Le début de l’année 2025 a été marqué par une nouvelle série d’attaques à l’égard des agents en charge d’appliquer les réglementations environnementales, illustration parmi d’autres du « backlash » écologique en cours et des régressions délibérées, au plus haut sommet de l’État, à l’égard du processus d’écologisation de l’agriculture et des politiques de transition environnementale, pourtant rares et limitées. Relayant les discours des organisations syndicales agricoles productivistes, le premier ministre François Bayrou n’a pas hésité à mettre à nouveau en cause, dans son discours de politique générale du 14 janvier 2025, l’action « des inspecteurs de la biodiversité » accusés d’humilier les agriculteurs par leurs contrôles excessifs. Parallèlement, des bureaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) étaient à nouveau pris pour cible par des actions de la Coordination rurale (CR), de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) dans plusieurs départements, conduisant à une grève historique des quelques 3000 agents de l’OFB, parmi lesquels on trouve les 1700 inspecteurs de l’environnement en charge de l’application de la réglementation environnementale.
Ces évènements sont le dernier avatar d’une longue série de revers et de remises en cause du droit de l’environnement qui s’inscrit au cœur des ambivalences actuelles de la transition écologique sans cesse célébrée et annoncée mais toujours repoussée. Il y a un an, le premier ministre macronien d’alors, Gabriel Attal, se demandait « s’il faut vraiment venir armé quand on vient contrôler une haie ? ». Le ministre ne doit pas souvent prendre le métro et assister à des contrôles d’identité (faut-il une mitraillette pour contrôler une pièce d’identité ou généraliser l’armement de la police municipale ?). Il n’a peut-être pas non plus consulté les statistiques officielles qui font apparaître une perte de 70% du linéaire de haies depuis 19501, à un rythme qui se poursuit à hauteur de 23 500 km/an dans la période 2017-2021 alors même que 45 millions d’euros de subventions publiques ont été débloqués (Programme « replantons des haies » du plan France Relance) pour une ambition de 7000 km seulement entre 2021 et 2024. Le ministre n’a pas dû non plus aller sur le terrain à la rencontre des agriculteurs concernés qui ne paraissent pas souffrir outre mesure de la menace du gendarme OFB. Ceux que nous avons rencontrés2 sur le sujet ont compris que les contrôles de l’OFB sont rares et qu’il est possible de « mettre un petit coup de godet » sur des tronçons distincts pour supprimer quelques mètres de haies gênants, sans risque de retombées réglementaires. Certains indiquent même que la loi « n’est pas dure à contourner si on s’y prend correctement ». La question n’est donc pas de savoir si les agents de l’OFB ont besoin d’armes (dont le port remonte aux garde-chasses depuis le XIXe siècle) pour contrôler les exploitations, mais s’ils sont en nombre suffisant pour remplir leur mission, rappelons à nouveau qu’ils ne sont que 1700 agents pour l’ensemble du territoire qui s’occupent à la fois de la chasse, de la protection des zones humides et de la qualité de l’eau.
À la suite des manifestations agricoles du début de l’année 2024, et de la montée incessante des critiques à l’égard de « l’écologie punitive » devenue un réflexe dans les discours de la droite sur les questions environnementales, le Sénat avait rendu en septembre 2024 un rapport d’information qui suggérait notamment de « dépénaliser certaines infractions environnementales » et de réduire encore le rôle des inspecteurs de l’environnement en privilégiant notamment leurs missions de prévention3. Rédigé par le sénateur Jean Bacci, élu LR du Var, proche de Bruno Retailleau dont il soutient par ailleurs le projet sécuritaire et répressif, ce rapport est une étape de plus dans l’affaiblissement des régulations environnementales ces dernières années. C’est pourquoi l’OFB fait l’objet de critiques incessantes depuis un an jusqu’à devenir un bouc émissaire commode : il serait trop peu présent sur le territoire, dénoncé comme ignorant des réalités du monde rural et agricole, voire adoptant des positions « militantes ».
Ce rapport reflète les impasses des politiques environnementales actuelles et le double discours qui consiste à faire de la protection de l’environnement et de la biodiversité une priorité des politiques publiques sans jamais donner réellement les moyens de les mettre en œuvre. Les sénateurs constatent le « déficit de légitimité » qui caractériserait l’établissement, mais cette accusation d’illégitimité a elle-même été construite par des élites politiques soucieuses de préserver la croissance et le modèle industriel dominant, contre toute velléité d’encadrement et de régulation des activités toxiques. Alors que s’affirme pourtant l’urgence de désarmer les intérêts privés et les branches d’activités à l’origine des crises environnementales, l’État macronien et ses alliés conservateurs tendent à affaiblir les quelques institutions dédiées à la protection de l’environnement et à la répression des infractions environnementales comme l’Office Français de la Biodiversité. Cette institution reste plus que jamais sous le feu continu des critiques des partisans de l’agriculture industrielle – FNSEA et acteurs de l’agro-industrie en tête.
L’OFB ne compte que 1700 agents pour l’ensemble du territoire, qui s’occupent à la fois de la chasse, de la protection des zones humides et de la qualité de l’eau.
Parallèlement, des députés de droite comme Éric Ciotti et Laurent Wauquiez appellent tout simplement à la suppression de l’OFB4. Ce dernier, dans un courrier adressé aux agriculteur·ices de la Région Rhône-Alpes en date du 7 février 2025, n’hésite d’ailleurs pas à attaquer directement l’OFB au motif qu’il « empêcherait [les agriculteurs] de travailler sereinement, en [les] accablant de contrôles absurdes ». Qualifiée de « coalition d’idéologues », l’OFB est purement et simplement décrédibilisé, sa dissolution explicitement souhaitée5. Comment ne pas s’inquiéter que de tels propos puissent être tenus de manière aussi décomplexée ?
Impunités environnementales
Ce contexte de régression apparente des normes environnementales et des « polices » de l’environnement, loin d’être neuf, est au cœur du fonctionnement du capitalisme industriel depuis ses débuts. Pour se déployer, celui-ci n’a pas cessé de lever les inquiétudes et les efforts de régulation anciens portés par des riverains, voisins des installations industrielles classées, ou les communautés locales soucieuses de préserver leurs milieux de vie6. L’histoire de l’expansion industrielle est celle de phases où alternent de façon discontinue des efforts et des tentatives pour encadrer et réguler les activités jugées toxiques ou dangereuses, et des moments d’acceptation de ces risques au nom du « progrès », de la croissance, de la compétition internationale ou de la souveraineté, qu’elle soit alimentaire, industrielle ou énergétique7.
Le mot « police » lui-même est ambivalent et a fluctué : la notion, héritée de l’Antiquité, désigne d’abord le droit de certaines communautés urbaines de s’administrer en se dotant de normes et de règles concernant ce qui a trait aux rapports sociaux dans l’espace urbain, à la fois l’ordre public, bien sûr, mais aussi l’ordre environnemental, que ce soit la propreté des rues, l’organisation des marchés, les rejets à la périphérie des activités des artisans… C’est ainsi que l’on parle de police des marchés, des métiers, des poids et mesures, des jeux, etc. Sous l’Ancien Régime, le pouvoir dit de police est d’abord exercé par les conseils municipaux (consuls ou échevins), à l’exception de Paris, jugée particulièrement sensible sur le plan politique et qui perd cette compétence dès le XVIIe siècle au profit d’un officier du roi, appelé lieutenant-général de police.
Au cours du XIXe siècle, ce régime est étendu à Lyon et Marseille, qui sont dotées de « préfets de police » sous le contrôle du pouvoir central, tandis qu’une direction de la police est créée au ministère de l’Intérieur. De plus en plus contrôlée par l’État, la police devient un outil de répression centralisé plutôt qu’une institution d’auto-organisation locale. Les polices se diversifient selon leurs champs de compétences alors que leurs effectifs explosent. La police dite nationale et la gendarmerie ont ainsi pour mission le maintien de l’ordre et la recherche des infractions, essentiellement judiciaires, énumérées dans le code pénal.
Lire aussi sur Terrestres : Renaud Bécot, « Lubrizol : la catastrophe n’a pas (encore) eu lieu », octobre 2019.
Aujourd’hui, à côté du droit civil et pénal chargé de réguler les relations entre individus, s’affirme aussi de plus en plus un droit dit de l’environnement chargé d’encadrer la protection, l’utilisation, la gestion ou la restauration des écosystèmes. La réparation de dommages environnementaux a là encore une longue histoire et s’inscrit dans un ensemble de normes anciennes. Celles-ci sont plus en plus techniques et complexes, locales et globales, et elles connaissent une expansion rapide alors que ses périmètres tendent à se densifier et à se diversifier au fur et à mesure des évolutions économiques, scientifiques et techniques qui ne cessent de complexifier les relations que les sociétés contemporaines entretiennent avec leurs milieux de vie et les autres qu’humains. Ce droit singulier se matérialise par ailleurs dans un code de l’environnement, mais sans forcément disposer de juridiction spécialisée (comme il existe par exemple un juge à l’enfance, ou une spécialité criminelle, anti-terroriste, etc.) ni de moyen réel d’application.
Sur le plan pénal, les pollueurs et ceux qui portent atteinte à l’environnement sont à ce jour très rarement poursuivis en correctionnelle et l’administration privilégie les régularisations aux sanctions alors que s’installe un véritable « renoncement écologique » malgré les annonces8. En France en particulier, les activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement restent principalement régies par des régimes de police administrative selon les logiques qui se sont installées dès le XIXe siècle afin de contrer les jurisprudences favorables aux riverains affectés par les premières usines, qui menaçaient de freiner le processus d’industrialisation. Le juge pénal est peu à peu dépossédé de son pouvoir d’appréciation au profit de l’administration, laquelle est désormais chargée de fixer seule – sous le contrôle du juge administratif – le niveau de pollution et de destruction admissible. Ainsi, le « régime de police des installations classées, dont les principes ont ensuite été étendus en matière de déchets ou d’eau, a consacré le juge administratif comme principal juge de l’environnement, laissant au juge judiciaire, et notamment pénal, une compétence résiduelle »9.
Les pollueurs sont très rarement poursuivis en correctionnelle et l’administration privilégie les régularisations aux sanctions. Un véritable « renoncement écologique » s’installe.
Actuellement, les atteintes à l’environnement sont encore prises en charge à travers divers régimes de police spéciaux : les installations classées, les déchets, l’eau et la nature. Si certains juges portent une attention croissante au sujet de l’environnement, particulièrement technique et complexe, parce que relevant d’une expertise scientifique, l’impunité continue de l’emporter alors que les peines demeurent très réduites. Les industriels et les pollueurs savent par ailleurs que les règles peuvent être contournées ou négociées, et qu’en l’absence de recours des tiers, le statu quo est généralement toléré par l’administration. Ainsi, sur les 500 000 installations industrielles classées en France, dont 1312 classées Seveso, et 50 000 soumises à l’autorisation ou l’enregistrement, très peu sont effectivement surveillées et régulées en dépit des complaintes sur la surcharge de règles et l’état répressif en matière environnementale. La réalité est que pour surveiller ces activités potentiellement dangereuses, et malgré les promesses qui ont suivi la catastrophe de Lubrizol en septembre 2019, le nombre d’inspecteurs stagne : il s’élevait à 1587 en 2022, contre 1607 en 2018. Dans le même temps, le nombre d’inspections effectives a baissé de 40% entre 2006 et 2018, passant de 30 040 à 18 196. Les historiens de l’environnement ont montré depuis longtemps combien les régulations environnementales étaient peu et mal appliquées. Les débats actuels sur l’OFB s’inscrivent dans la continuité de deux siècles de construction historique de l’impunité environnementale.
Par ailleurs, la surveillance reste généralement une illusion, notamment pour les industries chimiques, dont la gamme de produits évolue plus rapidement que la réglementation, comme l’ont montré récemment les scandales des « polluants éternels » (Pfas) ou les débats récurrents sur les pesticides et leur interdiction. Quant aux sanctions administratives ou pénales, elles sont toujours faibles ou inopérantes. Ainsi Thomas Le Roux observe que « seuls 10% des arrêtés préfectoraux constatant une infraction dans le cadre des mises en demeure sont suivis d’une sanction pénale, et il s’agit généralement d’amendes très faiblement coercitives et inefficacement compensées par l’astreinte administrative, une amende journalière jusqu’à la mise en conformité, ou la transaction pénale – toutes deux procédures qui financiarisent le risque en quelque sorte »10. Notons que si les responsables d’AZF ont fini par être condamnés (avec une peine bien légère de 15 mois de prison avec sursis pour le directeur), le dénouement du procès, en décembre 2019, a eu lieu plus de 18 ans après la catastrophe ; la tenue d’un procès pénal pour l’accident de Lubrizol est très incertaine. Hors de ces catastrophes, la prééminence de la régularisation sur la sanction se fait au dépend des tiers et interroge sur l’effectivité du droit de l’environnement, à l’image des autres illégalismes environnementaux découlant d’une police sans moyens, d’une priorité donnée aux impératifs économiques, d’une pratique menant aux procédures transactionnelles et d’une culture juridique vide de préoccupations environnementales, même si se dessine sans doute aujourd’hui des changements avec le renouvellement générationnel des magistrats plus sensibles et sans doute mieux formés à ces sujets11.
Une « police de l’impossible »
Alors même que les polices municipales et criminelles se portent bien, avec des budgets et des effectifs en hausse, et que s’affirme le tout répressif pour les migrants, la petite délinquance de banlieue ou les militants écologistes, la clémence et l’assouplissement des règles continue de guider l’action de l’État à l’égard des industriels et agriculteurs pollueurs. Si certains délits comme la conduite sous emprise de stupéfiant et de cannabis a explosé ces 20 dernières années, passant de moins de 3000 condamnations en 2005 à plus 57 000 en 2021, les délits environnementaux – défrichements illicites, rejets de substances toxiques dans le milieu, braconnage – restent quant à eux peu poursuivis.
L’histoire de l’OFB et des « polices environnementales » est à cet égard éclairante. Cet office a été créé en 2020 par la réunion au sein d’un même établissement des anciennes polices historiques de la pêche et de la chasse, devenues les polices de l’eau et de la nature. On distingue en effet deux types de polices dites de l’environnement : « eau et nature » et « installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ». Les polices de l’environnement regroupent pour l’essentiel les agents administratifs chargés de contrôler et de faire respecter les réglementations mais également de constater les infractions pénalement punissables en matière environnementale. Peu visibles et peu connues, ces institutions regroupent les agents de l’OFB en charge de la police de l’eau et des milieux aquatiques, des milieux naturels, des espèces sauvages, de la pêche et de la chasse ; ainsi que les polices des installations classées et des établissements industriels rattachées à des services comme la DDT (Direction départementale des territoires) ou la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Leurs compétences sont définies par le code de l’environnement12. Dans ces divers services, les inspecteurs de l’environnement sont des agents de service public assermentés et habilités dans le cadre de la législation environnementale à conduire les missions de police de l’environnement, c’est-à-dire le constat et la répression des infractions éventuelles.
Alors que le tout-répressif frappe les migrants, la petite délinquance de banlieue ou les militants écologistes, c’est la clémence qui guide l’action de l’État à l’égard des industriels et agriculteurs pollueurs.
Le succès administratif des notions comme « environnement » à partir des années 1970, ou comme « biodiversité » dans les années 2000, dissimule en réalité une continuité dans les pratiques et les institutions qui encadrent les usages de la nature, et qui privilégient toujours massivement la pédagogie et les rappels aux règlements sur les sanctions réelles. L’essor de cette police est censé prouver l’écologisation de l’État et de ses politiques, qui se doteraient de moyens de faire appliquer des réglementations jusqu’à présent restées lettre morte. Pourtant, cette police demeure très faible du fait notamment des effectifs restreints déjà pointés et d’une série de contraintes qui entravent son action, en bref il s’agit largement d’une « police de l’impossible » comme le montrent à nouveau les attaques répétées contre l’OFB13.
Une enquête récente particulièrement fouillée a montré les difficultés qui entravent l’action régulatrice et répressive de cet organisme alors que les pénalités environnementales demeurent le parent pauvre de la justice. Les contraintes qui pèsent sur l’action des agents de l’OFB chargés de faire appliquer le droit de l’environnement sont en effet nombreuses : faiblesse des moyens, effectifs insuffisants, voire en baisse, multiples entraves de la part de certains élus locaux ou syndicats agricoles14. On pourrait parler à cet égard d’une fabrique réglementaire et organisationnelle de son impuissance d’agir. C’est ce qui apparaît à la lecture du bilan publié le 5 juin 2024 par le syndicat de la magistrature auprès de la mission d’information du Sénat. Le constat partagé par les magistrats et rendu public lors de son congrès est le suivant : « la justice est rendue impuissante face aux atteintes à l’environnement, en étant dépossédée, au profit de l’administration, de l’application de ce droit ». Les magistrats s’accordent sur la grande compétence des inspecteurs de l’environnement de l’OFB dont les procès-verbaux sont précis, rigoureux, circonstanciés et pédagogiques (en l’absence de spécialisation environnementale des juges, cet appui est essentiel). Mais ils regrettent le caractère hybride de ses missions qui rendent impossible une véritable police de l’environnement : « Il n’est pas raisonnable […] d’attendre des mêmes acteurs à la fois de la pédagogie et du contrôle impartial, de la recherche scientifique et du conseil aux collectivités territoriales ; ce n’est ainsi pas le cas pour la gendarmerie et la police nationale ». Le niveau de ses effectifs est jugé très insuffisant pour accomplir toutes ses missions et intervenir en temps réel en cas d’infraction, d’autant que, contrairement aux autres polices, les agents n’ont aucune astreinte de nuit ou de week-end. L’OFB détient donc des pouvoirs de police sans en avoir les moyens.
Par ailleurs, les critiques et les entraves apportées à l’action des polices de l’environnement, dépeints comme le bras armé d’un État oppressif à l’égard du monde agricole, s’inscrit dans le double contexte d’un supposé « agribashing » et de la répression des mouvements écologistes15. Après avoir réprimé et marginalisé toute critique écologiste radicale dans l’espace public, il s’agit d’affaiblir les quelques outils dont l’État s’était doté au début du XXIe siècle pour tenter de faire appliquer le droit de l’environnement émergeant. Les bilans chiffrés démontrent par ailleurs qu’on est très loin du harcèlement dénoncé dans les médias par les porte-parole du productivisme agricole et leurs relais politiques : « En 2023, sur les 21 635 contrôles administratifs réalisés par l’OFB, seulement 2759 concernaient des agriculteurs, soit moins de 13 % des cas. À ce rythme, avec une moyenne de 17 agents par département, la direction de l’OFB estime qu’un agriculteur français risque d’être contrôlé une fois tous les 130 ans », indique par exemple l’EFA-CGC, syndicat qui représente les personnels des ministères de l’agriculture et de l’écologie et de leurs établissements associés. Quant aux contrôles judiciaires, le syndicat a recensé 1273 procédures concernant le monde agricole en 2023, soit 13 procès-verbaux par an et par département en moyenne16.
Les chiffres montrent qu’on est très loin du harcèlement dénoncé par les porte-parole du productivisme agricole : en 2023, seuls 13% des contrôles administratifs réalisés par l’OFB concernaient des agriculteurs.
Si le « pacte vert » européen prévoit bien de durcir les sanctions en matière de criminalité environnementale et exige que chaque pays européen transpose d’ici à 2026 la directive de mars 2024 sur la protection pénale de l’environnement dans leurs législations nationales, en pratique ce droit de l’environnement demeure faible, peu pris en charge par les tribunaux déjà surchargés, alors que les nouvelles orientations globales qui se dessinent partout sous la pression des lobbys et de l’extrême droite annoncent de multiples retours en arrière. Tandis qu’au début des années 1990 la protection de l’environnement représentait 2% de l’activité des tribunaux correctionnels, elle en représentait moins de 1% dans les années 2010. Les débats et choix politiques qui entourent actuellement la question de l’OFB et de ses missions laissent par ailleurs de côté une série de questions fondamentales lorsqu’il s’agit de penser les transitions futures, celles de l’utilité des activités destructrices pour l’environnement, alors que, du réchauffement climatique aux pollutions globales, c’est bien leur existence qui est à la source des crises environnementales en cours.
La dérégulation environnementale de l’agriculture à vue d’œil
Si l’industrie – nous l’avons vu – est un secteur qui bénéficie d’une forte impunité environnementale, l’agriculture se situe encore à un autre degré. Il ne s’agit pas seulement d’une capacité à se soustraire à la justice, mais d’un pouvoir de (dé)régulation exercée en interne à la profession. Ceci correspond à une pratique inscrite dans l’histoire de la modernisation agricole depuis 1960 : la co-gestion des politiques publiques agricoles par le syndicalisme majoritaire (FNSEA et JA) au côté du ministère de l’agriculture. Cette auto-régulation fut intégrée comme une évidence sur le chemin du progrès productiviste, et facilitée par les effets recherchés de cette modernisation : des campagnes vidées de leur substance sociale par l’exode rural et transformées en support de production alimentaire pour une population de plus en plus ouvrière et urbaine qu’il fallait nourrir à bas coût, avec force engrais et pesticides. La co-gestion de l’agriculture française a été le cœur du réacteur qui a transformé le pays entier : remembrement faisant table rase de paysages séculaires pour calibrer les parcelles à l’échelle des tracteurs et de la productivité, passage d’une société paysanne à un pays industriel et urbain, révolution technologique qui a fait de la terre un outil de travail dont on mesure le rendement.
Depuis cette modernisation, la FNSEA et les JA ont régné sans partage sur les organisations professionnelles chargées de l’accès au métier et de son encadrement selon un modèle productiviste. Il fallut attendre les années 2000 pour que le pluralisme syndical soit reconnu et que le centre du pouvoir de décision des politiques agricoles se déplace de Paris à Bruxelles. Mais la possibilité d’expression du pluralisme est limitée par certains verrous (principe de prime à la majorité et liste d’union des deux centrales aux élections des chambres d’agriculture17), et la FNSEA a investi largement Bruxelles par une alliance avec les organisations représentant l’agro-industrie18. En outre, les relations tissées sur des décennies entre dirigeants syndicaux et organes du pouvoir politique demeurent sous la forme de réseaux d’influence, avec des effets bien réels sur la casse des réglementations environnementales, pourtant déjà fragiles et récentes.
Lire aussi sur Terrestres : Salvador Juan, « Défendre les normes pour défendre une autre agriculture ? », février 2024.
La figure de Laurent Duplomb, ami et proche de Laurent Wauquiez19, est une illustration de la collusion des pouvoirs, qu’ailleurs on qualifierait de conflits d’intérêt voire d’infiltration mafieuse. Ex-président de la chambre d’agriculture de Haute-Loire et ancien administrateur du groupe laitier Sodiaal, ce notable de la FNSEA siège à présent comme sénateur et s’attaque avec ardeur à l’OFB comme à « tous ces soldats verts du ministère de l’écologie punitive ! » [DREAL, DDT…] qu’il propose de « faire taire » ou « de supprimer »20. Ayant fait ses classes au syndicat des JA, il poursuit naturellement à la FNSEA, la centrale des aînés, et commence en parallèle une carrière politique comme adjoint municipal jusqu’à se hisser au palais Bourbon en 2017. Il cumule, comme tous les dirigeants nationaux de la FNSEA, des mandats agricoles et politiques. Et il est de tous les combats anti-écolo : proposition de suppression de l’Agence bio, attaque de l’Anses21 qu’il demande à placer sous l’autorité politique et enfin dénigrement de l’OFB.
L’attaque en règle contre les régulations environnementales de l’agriculture s’inscrit dans un projet cohérent plus large : permettre l’expansion et la prospérité du complexe agro-industriel liant les grandes exploitations exportatrices, les acteurs de l’amont (machinisme, fournisseurs d’engrais et de pesticide), les grandes coopératives (stock et export des grains, conseil et vente d’engrais et pesticides) et les acteurs de l’aval (transformation des matières premières en aliments ultra-transformés). Voilà pourquoi on attaque l’OFB, l’Anses en même temps que l’on réintroduit les néonicotinoïdes ou bien encore que le Parlement vote une dérogation à la loi Egalim (2018)22 qui prévoyait la séparation des activités de conseil et de vente de produits chimiques par une même structure pour éviter les conflits d’intérêt23.
La trajectoire de certaines dispositions actuellement votées au Sénat suit les liens de collusion entre les dirigeants syndicaux et certains élus politiques – quand ce ne sont pas les mêmes. Repartons du rapport d’information du Sénat n°258 « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? » présenté par Laurent Duplomb en mai 2019 au sein de la commission des affaires économiques. Ce rapport, peu diffusé hors des réseaux d’influence susmentionnés, contient déjà tout ce qui sera repris ensuite en termes de dérégulation et d’attaque des instances de protection de l’environnement et des consommateurs. Il s’agit d’un argumentaire précis, chiffré, qui explique que l’avenir de l’agriculture française – 1ère productrice agricole européenne et largement exportatrice – est exposée à une concurrence internationale déloyale (préfigurant les mobilisations anti-mercosur) à cause d’une sur-réglementation et d’une sur-transposition des normes européennes (en matière environnementale et sanitaire) (p. 11). Concernant la question du revenu des producteurs, « Prétendre régler le problème des revenus agricoles en ne traitant que la partie « GMS« 24 est une illusion ». Autrement dit, il ne faut pas, comme avec la loi Egalim de 2018, chercher à mieux partager la valeur entre producteurs et distributeurs (grande et moyenne surface). Au contraire, « Il convient de se préoccuper des autres sources de revenus que sont les subventions et aides et les revenus tirés de l’exportation. » (p. 18). Ce qui revient à faire payer par les contribuables ce que les distributeurs et les transformateurs devraient verser aux producteurs. La loi Egalim est particulièrement épinglée en ce sens qu’elle ferait augmenter encore le coût de production des agriculteurs, notamment trois de ses mesures qui seront reprises dans les revendications pour être écornées ou supprimées : la création d’un différentiel prix entre les produits phytopharmaceutiques et les produits autorisés dans l’agriculture biologique ; l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques et la séparation des activités de ventes et de conseil pour de tels produits (p. 12).
La solution est de « conserver la diversité de l’agriculture française capable de couvrir toutes les gammes ». Autrement dit, de permettre aux pauvres d’avoir accès à une malbouffe made in France.
Le choc de simplification, déjà contenu dans ce document, a pour objectif la reconquête des marchés nationaux (contre les importations) et la conquête de nouveaux marchés « là où la demande va exploser », c’est-à-dire 150 pays d’Afrique et d’Asie qu’il reste « à conquérir » pour reprendre les termes parfaitement assumés du rapport. Concernant le marché national, la démocratie alimentaire promue par les partisans d’une alimentation saine et durable pour tous, n’est pas le schéma retenu. Au contraire : « Prétendre vouloir sauver l’agriculture française uniquement par la montée en gamme est une illusion », car, affirme le rapport, les ménages pauvres n’y auront pas accès et se tourneront vers les importations. La solution est donc de « conserver la diversité de l’agriculture française capable de couvrir toutes les gammes ». Autrement dit, de permettre aux pauvres d’avoir accès à une malbouffe made in France. L’argument a été très bien accueillis par les lobbies de l’agro-alimentaire et repris par la presse agricole ou nationale alignées sur les positions libérales et productivistes25, dénonçant à l’unisson « le piège de la montée en gamme de l’agriculture ». Puisque l’agriculture bio est incapable de nourrir les Français, laissez-nous produire à grande échelle et à moindre coût pour le marché intérieur mais aussi extérieur. Il s’agit en d’autre termes d’inverser les causes et les effets : le maintien de la consommation de produits bio dans une niche n’est pas le résultat d’un « choix du consommateur », mais le résultat d’une politique de sape du soutien à la bio26, de l’inégale répartition des aides de la PAC27 et d’une politique d’austérité pour les ménages les moins aisés et de cadeaux fiscaux pour les plus riches, qui avantagent au final la production polluante à grande échelle et la consommation d’aliments ultra-transformés et nuisibles à la santé.
Les propositions de ce texte sont reprises dans le Pacte productif 2025 agricole présenté le 1er Octobre 2019 par la FNSEA, l’Ania (Association nationale des industries alimentaires) et Coop de France dans le cadre de la consultation lancée par Bruno Le Maire intitulée « pacte productif 2025 pour le plein emploi ». Le rapport Duplomb apparaît d’ailleurs en page 5 pour marteler l’idée de menace que représente le recul des parts de marchés à l’export. On y retrouve l’importance d’une « approche pro-business » pour restaurer la confiance des acteurs économiques face à l’agribashing, et l’enjeu principal de soutien à l’exportation, source de création d’emploi et de croissance du PIB, à condition de diminuer le coût du travail, des engrais, et d’en finir avec la sur-réglementation environnementale et sanitaire. La « fiscalité comportementale et environnementale » (taxes sur les boissons sucrées ou l’alcool, sur l’énergie), sans oublier l’interdiction de remises, rabais, ristournes sur les pesticides, sont épinglées tandis qu’est lancé un appel à lever les freins à l’innovation (mutagénèse, OGM, agri-énergie…) et à permettre le stockage de l’eau (méga-bassines). Dans une suite logique, le Sénateur Duplomb présente une proposition de loi permettant un « choc de compétitivité en faveur de la ferme France », adoptée en première lecture par le Sénat en mai 2023. Outre l’assouplissement des mesures visant à limiter l’usage de pesticides, le texte propose de placer l’OFB sous le quasi-contrôle du préfet qui devra l’inciter à privilégier la procédure administrative et non judiciaire. Mais cette proposition de loi sera arrêtée par les péripéties gouvernementales (dissolution de l’assemblée, puis censure du gouvernement).
Qu’à cela ne tienne, le texte revient en novembre 2024 toujours porté par le sénateur Duplomb sous le nom évocateur : « Proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur n°108 ». Il s’agit d’une loi qui se veut complémentaire à la Loi d’orientation agricole, initialement orientée vers le défi du renouvellement des actifs agricoles, le sénateur visant ainsi à s’assurer d’un volet pleinement orienté vers la dérégulation environnementale du secteur. Elle a été adoptée au sénat dès le 27 janvier 2025 grâce à une procédure accélérée engagée par le gouvernement mais reste, à l’heure où nous écrivons ces lignes, dans la navette parlementaire pour discussion et vote à l’Assemblée Nationale. Quoi qu’il en soit, dans les rues, cette vulgate anti-régulation naviguant dans les réseaux syndicaux a fait son œuvre : les colères agricoles orchestrées par le syndicalisme majoritaire s’en prennent à l’OFB et à toutes les régulations environnementales qui deviennent le bouc émissaire des agriculteurs. Pourtant, ceux-ci sont-ils victimes du loup, de la réglementation sur les haies ou encore des entraves à l’exercice de leur métier que représenteraient le maintien en vie des abeilles, des oiseaux et des insectes, ou bien, au contraire, de la chaîne agro-industrielle et exportatrice ? C’est en termes de collaboration à une destruction environnementale à grande échelle qu’il faut comprendre les relations qui unissent les agriculteurs à ce complexe. Si les plus riches en tirent des avantages, la plupart d’entre eux en sont les otages, souvent très endettés28. Ce qui peut expliquer la facilité avec laquelle on peut détourner leurs regards vers des cibles qui permettent de ne pas aborder de front les véritables responsabilités.
Ainsi, à partir de la fin 2024, faisant feu de tout bois sur la biodiversité et la santé des consommateurs, la commission économique du Sénat, où pèse le sénateur Duplomb, va imprimer sa marque sur ces deux textes législatifs. Celui visant à « éviter les distorsions de concurrence » propose une série de dérégulations, comme la ré-autorisation de certaines substances dangereuses (néonicotinoïdes, acétamipride, etc.29) et l’inscription des méga-bassines comme « intérêt général majeur »30. Cette loi s’attaque fortement à l’Anses, notamment à son pouvoir d’autoriser ou non la mise sur le marché de certaines substances en donnant la possibilité au ministre de suspendre, par arrêté, une décision de l’Agence sanitaire et en réorientant ses missions sur l’encouragement à « l’innovation par l’émergence de technologies nouvelles ».
Lire aussi sur Terrestres : Tanguy Martin, « 70 ans d’agriculture française au service de l’accumulation capitaliste », juin 2022.
Quant à la loi d’orientation agricole31, elle marque une régression sans précédent sur le plan environnemental et une avancée majeure pour faire de l’agriculture un secteur économique prioritaire, maquillé sous les habits vertueux de la « souveraineté alimentaire » dont un récent rapport publié par l’association Terre de Liens32 montre bien qu’elle a pourtant été largement sacrifiée sur l’autel du productivisme-libéral. Là encore, c’est la commission économique du Sénat qui a remanié le texte initial de l’Assemblée Nationale et inscrit comme article premier un principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire » en faisant de l’agriculture un « intérêt fondamental de la Nation ». Ce qui a pour conséquence l’autorisation des méga-bassines, le relâchement de toute entrave à la production, et la minorisation du rôle des instances de contrôle : l’OFB pour la biodiversité, et l’Anses pour les consommateurs. En bref, la non-régression de la compétitivité agricole justifie et autorise la régression totale de la santé du vivant.
À défaut d’inciter les agriculteurs à prendre le chemin de la transition agroécologique, la loi d’orientation agricole a pour effet de faire entrer la délinquance environnementale dans le droit.
Le pouvoir de police de l’OFB est réduit à peau de chagrin puisque le texte prévoit la dépénalisation quasi-totale des atteintes à l’environnement par le secteur agricole. Désormais, l’arrachage de haies, l’usage de pesticides, l’épandage de lisiers ou le débordement de cuves de méthanisation ne pourront plus être poursuivies en pénal et la sanction financière sur le plan administratif passe de 150 000 euros à 450 euros. Cette peine minime ne s’applique qu’aux « cas intentionnels », ce qui restera difficile à prouver. Et si jamais les agents de l’OBF se risquaient encore à exercer leur fonction de police, les sénateurs ont inséré une « présomption de non-intentionnalité » pour certaines infractions. Justifiant cette impunité environnementale pour les agriculteurs, Laurent Duplomb a dénoncé sur Public Sénat le système prévalant jusqu’alors, où l’agriculteur faisant l’objet d’une poursuite pénale a « l’impression d’être un grand délinquant », ce que la ministre de l’agriculture a appuyé en insistant sur « l’état d’insécurité juridique et de stress » dans lesquels se retrouvent les agriculteurs poursuivis.
À défaut d’inciter les agriculteurs à prendre le chemin de la transition agroécologique33, cette loi aura au moins pour effet de faire entrer la délinquance environnementale dans le droit.
Les atteintes à l’environnement ne sont malheureusement pas l’apanage du secteur agro-industriel et agro-alimentaire. L’agriculture a été la cible particulière et récente d’une dérégulation car la période précédente avait vu quelques avancées en matière d’écologisation des pratiques, soutenue par la Loi d’orientation agricole de 2014 et la loi Egalim. L’industrie, quant à elle, n’a pas opéré de transition écologique et les rares pouvoirs de police de l’environnement qui encadrent son activité sont bien minces face au chantage à l’emploi, aux menaces de délocalisation, ou à l’inventivité de la chimie. Le maintien des polices de l’environnement en situation d’impuissance d’agir, leur affaiblissement récent et les dérégulations environnementales concernent aussi bien ce que nous avons dans nos assiettes (atteintes à l’Anses), les forêts, les haies et la faune sauvage (atteintes à l’OFB), la lutte contre l’artificialisation des sols (loi Duplomb autorisant la construction sur sol agricole), la disponibilité en eau pour les humains et les écosystèmes (Loi Duplomb et Loi d’orientation Agricole), que la vie des non humains et des humains (autorisation de pesticides considérés comme dangereux par la science). Cet ensemble de régressions ne peut qu’aggraver la crise écologique et climatique et sacrifie l’habitabilité de notre territoire au nom d’une prétention à nourrir le monde pour servir des profits qui ne concernent pas grand monde.
Une première version de ce texte est parue sur le site du Vocabulaire critique des transitions : François Jarrige et Yannick Sencébé, « Office français de la biodiversité. OFB et polices de l’environnement : le désarmement du droit », Vocabulaire critique et spéculatif des transitions, 19 mars 2025.
Image d’accueil : Raoul Dufy, The Wheatfield (1929). Wikiart.
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Notes
- Philippe Pointereau, « Les haies : évolution du linéaire en France depuis quarante ans », Le Courrier de l’environnement de l’INRA, 2002, 46 (46), p.69-73.[↩]
- Dans le cadre d’une étude menée en 2023 avec des étudiants du Master Agroécologie pour l’Agence Régionale de l’Environnement (Alterre BFC ayant pour mission d’animer le réseau Bocag’Haies, regroupant les différents acteurs concernés par la gestion et la réglementation des haies). Des entretiens ont été conduits, dans la région Bourgogne Franche-Comté auprès de 8 agriculteurs ayant des haies, de 7 conseillers agricoles et d’agents de l’OFB pour identifier les perceptions de la réglementation et les pratiques d’entretiens des haies. Les auteurs remercient ici les 7 étudiants de ce master pour la qualité de leurs enquêtes.[↩]
- Jean Bacci, Évaluation de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement – Rapport d’information n° 777 (2023-2024), déposé au Sénat le 25 septembre 2024.[↩]
- Émilie Massemin, « OFB : les raisons de la grève de la police de l’environnement », Reporterre, 31 janvier 2025.[↩]
- Le directeur général de l’OFB a répondu rapidement à ce courrier jugé irresponsable et « profondément dangereux », Le Monde, 24 février 2024.[↩]
- Jérôme Fromageau, « La Police de la pollution à Paris de 1666 à 1789 », thèse d’État, université de Paris 2, 1989 ; Thomas Le Roux, « Régime des droits vs. Utilité publique. Justice, police et administration : faire face à l’industrialisation (France – Grande-Bretagne, 1750-1850) », in Marco Cicchini, Vincent Denis, Vincent Milliot et Michel Porret (dir.), Justice et police : le nœud gordien (1750-1850), Genève, Georg éditeur, 2018, p. 103-124.[↩]
- François Jarrige et Thomas Le Roux, La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Le Seuil, 2017.[↩]
- Voir notamment le travail du spécialiste de science politique Sylvain Barone, « L’impunité environnementale. L’État entre gestion différentielle des illégalismes et désinvestissement global », Champ pénal, vol. 15, 2018 ; et à propos des politiques de l’eau : Sylvain Barone, L’eau, une affaire d’État. Enquête sur le renoncement écologique, Raisons d’agir, 2024.[↩]
- Cf. Sébastien Mabile, « Quelle organisation de la Justice pour enrayer la disparition du vivant ? », Délibérée, N° 8(3), 2019, p. 33-37.[↩]
- Thomas Le Roux, « Le risque industriel sans effort (as soon as possible) », Terrestres, 28 novembre 2021.[↩]
- Edwige Prompt, « À Besançon, des procès dédiés aux délits environnementaux », Reporterre, 14 février 2023[↩]
- Article L.121-9, Code de l’environnement.[↩]
- Selon la formule de l’historien Jean-Baptiste Fressoz, Le Monde, 28 février 2024.[↩]
- Léo Magnin, Rémi Rouméas, Robin Basier, Polices environnementales sous contraintes, Paris, Rue d’Ulm, 2024.[↩]
- Yannick Sencébé, « Agribashing. La (dis)qualification de la critique au temps de la transition agroécologique », Vocabulaire critique et spéculatif des transitions, 2021.[↩]
- Juliette Quef, « « Nous servons de boucs émissaires » : dégradations de locaux, mise en retrait des agents… la police de l’environnement sous pression », Vert, 24/01/2025.[↩]
- Ce principe équivaut à attribuer plus que la majorité absolue à la liste arrivée en tête dans ses élections aux chambres. Cette représentation majoritaire détermine ensuite l’attribution des sièges dans d’autres instances qui encadre la profession : SAFER, Crédit Agricole, MSA…[↩]
- La Copa-Cogeca, puissant lobby représentant les syndicats et grandes coopératives de l’agro-industrie est présidée depuis 2020 par Christiane Lambert, ex-présidente de la FNSEA.[↩]
- Le sénateur-farmer a pu agrandir une retenue d’eau sur sa ferme de Haute Loire (150 vaches) grâce à son ami, président de la région AURA et auteur de la lettre anti-OFB citée plus haut. « Laurent Duplomb, le sénateur pro-bassines arrosé par Wauquiez », Les Jours, 16 juin 2023. Dès 2018, Laurent Wauquiez avait nommé Laurent Duplomb comme chargé de l’agriculture dans son « cabinet fantôme » (cabinet informel préfigurant un gouvernement en cas de victoire aux élections face à E. Macron).[↩]
- Séance du Sénat 24/01/2024.[↩]
- L’Anses (Agence nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du travail a pour mission d’évaluer les risques sanitaires dans ses domaines de compétences, et est chargée des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires.[↩]
- La loi Egalim 2018 fait suite aux états généraux de l’alimentation et à la Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014. Cet ensemble avait marqué une avancée conséquente de la transition agroécologique de l’agriculture, la préservation des espaces naturels et forestiers, et pour la loi Egalim proposait un cadre pour « une alimentation saine, durable et accessible à tous ».[↩]
- Cette dérogation prolonge la possibilité de siéger aux chambres pour les élus exerçant des activités de vente de produits phytosanitaires. Elle a été votée juste en amont des élections (février-mars 2025) et justifiée par la Ministre de l’agriculture Annie Genevard au motif que l’application de la loi Egalim aurait « écartée de nombreux candidats légitimes ».[↩]
- Grandes et moyennes surfaces. L’argument revient à minorer le problème de la captation de la valeur par les GMS et il passe sous silence le poids des transformateurs sur le prix payé par le consommateur au détriment des producteurs (ex. sur un litre de lait : la marge brut des éleveurs a baissé de 4% entre 2018 et 2022 quand celle des transformateurs augmentait de 64% et celles des distributeurs de 188% ) voir l’étude de la Fondation pour la Nature et pour l’Homme sur le sujet.[↩]
- Voir par exemple « La stratégie de la « montée en gamme » remise en cause dans un rapport parlementaire », Agriculture et environnement, 2 novembre 2022 ; « Agriculture: la fausse bonne idée de la montée en gamme à tout prix », Le Figaro, 22 mars 2023 ; « Le piège de la montée en gamme », Le betteravier français, 18 novembre 2022 ; « Bio, écologique, montée en gamme : l’agriculture française s’affaiblit », Canal Xerfi, 8 novembre 2022.[↩]
- En 2018, le gouvernement Édouard Philippe (sous le premier mandat d’E. Macron) a mis fin à l’aide au maintien en bio.[↩]
- Les aides du premier pilier issues de la Politique Agricole Commune (PAC) sont distribuées en fonction de la surface détenue par les agriculteurs. Ce sont donc les plus grands producteurs, conventionnels et orientés vers les marchés nationaux ou internationaux, qui touchent le plus d’aide.[↩]
- D’après une étude récente (2020), le revenu courant avant impôt des 10 % d’agriculteurs les plus riches s’élève à 69 500 euros (soit 5790 euro/mois) quand les 10 % les plus pauvres touchent 8 400 euros (soit 700 euro/mois). Piet L. et al. « Hétérogénéité, déterminants et trajectoires du revenu des agriculteurs français ». Rapport du projet Agr’income, 2020.[↩]
- Tandis que 1200 études scientifiques montrent le danger des néonicotinoïdes (Public Sénat, 28/01/2025), l’acétamipride a été qualifiée par le directeur scientifique agricole de l’Inrae, en audition au Sénat, de « chlordécone de l’hexagone ».[↩]
- L’article 5 de cette loi déclare d’intérêt général majeur les projets de prélèvement et de stockage d’eau.[↩]
- Cette loi d’ampleur vise à orienter l’ensemble de la politique agricole avec de nombreuses dispositions concernant l’agriculture, l’alimentation mais aussi la forêt. Son processus législatif a été ralenti par les soubresauts gouvernementaux et elle a été remaniée par le Senat (13 février 2025) avant d’être adoptée par le parlement le 20 février 2025.[↩]
- Terre de liens, « Souveraineté alimentaire : un scandale made in France », février 2025. Ce rapport met en évidence le fait que la France hypothèque sa souveraineté alimentaire en dédiant 43 % de ses terres à l’exportation. L’État promeut en définitive un modèle agricole qui ne permet pas de nourrir la population ni de rémunérer les producteurs.[↩]
- Contrairement à la loi d’avenir agricole de 2014 qui faisait de la transition agroécologique un objectif central, la loi d’orientation agricole de 2025 n’y fait plus aucune référence, en opérant un retour au productivisme digne des années 1960.[↩]