nommé « gavadai » ? On touche là aux apories du langage qui n’est, en dernière analyse, que « jeu de langage », et dont la relation adéquate au réel est remise en cause.

Arturo Escobar fait fond de ces analyses et en déduit l’incommensurabilité des expériences indigènes, qui relèvent, donc, d’ontologie différenciées, de manière d’être-au-monde incommunicables (à moins d’une familiarité prolongée du corps aux situations, aux agencements de l’expérience indigène), et par conséquent fondamentalement hétérogènes, mais d’égales dignité. La notion de « senti-penser » en appelle directement à l’expérience, et établit une sorte de barrière herméneutique entre ceux qui ont vécu et pensé « avec le cœur » et les autres, qui ne peuvent appréhender la réalité d’un territoire que par la voie détournée de l’imaginaire et du raisonnement. Elles réclament un réinvestissement affectif (ce qui est à la portée de tous) mais aussi une immersion expérientielle au plus près des territoires :

« Le concept de sentipensée a été introduit par le sociologue Orlando Fals Borda à propos des pratiques populaires de connaissance des communautés de la côte atlantique colombienne. Sentir-penser avec le territoire implique de penser simultanément avec le cœur et l’esprit, ou encore, comme le formulent si bien les collègues du Chiapas inspirés par l’expérience zapatiste, de « raisonner avec le cœur ». La sentipensée, c’est la manière dont les communautés territorialisées ont appris à vivre. Il revient à chacun de nous à présent d’apprendre à sentir-penser avec les territoires, les cultures et les connaissances des peuples – leurs ontologies- au lieu de penser à partir des connaissances décontextualisées qui sous-tendent les concepts de « développement », de « croissance » et même « d’économie ». » (p. 29)

Escobar va même plus loin et en appelle à la reconstitution d’une nouvelle « mondialité » (selon le mot d’Edouard Glissant), qui serait pluriverselle plutôt qu’universelle. Il franchit ce faisant un seuil. Son propos intéresse le monde, et non pas seulement les dirigeants des pays qui abritent des minorités indigènes. Il s’agit de penser, depuis le Sud, les conditions de possibilité d’une nouvelle configuration de la mondialisation. Un tel programme a des conséquences sur le plan de l’économie générale de la production intellectuelle. Il s’agit d’abandonner l’universalisme classique au profit d’un pluriversalisme ontologique :

« Cet ouvrage ambitionne d’être une contribution au projet collectif de faire fleurir un champ d’études pluriverselles. De nombreux travaux universitaires critiques naissent de la volonté d’accompagner les luttes et les revendications des mondes qui s’obstinent à exister, malgré la déferlante unimondiste4 caractéristique de la mondialisation néolibérale. Ils visent d’une part à présenter des alternatives viables au discours et aux pratiques du monde unique, et s’adressent tout particulièrement aux habitants de cet unimonde moderne […]. D’autres part, ils cherchent à comprendre comment les multiples projets fondés sur d’autres engagements ontologiques, d’autres manières de faire monde, contribuent à saper le projet d’une monde unique, tout en élargissant leurs propres espaces de réexistence.  » (p. 33-34)

Le raisonnement d’Escobar repose cependant sur une critique radicale de la modernité, qu’il « exotise » à l’envers, en lui contestant toute portée universelle. La modernité serait, de ce point de vue, une création culturelle comme une autre, une curiosité locale5. A ce point de son raisonnement, il me paraît nécessaire de pointer du doigt la contradiction qui mine, sinon les prémices, du moins les conclusions politiques d’Arturo Escobar, et avec lui, de tous les penseurs de la « décolonialité du pouvoir ». Car s’il est vrai que les cultures indigènes reposent sur d’authentiques ontologies différentiées, il est excessif d’en déduire que la modernité, ou plus spécifiquement, la subjectivité moderne, ne saurait y avoir accès, et devrait donc se contenter de les observer en silence – sauf à devenir soi-même anthropologue. La preuve, c’est bien qu’Escobar, en dépit de ses origines métisses a pu se familiariser avec une pensée non-occidentale sans pour autant faire l’expérience d’une sorte de schisme psychique lui barrant l’accès au langage. Au contraire, il a fait de ce détour par l’Autre le point de départ d’une œuvre qui tente de faire droit au divers, d’en restituer le sens, d’une manière qui lui assigne une place dans le panorama de l’anthropologie et de la sociologie politique contemporaine, assignation qui participe d’un projet éminemment moderne de construction des conditions d’intelligibilité de l’Autre. En effet, ce projet est précisément orienté par ce que le philosophe François Jullien nomme une « tension vers l’Un », qui gît au fondement même de la notion d’universel (uni-versus : ce qui est orienté vers l’Un), et découle directement de la philosophie grecque6. Cette modernité-là au moins n’est pas prise en défaut par le programme « décolonial ».

C’est peut-être pour cette raison que ses divers représentants se trouvent contraints, pour justifier leur charge anti-moderne, de réduire la modernité à ses manifestations historiques les plus incompatibles avec les cultures amérindiennes : capitalisme, patriarcat, dualisme, etc. :

« Les combats en tout genre menés au nom de la défense des paysages, des montagnes, des forêts, des semences, des fleuves, des territoires, des paramos et, bien entendu, des formes alternatives de construction du monde, constituent autant de témoignages éloquents sur la crise du Monde-1 : ce monde moderne / capitaliste, séculier, rationnel et libéral, hanté par l’illusion du progrès et du développement et dans lequel la consommation individuelle et la compétitivité du marché seraient la mesure de toute action humaine . » (p. 34)

Cette affirmation, qui réduit la modernité au capitalisme, dans sa version néo-libérale qui plus est, peut surprendre. N’est-ce pas oublier que les différentes branches du socialisme, voire les critiques contemporaines, néo-marxistes, du productivisme et de l’« idéologie de la technique »7, s’inscrivent dans un mouvement d’approfondissement de la modernité ? Que celle-ci n’est devenue trivialement dualiste (au sens de l’Homme « maître et possesseur de la nature » suivant le mot de Descartes) que pour satisfaire les besoins d’une propagande faisant du progrès par la technique le slogan des gouvernements postrévolutionnaires, alors même que d’autres formes de modernité (que l’on songe au socialisme de William Morris par exemple) revendiquaient le respect des paysages, voire de la beauté, défigurée par l’industrialisation et le productivisme ? La philosophie moniste d’un Leibniz n’est-elle pas, elle aussi, « moderne » ? Les découvertes de la physique quantique, qui remettent en cause le dualisme méthodologique de la physique newtonienne, ne sont-elles pas « modernes » ? A quelle caricature faut-il donc réduire la modernité pour qu’elle se prête à la démonstration des tenants du courant décolonial ?

Le raisonnement d’Escobar me semble aussi pêcher par l’autre bout, celui qui tient à l’incommensurabilité des ontologies indigènes. D’une part l’anthropologue parvient à y avoir accès : c’est donc qu’elles ne sont pas inaccessibles. D’autre part, l’expérience indigène du monde compose avec une réalité phénoménale qui est bien « une »8. Il y a un substrat universel de l’expérience : à défaut de l’admettre, alors en effet ne subsiste que l’horizon navrant d’une « pluralité » irréductible, qui ne manquera pas d’enfanter des conflits d’autant plus irrésolubles que les belligérants refuseront le concours de la politique. Cette dernière exige au préalable que l’on admette qu’entre tous les hommes qui forment le corps social il existe du « commun ».9 Pas de commun dans un monde pluriversel.

Dans ces conditions, peut-on estimer que la pensée amérindienne est en mesure de féconder une théorie de l’Etre qui permettrait de faire droit à des mondes différents, « un monde dans lequel peuvent tenir plusieurs mondes ? », selon le mot du mouvement zapatiste ? Il me semble que la réponse à cette question est apportée, par Edouardo Viveiros de Castro, autre grand théoricien de l’être-au-monde amérindien, qui sauve Escobar (et le courant dont il se réclame) en quelque sorte « contre lui-même », et justifie la promesse d’une détropicalisation de la vie intellectuelle du Sud global.

Viveiros de Castro ne se contente pas d’opposer quasi terme-à-terme les ontologies respectives, amérindienne et moderne. D’une certaine manière, on peut soutenir que son œuvre montre de manière édifiante que, dans la fabrique même du discours anthropologique (science « moderne » s’il en est), ce sont les catégories indigènes qui par osmose produisent, au contact de l’appareil critique des sciences sociales, une nouvelle vision, plus totale et juste, du rapport de l’Homme avec les étants qui l’entourent, et que Viveiros de Castro nomme « perspectivisme », un terme qui n’appartient assurément pas au vocabulaire indigène mais qui permet de nommer tout à la fois la manière de « faire monde » de l’Autre et, par contraste, du « Même », autrement dit notre propre système ontologique.

Qu’est-ce que le perspectivisme ? Une théorie anthropologique générale qui, prenant au mot les amérindiens, postule avec eux que la différence essentielle entre humains et non-humains ne tient pas tant à des subjectivités différentes (des sensibilités, des facultés cognitives, des degrés de conscience), qu’à des corps différents. Qui adopte la prémisse indigène d’un monde plurinaturaliste, où les corps (natures), multiples, fournissent le support à des expériences du monde conduite par une seule subjectivité, une seule âme, autrement dit une matrice psychique commune aux plantes et aux animaux, aux non-humains et aux humains. Ce postulat, au contact de la science expérimentale, engage sur la voie d’une reconfiguration théorique générale de nos connaissances relatives au vivant. Et cette voie s’avère extraordinairement féconde. Ainsi, le contact des ontologies ne se conclut pas à une invitation, finalement peu stimulante, à la tolérance ou au vivre-ensemble. Il produit un resourcement, une reprise, entièrement nouvelle, de notre architecture conceptuelle, qui assigne à notre naturalisme classique le statut de moment, particulier, partiel, incomplet, dans notre effort d’ajustement au réel.

Ainsi, le perspectivisme cesse d’être une simple notion désignant le mode d’être indigène, et se propose en théorie générale (ou plus exactement, en une méta-ontologie, cadre conceptuel du dialogue entre de multiples ontologies) qui permettrait de rendre compte des deux grands types de « mondes »: on retrouve l’universel (au sens, rapporté plus haut, que le lui donne François Julien) sous le pluri ou multiversel, à condition d’opérer une lecture non réductionniste :

« Il y a bien plus de monde dans le ciel et sur la terre que n’en rêve notre anthropologie. Décrire ce multivers où toute différence est politique, car toute relation est sociale, comme s’il était une version illusoire de notre univers, les unifier à travers la réduction de l’invention du premier aux conventions du second, c’est choisir une forme trop simple -et politiquement mesquine- de relation entre eux. Une telle facilité explicative finit par engendrer toute sorte de complications, car ce prétendu monisme ontologique se paie finalement par une prolifération inflationniste de dualismes épistémologiques –emics et etics, métaphorique et littéral, conscient et inconscient, représentation et réalité, illusion et vérité, et j’en passe. Ces dualismes sont douteux non pas parce que toute dichotomie conceptuelle est pernicieuse par principe, mais parce que ceux-ci en particulier exigent, comme condition de l’unification des deux mondes, une discrimination entre ses habitants respectifs. Tout Grand Diviseur est mononaturaliste10 ».

La solution de Viveiros de Castro légitime donc la discipline anthropologique, et avec elle, au sens le plus fondamental, le projet de la modernité, en l’invitant à aller encore plus loin dans son mouvement de décentrement radical pour être en mesure de produire un discours au point de contact entre diverses ontologies.

On pourra noter en conclusion que le perspectivisme n’est pas la version politiquement inoffensive de la différenciation ontologique radicale que défend Escobar. C’est même, à mon sens, le contraire : en proposant une refonte de l’appareil théorique global des sciences sociales au contact de la métaphysique cannibale, Viveiros de Castro rend possible la pénétration de la modernité par la théorie indigène, et sa totale transformation. Les luttes ponctuelles n’en ont que plus de sens, car elles peuvent se réclamer tout à la fois du dedans et du dehors, tout en fournissant un guide méthodologique pour le passage de l’un à l’autre, ce que l’approche d’Arturo Escobar ne permet pas. L’apport de la théorie perspectiviste me semble donc considérable, en ceci qu’elle fournit à la modernité, avec ses multiples facettes, les moyens de son renouvellement, je dirais même de son ressourcement spirituel, par le moyen du détour, de la prise de revers. Si les cultures sont porteuses d’ontologies différenciées (et même dans l’hypothèse où cette profusion ontologique serait ramenée à une dichotomie fondamentale, un « chiasme anthropologique » selon le mot de Viveiros de Castro : multinaturalisme indigène versus mononaturalisme occidental), et s’il est possible d’en rendre compte, alors le « Sud » enjoint au « Nord » de s’incorporer cette pluralité ontologique ; en quelque sorte, de la faire sienne et d’en déduire une « diplomatie ».

 


1 Medellín, Ediciones UNAULA, 2014
2 Entre autres, le péruvien Anibal Quijano, l’argentin Walter Mignolo, ou la britannique – naturalisée équatorienne – Catherine Walsh.
3 L’expression a été forgée par Eduardo Viveiros de Castro dans Métaphysiques Cannibales, PUF, Paris, 2009)
4 C’est Escobar qui souligne.
5 Cette critique puise aux analyses des autres tenants du courant de la décolonialité, et, plus précisément aux travaux d’Immanuel Wallerstein. Voir L’universalisme européen. De la colonisation au droit d’ingérence, Demopolis, Paris, 2008
6 François Jullien, De l’universel, de l’uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures, Fayard, Paris, 2008. Cette remarque n’exclut d’ailleurs pas que d’autres traditions de pensée, non occidentales, influencées ou non par la Grèce antique, aient pu se construire sous l’impulsion de ce même élan fondamental. On en trouve notamment des exemples dans le monde arabe au moyen-âge (Ibn Tufayl, le philosophe autodidacte). Il reste que la modernité a fait de cette orientation fondamentale le pivot de son organisation sociale (la démocratie entendue comme projet « universel »), et l’argument de son expansion coloniale.
7 Cf Jürgen Habermas, La Technique et la science comme « idéologie », Gallimard, Paris, 1973
8 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, trad. Alain Renaut, Flammarion, Paris, 2006
9 François Jullien, op. cit.
10 Viveiros de Castro, op. cit., p. 29.