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Le retour à la terre dans l’architecture

Prendre la clef des champs, de Sébastien Marot, est un ouvrage singulier pour qui s’intéresse à l’architecture. La ville, en tant que lieu où se concentrent les pouvoirs économiques et politiques – et donc les commanditaires – a historiquement constitué le territoire principal de réflexion et de création pour les architectes. À rebours de cet héritage, et constatant l’aporie d’une urbanisation croissante souvent présentée comme un destin « à la fois inévitable et impossible1 » pour l’humanité, le philosophe Sébastien Marot propose de rechercher dans les questionnements théoriques ayant traversé l’agriculture une sortie de ce pénible paradoxe.

L’agriculture nous est présentée en tant que sœur jumelle de l’architecture, puisqu’elle aussi se donne pour fondement des problématiques relatives à l’aménagement du territoire. On pensera bien évidemment à la mise en forme et à l’exploitation des milieux vivants pour la culture et l’irrigation, mais aussi à la construction d’habitats pour les animaux d’élevage, comme celle de fermes où loger les humains, stocker les récoltes et les outils. Tracer ce parallèle nous rappelle, en somme, que c’est à partir des contingences de l’agriculture que fut historiquement érigé l’essentiel des constructions encore visibles dans nos campagnes.

Mais l’agriculture est aussi et surtout pour l’auteur un champ théorique et critique fécond pour penser le rapport des sociétés humaines aux milieux dont elles dépendent. Multipliant les résonances, les confrontations, ou les éclairages croisés, l’auteur cherche ainsi dans l’agriculture les ressources pour interroger ce qu’il nomme « la rationalité2 » architecturale.

L’exposition « Prendre la clef des champs » à l’ENSACF. Photographie de l’auteur.

L’ouvrage de Marot est la transposition de l’exposition Taking the Country’s Side : Agriculture and Architecture, présentée pour la première fois à la triennale de Lisbonne en 2019. Il en conserve les caractéristiques d’une collection d’objets. Constitué d’une succession d’encarts ou de pastilles relativement autonomes regroupées par thématiques, il traverse sans souci de continuité historique un ensemble de sujets mettant en discussion l’agriculture, l’urbanisme, et l’architecture.

Les deux premiers chapitres guident le lecteur dans une grande traversée historique en commençant par montrer les liens qui unissent ces deux sœurs jumelles qui s’ignorent. Le troisième et quatrième s’attachent respectivement à retracer la constitution des sciences de l’agronomie jusqu’aux variantes critiques contemporaines de l’agroécologie et à revenir sur des mouvements d’opposition à la destinée urbaine de l’humanité. Le cinquième et sixième forment le cœur argumentatif de l’ouvrage : après un bref retour sur les enjeux que posent la crise planétaire, il propose de chercher dans la permaculture un nouveau modèle pour penser l’aménagement des milieux vivants et urbains pour l’architecture. Les deux derniers chapitres de l’ouvrage, ajoutés à la suite de la première édition de l’exposition, témoignent d’un réel déplacement de l’ancrage très historique des premiers chapitres du livre vers des travaux contemporains propres aux humanités environnementales, en présentant respectivement quelques repères essentiels des politiques de la subsistance ou de la pensée biorégionaliste.

Axonométrie de la scénographie de l’exposition présentée à l’ENSAN. Crédit Image : Gaétan Amossé dans S. Marot, « Prendre la clef des champs : Agriculture et architecture ».

Une critique inoffensive ?

Agréable à parcourir, restituant avec concision et clarté les références qu’il expose, l’ouvrage fait preuve d’une riche érudition qui saura donner à penser aux étudiant·es et aux architectes. Néanmoins, l’organisation très postmoderne de l’ensemble pourra laisser sur leur faim certain·es lecteurices, tant la démarche critique est diluée dans une succession de références instruites.

Sébastien Marot n’est pas un tumultueux déboulonneur de statues, et préfère démultiplier des exemples didactiques tirés de la grande Histoire plutôt que d’articuler frontalement des enseignements critiques sur la manière dont l’agriculture révèle des aspects problématiques de l’héritage conceptuel de la discipline architecturale. On regrettera en particulier l’absence d’un travail définitionnel sur des notions clés de la réflexion, notamment ce qu’il nomme la rationalité de l’architecture3 et qu’il entend pourtant critiquer, comme celle qu’il attribue en corollaire à la permaculture. On peine ainsi à distinguer, à terme, si elle constitue pour l’auteur une remise en question radicale des fondements politiques de la pratique du projet ou une variation plus instruite.

Malgré une construction et un positionnement introductif qui ne laisse aucun doute quant au sens du propos, l’ouvrage reste en définitive évasif sur ce qui constitue le cœur de sa critique en se refusant à clairement nommer les choses. Ainsi, la conclusion du livre, reprenant celle de l’exposition, pourra surprendre tant elle semble à contretemps des intentions qui animent l’auteur. Dans une mise en scène qui a tout de la parodie latourienne – Diantre, mais où donc atterrir ? –  il « invite aimablement » le lecteur « désormais instruit » à se situer dans une boussole constituée de quatre futurs prospectifs s’ouvrant à l’humanité où se côtoient incorporation technosolutionniste, des scenarii médium de négociation et d’infiltration, et l’hypothèse de la sécession.

Bien qu’il se présente selon ses mots « au plus près de la sécession, penchant vers l’infiltration, avec une tolérance modeste et conditionnelle pour la négociation, et une défiance instinctive pour l’incorporation4 », l’exercice de la boussole que nous propose l’auteur met maladroitement à plat des alternatives dont l’argumentaire même du texte prend soin de souligner combien certaines sont incompatibles avec les limites planétaires. Privé de ce précieux complément textuel, le visiteur de l’exposition ne bénéficiera lui que d’une conclusion équivoque nappée de perspectives verdoyantes.

Il semble bien que nous assistions à une timide percée théorique des humanités environnementales dans le monde de l’architecture.

En bon philosophe, Sébastien Marot se place au-dessus de la mêlée, dans une posture qui n’est pas sans rappeler l’art délicat du penseur concerné que décrivait Frédéric Lordon dans son article incisif Pleurnicher le Vivant5 : « avoir une vue altière, l’inquiétude des enjeux essentiels, parler au nom des entités maximales (le Vivant, la Terre, bientôt le Cosmos), sonner des alarmes, et ne rien déranger. »

S’affiliant bien volontiers auprès des dangereux écoterroristes de la sécession par le fond, mais se refusant à prendre réellement une position critique dans la forme, Prendre la clef des champs est en définitive une entreprise critique qui s’évertue stratégiquement à prendre un air de ne pas y toucher ; d’aucuns pourront trouver dans cette inoffensivité de surface l’une des raisons du succès institutionnel de l’ouvrage comme de l’exposition.

Illustration des futurs prospectifs proposés par la boussole en fin de l’ouvrage : Incorporation, Infiltration, Négociation, Sécession. Illustrations par Martin Étienne, disponibles sur le site de l’exposition : https://agriculture-architecture.com/.

Ne boudons pas pour autant notre plaisir : cet ouvrage signe la légitimation dans le champ de l’architecture mainstream d’un ensemble de références jusqu’ici minoritaires pour penser l’aménagement de l’espace, comme le féminisme décolonial de Maria Mies et Vandana Shiva, les écrits relatifs aux politiques de la subsistance de Rosa Luxembourg ou Ivan Illich, les relectures marxistes de l’écologie de Kohei Saïto ou les expérimentations technocritiques de l’Atelier paysan.

Il semble bien que nous assistions ces derniers mois à une timide percée théorique des humanités environnementales dans le monde éditorial et académique de l’architecture. Dans une veine similaire, nous pourrions également citer le récent ouvrage de Mathias Rollot, Décoloniser l’architecture6, qui amorçait une remobilisation féconde des concepts de plurivers forgés par des auteurs décoloniaux comme Eduardo Viveiros de Castro et Arturo Escobar. Malgré le hiatus entre l’ambition théorique d’un titre alléchant et la réalité plus consensuelle d’un contenu relevant davantage d’un manifeste pour une architecture biorégionaliste, le texte de Rollot témoignait lui aussi d’un effort de remise en chantier critique des fondements de la discipline architecturale dont la logique d’action est pétrie de compromission, d’anthropocentrisme et d’autoritarisme, à partir du corpus critique des humanités environnementales.

Ces écrits marquent l’adoption d’un nouvel arsenal conceptuel pour penser l’architecture, aujourd’hui porté par quelques auteurs isolés dans une posture réformiste inconfortable, dont la modération semble hélas être la condition sine qua non de leur capacité à se maintenir et à être entendus au sein d’un champ qui leur est conceptuellement hostile7.

Le sens de l’exposition

L’exposition de Sébastien Marot s’est installée à Nantes du 17 septembre au 30 Novembre 2024 après avoir été présentée à Lausanne, Lyon, Bruxelles, Marseille et Grenoble8. Située au deuxième étage de l’école d’architecture de Nantes, elle est accessible pour un public averti ayant su se repérer dans la structure en béton brut et braver les résistances d’un accueil à la sauce Vigipirate.

Pour qui parcourt l’exposition, la juxtaposition des citations du commandement Marcos et du brutalisme chic de l’école d’architecture de Nantes a quelque chose de déroutant. On ne bénéficiera pas des quelques éclairages les plus explicitement critiques disponibles dans l’ouvrage imprimé, devant nous contenter du cœur didactique de l’exposition, à savoir une succession de panneaux thématiques et la fameuse boussole prospective des alternatives s’offrant à l’humanité. Mais surtout, on ne saurait rater une seconde curation, véritable addendum de l’École d’Architecture de Nantes aux réflexions du philosophe : l’exposition de 27 propositions architecturales pour la transformation du quartier de l’hôtel Dieu produites dans le cadre du concours d’idée Europan 17, situé dans l’espace officiel d’exposition ayant pignon sur rue, et donc bien plus visité.

Photographie de l’exposition des travaux d’Europan 17 sélectionnés par l’ENSACF. Photographie de l’auteur.

La 17ème session du concours Europan, intitulé Ville-Vivante 2, invitait les participants à « ré-imaginer des architectures en prenant soin des milieux habités9 ». Elle proposait, parmi d’autres sites de réflexion, de préfigurer le devenir de l’actuel hôpital, l’Hôtel Dieu, situé au cœur de la métropole nantaise, et littéralement en face de la salle d’exposition. Le site de l’hôpital représente une réserve foncière appétissante pour un renouvellement urbain du centre-ville nantais. Son déménagement prévu en 2027 dans de nouveaux locaux mobilise l’un des plus grands chantiers de France. Prisé par les jeunes architectes diplômés, mais aussi – la réputation du concours grandissant – par des agences et des professionnels renommés, le concours d’idée Europan est un témoin intéressant pour saisir les concepts en vogue dans le champ de l’urbanisme et de l’architecture. Libérées d’une partie des contraintes qui se posent aux concours d’urbanisme, dont en premier lieu la contrainte économique, les idées s’y expriment avec une vivacité et une radicalité qu’offre rarement le cadre traditionnel de la pratique en agence.

Composées chacune de trois planches, les propositions réunies dans l’exposition constituent un corpus relativement homogène dans lequel le patrimoine moderne de l’hôpital est célébré et magnifié à grand renfort de serres horticoles, de phytoremédiation et de jardins partagés. Florilèges des mots-clefs piochés dans les argumentaires de l’exposition : îlot fertile, écoliving, agriculture urbaine, urbanisme frugal, urbanisme circulaire, paysage productif, parc fertile et habité, fermes verticales ou pédagogiques, jardins expérimentaux, jardins suspendus, friche arbustive… Aidées par une avalanche de concepts branchés et d’illustrations fleuries, les propositions du concours nous donnent à voir à la métamorphose poussive du centre de Nantes en métropole nourricière. 

Bien que produites de manière indépendante, la mise en correspondance des apports théoriques de Sébastien Marot et des prospectives de l’urbanisme contemporain trace une continuité thématique particulièrement saisissante. L’exposition pourrait sembler faire la démonstration aux visiteurs comme aux étudiants d’une mise en pratique des apports théoriques du philosophe au service d’un grand projet urbain, ici la transformation de l’actuel hôpital Hôtel Dieu.

Pourtant, si les mots de l’exposition de Marot paraissent avoir traversé les murs pour trouver leurs instanciations dans les représentations bucoliques des équipes ayant répondu au concours, il nous faut remarquer combien leur sens est transformé, voir perdu, une fois mis au service de la métropolisation nantaise. Sébastien Marot nous invitait à prendre la clé des champs. Les planches d’Europan nous font la démonstration de comment prendre les mots-clés des champs.

Nous sommes bien ici face à une vaste opération d’envoûtement collectif au service de la stratégie de métropolisation de Nantes.

La piètre qualité des sols disponibles, le faible rendement annoncé de tels aménagements et bien évidement le prix de vente d’un foncier aussi central et bien desservi laisse à présager qu’une réalisation effective des propositions esquissées n’aboutirait au mieux que dans la mise en place anecdotique d’une agriculture de décor destinée à quelques happy few métropolitains trouvant dans cette activité pittoresque en plein cœur de ville une forme de soulagement moral ; au pire, en une plateforme d’investissement vitrine pour apprentis sorciers de la green-tech.

À quiconque comprend un peu sérieusement les enjeux de la métropolisation comme ceux des mondes agricoles, il est évident que la question agricole ne se résoudra pas à deux pas de la Place du Commerce et que les propositions d’Europan 17 relèvent bien davantage d’une fantasmagorie métropolitaine nouvelle ayant trouvé dans la métaphore agraire un terrain fertile pour marketer les nouvelles urbanités écocitoyennes.

Exemple de planche tirée de l’exposition du concours Europan 17, ici de l’équipe lauréate composé par Louise Castelli, Sullivan Josso et Mathias Mercier. Source : https://www.europan-europe.eu/fr/session/europan-17/results/by-sites/nantes-fr.

La fabrique d’un nouvel imaginaire métropolitain

En réalité, l’imbrication de ces deux expositions donne à voir très concrètement comment se fabrique et se diffuse un nouvel imaginaire métropolitain. De la curation des références agricoles de Sébastien Marot aux planches des équipes d’Europan 17 et jusqu’à la masse de béton imposante de l’Hôtel Dieu visible à travers le double vitrage, elles forment un agencement spatial réticulaire qui façonne un imaginaire du futur du quartier, au sens très littéral d’une collection d’images mises en relation les unes avec les autres, ici par le dispositif spatial d’exposition.

Les séduisantes images virtuelles des architectes et les appétissants concepts du philosophe y sont des dispositifs de capture mis au service de la métropolisation. Elles préfigurent la transformation du quartier et instaurent une direction privilégiée pour l’action publique, prémâchant au passage la communication de la ville en lui fournissant un formidable vivier de slogans prêts à l’emploi. Pour reprendre le bon mot du collectif de contre-cartographie nantais À La Criée10, nous sommes bien ici face à une vaste opération d’envoûtement collectif au service de la stratégie de la métropolisation de Nantes, qui se rêve désormais à l’avant-garde de l’agroécologie grâce à cet habile tour de passe-passe.

À gauche : perspective de l’Arbre aux Hérons / Prototype de l’Arbre aux hérons des Machines de l’île, le mégamanège touristique à 52 millions d’euros qui devait s’implanter au centre du Jardin extraordinaire de Nantes. Source : extrait de la vidéo « L’Arbre aux hérons : découvrez le projet ! ».
À droite : « carte de désenvoûtement » produite par le collectif de la commune de Chantenay et éditée par À la Criée, fabriquée dans le cadre de la lutte contre la dynamique de gentrification du quartier de Chantenay impulsée par le projet de l’Arbre aux Hérons.

Rem Koolhaas, envers qui Marot semble tenir une profonde amitié, soulignait déjà en 1978 l’importance de la caste des architectes comme producteurs d’imaginaires dans le fonctionnement de la fabrique métropolitaine. Dans New York Délire, il opérait un rapprochement resté célèbre, en relisant dans l’architecture spectaculaire et creuse de la fête foraine de Coney Island l’archétype liminal préfigurant les productions grandiloquentes des gratte-ciels new-yorkais. En transfigurant les « technologies du fantasme » du parc d’attractions en un programme urbain mâtiné de pragmatisme destiné aux investisseurs fonciers, les architectes new-yorkais ont bien forgé l’ossature fantasmagorique essentielle à l’explosion d’un urbanisme vertical où se rencontrent les sirènes de la rentabilité, le spectaculaire de l’immensité et l’attrait du nouveau de la modernité, comme l’intensité délirante de l’hyper congestion métropolitaine11.

Les architectes, artistes ou plasticiens sont toujours les artisans producteurs de la couche de fantasmes stimulant la spéculation et l’investissement.

Pour qui est familier des tribulations de l’urbanisation de l’île de Nantes, il n’est pas difficile de saisir combien le modèle de Coney Island reste proche et opérant. Soutenue par la politique culturelle offensive du Voyage à Nantes, portée par les projets iconiques des Machines de l’île comme le Grand Eléphant mécanique ou le projet récemment abandonné de l’Arbre aux hérons, vantant les merveilles d’un jardin « Extraordinaire » d’acclimatation anachronique voire problématique12 dans le bas Chantenay, le renouvellement urbain nantais a lui aussi des allures de fête foraine.

Aux mirages des gratte-ciel et au capitalisme foncier débridé du New York des années 1920 correspondent le paradigme plus discret d’une métropolisation à la cool pour écocitoyens branchés, reposant sur les promesses vertueuses de l’écoquartier de la Prairie-au-duc et la structuration d’un ensemble d’attractions touristiques photogéniques. Les architectes, artistes ou plasticiens y sont toujours les artisans producteurs de la couche de fantasmes stimulant la spéculation et l’investissement. En cela, l’exposition Europan 17 préfigurant le devenir de la parcelle de l’Hôtel Dieu a tout de la réminiscence contemporaine des tentatives d’absorption du pittoresque agricole par la fabrique métropolitaine qui hantait déjà les premières épures théoriques des gratte-ciel new-yorkais.

Illustration de A.B. Walker pour Life Magazine en 1909 dans laquelle chacun des étages d’un gratte-ciel accueille une villa et de campagne et son jardin. Cette illustration est retenue par Rem Koolhaas pour illustrer ce qu’il nomme dans New-York Délire le « théorème du gratte-ciel », soit la capacité des plateaux neutres de ces constructions à s’ouvrir à n’importe quelle projection programmatique.

Extractivisme culturel et fabrique métropolitaine

Ainsi, l’exposition Prendre la Clef des Champs, sa mise en dialogue avec les planches d’Europan 17, et son positionnement au sein du fleuron de l’urbanisme nantais qu’est le quartier l’île de Nantes nous donnent à penser une situation à tiroirs.

D’un côté, nous retrouvons des mondes en lutte pour leur survie aux marges du système capitaliste : ceux des peuples colonisés, des communautés zapatistes, des ZAD contre un aéroport ou une autoroute, ou encore des expérimentations lowtech de l’atelier paysan souhaitant émanciper les agriculteur.ices de leurs dépendances industrielles. Ils sont les terrains pour la production d’une première littérature que cite abondamment Marot dans son exposition, celle de l’anthropologie décoloniale et des humanités environnementales. Sébastien Marot ou encore Mathias Rollot occupent des positions intermédiaires. Ils traduisent et importent les concepts propres à cette première littérature au sein de la discipline architecturale, en les accompagnant au besoin de belles illustrations, et invitent aimablement leurs confrères à se questionner.

Au chaînon suivant, nous retrouvons des praticiens ayant participé au concours Europan 17. Ce concours est une arène de transition, un espace d’incubation des apports théoriques de cette seconde littérature en concepts opérants pour la transformation de la ville.

En bout de chaîne, nous retrouverons bientôt la fabrique effective de la métropole nantaise, dont les futurs argumentaires ne sauraient manquer de mobiliser les nouveaux mots d’ordre ainsi diffusés par ces médiations pour maquiller la pénible réalité environnementale de la production urbaine.

Cet emboîtement singulier nous invite à réfléchir à la manière dont circulent les idées et les imaginaires, depuis les marges jusqu’au cœur de la fabrique métropolitaine.

D’un bout à l’autre de cette trajectoire de diffusion, les savoirs critiques sont pris dans des ornières qui les purgent de leurs contenus critiques et politiques. Initialement façonnés dans un réel en prise directe avec les impératifs pratiques de la subsistance, ils sont d’abord transformés par le processus d’abstraction propre à la production de connaissance. Puis ils sont désamorcés par la diplomatie inhérente à l’exercice de l’exposition grand public ou le ménagement des confrères, avant d’être récupérés pour érotiser un grand programme urbain. En fin de course, après avoir été encore une fois tordus par les contraintes opérationnelles qui se poseront à une opération de construction, il ne restera que bien peu du sens initial qu’ils avaient au sein des mondes qui les ont vus naître. Ne demeure que des coquilles étrangement vides mises au service d’une réforme à la marge des logiques de la métropolisation, dont ils constitueront, à terme, un nouvel argument de vente.

Notre situation à tiroirs nous donne ainsi à voir comment ces savoirs sont traduits, recomposés et intégrés selon les contraintes que pose chacun des espaces sociaux intermédiaires qu’ils traversent. Les idées, loin de flotter hors du monde, semblent bien en prise avec les réalités qu’elles traversent, et soumise ce faisant à des effets de systèmes (sentier de dépendance, effets de verrouillage sociotechnique)13 qui transforment leur sens et influencent leurs trajectoires de diffusion. 

Perspective d’insertion du concours (à gauche) et image de livraison (à droite) de l’hôtel logistique de la Sogaris à Vitry-sur-Seine, par l’agence Chartier Dalix. Dans ce projet représentatif des manières dont l’agriculture urbaine est mobilisée au sein de stratégie de greenwashing, les 8000m2 d’agriculture urbaine en toiture du projet initial semblent bien être restés à l’état de fiction. Source 1 : « Les solutions immobilières que nous développons dans le Grand Paris ». Source 2 : « Hôtel logistique des Ardoines pour Sogaris à Vitry-sur-Seine (94) ».

Apprendre de l’anthropologie décoloniale

Face à ce pénible constat, il convient de nous interroger sur la responsabilité des architectes dans la capture de ces savoirs par les sentiers de dépendance du système capitaliste et industriel. En un sens, nous ne pouvons que nous réjouir que les notions critiques de cette littérature soient saisies et mises au travail par des auteurs contemporains dont les écrits nourriront la réflexion des futures générations d’architectes, et il nous faut reconnaître combien des travaux comme ceux de Sébastien Marot sont nécessaires à la diffusion d’une culture critique en touchant de très larges audiences. L’exposition a d’ailleurs donné lieu à un cycle de conférences étoffées à l’École d’architecture de Nantes, auquel furent conviés des invités inhabituels pour une école d’architecture comme les Soulèvements de la Terre ou l’Atelier Paysan.

Le projet participe d’une forme d’extractivisme par lequel des savoirs, des techniques et des signifiants sont arrachés aux mondes qui les ont vus naître.

Mais il semble également que ces idées ne peuvent, par la simple grâce de la sensibilisation ou de l’instruction des édiles architecturales, résoudre les contradictions anthropologiques et politiques fondamentales dont hérite la discipline architecturale. L’activité de projet qui fonde la pratique architecturale à quelque chose d’intrinsèquement colonial au sens le plus strict, comme dynamique d’expansion et de prise de contrôle d’un territoire ou d’un milieu. Il s’agit bien pour les architectes d’anticiper la mise en forme de mondes auxquels bien souvent ils n’appartiennent pas, en gommant au passage une grande partie de l’ambivalence et la complexité qui préexistait au sein des situations qu’ils transforment.

Mais cette colonialité doit également être comprise dans sa dynamique réciproque d’absorption et de capture. En important des savoir-faire ou des savoirs critiques dans les mondes virtuels qu’ils sculptent à longueur de journée – ces simulacres appauvris des mondes réels, pouvant être n’importe où et ne se trouvant jamais nulle part – ils les séparent des réalités dans lesquelles ils sont nés. Ils les recodent à l’intérieur d’un d’agencements sociaux et techniques nouveaux, puis les mettent au service de leurs commanditaires. Ce faisant, leurs intérêts pour les modalités constructives traditionnelles ou les problématiques de subsistance ne débouchent le plus souvent que sur la traduction de la richesse cosmologique du vernaculaire dans le langage de la marchandise, devenu par cette absorption « un stock de dispositifs ingénieux »14.

L’activité de projet participe bien d’une forme d’extractivisme par lequel des savoirs, des techniques et des signifiants sont arrachés des mondes qui les ont vus naître pour devenir, non sans un certain cynisme, la caution morale des forces qui menacent l’existence même de ces cultures vernaculaires.

Un exemple frappant de néo-colonialisme architectural drapé de bonnes intentions : le projet Droneport de la fondation Norman Foster au Rwanda, singeant les techniques constructives traditionnelles de la voûte nubienne pour construire un aéroport à drones. Crédit Image : Norman Foster Fondation, disponible en ligne.

C’est peut-être à l’endroit de cette contradiction que l’anthropologie regorge de ressources concrètes pour sortir de cette impasse. Confrontée à l’héritage d’une discipline dont l’histoire est fondamentalement intriquée à l’expansion coloniale, de nombreux auteurs ont travaillé à y penser des moyens de surmonter l’épineux problème de l’extractivisme de la recherche, soit la manière dont la production de connaissance est prise dans des rapports de force politiques dont l’une des conséquences fut parfois la destruction même de son objet d’étude.

Parmi les nombreuses postures ayant émergé de ces questionnements, nous proposons d’en retenir ici trois principales. La première est la posture de l’abstention, soit le refus pur et simple d’étudier des populations dont l’équilibre est susceptible d’être menacé par la proximité avec la culture occidentale. La seconde est la posture du retournement critique, soit le détournement des outils forgés par la discipline pour la construction d’une anthropologie de la modernité occidentale. La dernière est celle de la collaboration, soit l’attachement à penser des modalités de production de connaissances qui servent directement les populations étudiées.

Ce que nous rappellent ces trois postures, c’est que la préoccupation de l’intellectuel ne peut se résumer à une simple inquiétude abstraite et détachée, mais doit correspondre à une forme d’engagement politique concret, sous peine de devenir très rapidement, et bien malgré lui, la caution morale du système qu’il entend combattre.

Transposée au domaine de l’architecture, la posture de l’abstention nous renvoie à la nécessité d’accepter que les modes de production vernaculaires n’ont pas besoin d’architectes, tout du moins dans la forme autoritaire qui caractérise sa pratique contemporaine. Elle incite à toujours se méfier des postures interventionnistes, et à dénoncer la participation coupable des architectes au maquillage d’un système en bout de course lorsqu’ils se livrent sans précautions à l’import de dispositifs ingénieux piochés dans les mondes vernaculaires.

Le retournement critique dessine une voie dans laquelle forger une architecture critique permettant de remobiliser les outils d’enquête et de représentation de la discipline pour étudier les infrastructures mortifères qui conditionnent aujourd’hui l’acte de construire, ou réfléchissant plus largement aux modalités concrètes de leur abandon et de leur démantèlement.

La posture de la collaboration, enfin, nous invite à comprendre que c’est d’abord en travaillant avec et pour les communautés concernées que peut être forgée une critique juste et efficace, en se penchant sur les enjeux complexes auxquels sont soumis les habitants de ces territoires, ou faisant tout simplement la démonstration que d’autres mondes sont possibles lorsque ceux-ci sont menacés par l’extension de la métropole et de ses infrastructures.

Le parti-pris des champs

Dénués des précautions que nous venons de citer, les travaux d’Europan 17 sont bien facilement récupérés par l’urbanisation nantaise. La ville de Nantes y est projetée en métropole nourricière, alors que c’est elle qui, gênée par les restrictions au développement de son métacentre que lui posait la proximité avec son aéroport, souhaitait le voir délocalisé à Notre-Dame-des-Landes en saccageant ce faisant de précieuses terres bocagères. Un appétit vorace toujours d’actualité, comme nous le rappelle le projet d’artificialisation de 25ha d’emprises maraîchères au Gohards, à l’Est de Nantes.

D’une certaine manière, la boussole Latourienne et son refus de prendre ouvertement parti contre les forces actives d’un monde délétère échoue également à se prémunir d’une récupération en désactivant la puissance critique des sources qui ont nourri le cheminement intellectuel de l’exposition.

L’intuition la plus percutante de Sébastien Marot était pourtant contenue dans le titre de son exposition : celle de prendre la clef des champs, de se détourner littéralement de la métropole, d’aller contre l’exode rural (un titre plus explicite encore dans sa version anglaise originale, Taking the country’s side). Tout l’enjeu pour une pensée critique en architecture est peut-être bien en définitive de quitter la position aristocratique du créateur ou du faiseur de mondes et de prendre parti, de se positionner et d’appartenir, aussi complexe cela puisse être pour les indigènes du virtuel que sont les architectes.

C’est peut-être là une des leçons que la permaculture peut faire à la rationalité architecturale : plus qu’un art subtil dont les arcanes seraient susceptibles de dévoiler aux architectes une meilleure manière d’administrer le monde a priori, elle est une mise en relation avec les milieux naturels qui exige de l’attention, du soin, et surtout de l’implication, une connaissance qui ne se donne qu’a posteriori par l’engagement et la pratique.

S’il nous faut donc prendre cette intuition au sérieux, si l’agriculture a bien des choses à apporter à l’architecture, il convient de penser les conditions d’une rencontre vertueuse. Et cela passe peut-être d’abord par un déploiement des savoirs pratiques et critiques des architectes au service des mondes agricoles qui sont aujourd’hui prisonniers d’un modèle agro-industriel dont la fuite en avant précipite l’effondrement du vivant comme la désertification des centres-bourgs, et non dans l’illusoire métamorphose agraire de la fabrique métropolitaine.

L’enjeu pour une pensée critique en architecture est de quitter la position aristocratique du créateur ou du faiseur de mondes.

Les mondes ruraux, grands oubliés de l’enseignement en architecture, ne sont explicitement au cœur du programme que de quelques écoles d’architecture, comme l’école d’architecture de Clermont-Ferrand ou celle de Saint-Etienne, qui ont été poussées par leurs situations géographiques et économiques à se détourner avant les autres des illusions séduisantes du seul devenir métropolitain.

Difficile donc de s’étonner du silence assourdissant des architectes à propos des controverses contemporaines liées à l’aménagement des territoires ruraux, au premier rang desquelles nous retrouvons la problématique de l’accaparement de l’eau par les méga-bassines, les dynamiques de concentration du foncier au profit d’une l’agriculture industrielle avide de monoculture, ou encore la poursuite poussive des grands projets inutiles et anachroniques comme l’A69 ou la RN88 qui dévastent des terres fertiles.

La question environnementale, prise au piège des injonctions paradoxales du « développement durable » et de ses rutilants écoquartiers centraux, peine bel et bien à s’incarner chez les praticiens dans une pensée politique des enjeux écologiques qui se posent à nos campagnes.

Illustration extraite du contre-projet s’opposant à la construction de l’autoroute A69 par le collectif La voie est libre, 2023.

Quelques ponts s’étaient pourtant tissés à Nantes entre l’école d’architecture et les mondes ruraux en lutte. L’ouvrage Notre-Dame-des-Landes ou le métier de vivre15 esquissait en 2018 un déplacement des pratiques, nonobstant l’espace d’un semestre la production de projets grandiloquents pour accompagner les étudiants dans le relevé, l’observation et la défense des modes de vie qui s’inventaient à la ZAD.

Bien que la lutte pour l’aéroport soit terminée, ce territoire – tout comme les autres ZAD qui fleurissent au gré des luttes – demeure un espace où l’invention de nouvelles formes de vie rurales se heurte à la rigidité simplificatrice des zones agricoles. Il en va de même, bien trop souvent, avec l’installation des jeunes paysans dans les campagnes. Loin des perspectives champêtres de l’agriculture urbaine, les ruralités constituent le front discret de batailles administratives et économiques qui se refusent à la mort sociale et environnementale programmée de nos campagnes par le modèle des monocultures, des batailles susceptibles d’avoir grand besoin de l’expertise et de la puissance d’idéation d’architectes engagés.

Échapper à l’extractivisme et à l’incorporation suppose donc de créer ces situations mutuellement bénéfiques. Cela passe peut-être par des « chantiers vivants et solidaires », indémêlables des pratiques de la subsistance, ménageant les milieux mais aussi les communautés humaines et autres qu’humaines concernées par l’acte de construire, comme nous avons pu en voir cet été à Melles16. Mais aussi par la réalisation de contre-projets défendant ces territoires lorsque ceux-ci sont menacés par l’expansion de la métropole et de ses infrastructures. Citons ainsi deux contre-projets, celui du collectif La voie est libre contre la construction de l’autoroute A69 et celui du collectif Sauvons les Gohards contre l’artificialisation de terres maraîchères Nantaises. Réactivant une certaine dimension politique propre à l’utopie pour lutter contre le fatalisme ambiant, s’appuyant sur les capacités d’enquête collective qui irriguent les luttes, ces contre-projets constituent un précédent particulièrement pertinent de mobilisation des savoir-faire architecturaux au service des luttes écologiques et des espaces ruraux menacés17.

En sus d’un décentrement de notre regard vers les problèmes qui se posent avec une implacable urgence aux mondes ruraux, ces initiatives esquissent ce que pourrait bien être des pratiques architecturales qui s’engagent effectivement auprès des mondes ruraux et du vivant, soit une entrée en lutte des architectes avec leurs armes – fussent-elles forgées dans le virtuel – à l’encontre des forces qui les menacent.

Cet article a été nourri par mes discussions avec Tibo Labat, fin connaisseur du territoire Nantais et de ses dynamiques.


Photo d’ouverture : illustration par Martin Étienne, disponible sur le site de l’exposition La clef des champs : https://agriculture-architecture.com/.

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Notes

  1. S. Marot, Prendre la clef des champs : Agriculture et architecture, éditions Wildproject, collection « Architectures », p.13.[]
  2. Idem, p.171.[]
  3. Pour pallier cette absence, nous en proposons la définition suivante : la rationalité architecturale pourrait être décrite comme la volonté d’administration et de mise en ordre du monde selon un agencement univoque préalablement établi par l’imagination. Puissamment intriquée à des pratiques de représentation, elle repose sur des hypothèses hylémorphiques (prévalence des idées sur la matière), anthropocentriques et extractivistes (légitimité de l’humain à se rendre maître et possesseur du monde), autoritaires et aristocratiques (l’idée d’un individu éclairé s’impose à l’ensemble de la communauté). Nous serions tenté d’y voir, à l’instar de Z. Baumann, « un archétype de l’esprit Moderne ». Z. Bauman, Modernity and ambivalence, Polity Press, p.15.[]
  4. S. Marot, Prendre la clef des champs : Agriculture et architecture, p.17.[]
  5. F. Lordon, Pleurnicher le Vivant, Le Monde Diplomatique, 2021[]
  6. M. Rollot, Décoloniser l’architecture, Le passager clandestin, 2024.[]
  7. Dans un style bien plus incisif, il nous semble important de citer également les travaux de Léopold Lambert, qui aborde l’environnement bâti comme une moyen d’instaurer un ordre politique ou bio-politique dans des contextes coloniaux.[]
  8. À noter que l’intégralité du contenu de l’exposition est consultable en ligne.[]
  9. Extrait de la Thématisation du concours Europan 17. Texte disponible en ligne.[]
  10. Nous faisons référence ici à la « Carte de désenvoutement » réalisée en 2022 par le collectif La commune de Chantenay qui s’est organisé contre l’installation du projet de l’Arbre aux Hérons dans le bas Chantenay.[]
  11. R. Koolhaas, New-York délire : Un Manifeste rétroactif pour Manhattan [1978]. Edition Parenthèses, 2002.[]
  12. Les jardins d’acclimatation sont une forme archétypale des espaces publics récréatifs de l’impérialisme colonial occidental du XIXe siècle. Comme l’ont souligné bien des critiques, ce choix d’aménagement n’est pas des plus adaptés au travail de mémoire qui incomberait au passé esclavagiste de la ville de Nantes.[]
  13. Un constat semblable peut-être fait à propos des trajectoires de diffusion technologiques. Voir par exemple cet article sur la récupération de la construction terre par les bétonneurs, ou encore celui-ci sur les transformations du rapport entre technique et environnement visible dans l’œuvre sein de Norman Foster. Nous renvoyons celles et ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur ces effets de systèmes aux travaux de Geels et Schot sur les transitions sociotechniques. F. W. Geels, J. Schot, « Typology of sociotechnical transition pathways », Research Policy n°36, 2007.[]
  14. Ce sujet est plus amplement développé par une plume anonyme dans « Quel parti voulons-nous construire ? Destituer les Architectes », Lundi matin n°288, 2017, disponible en ligne.[]
  15. C. Laurens, P. Bouchain, J. Lindgaard, C. Weiner, Notre-Dame-Des-Landes ou le métier de vivre, Loco, 2018.[]
  16. Nous empruntons cette formule à la dynamique des Bâtisseur.euses des Terres ayant amorcé à l’occasion du Village de l’eau un chantier visant la construction d’un habitat pour chauve-souris à la croisée des luttes naturalistes et des luttes contre l’accaparement de l’eau.[]
  17. Pour plus d’informations, voir l’article d’Elsa Gautier dans Socialter, « Contre l’A69, un projet de bifurcation écologique à grande échelle ».[]