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Le texte qui suit est une version abrégée de la préface de Patrick Tort à la traduction nouvelle de Charles Darwin, La Formation de la terre végétale par l’action des vers, avec des réflexions sur leurs habitudes, trad. A. Berra, sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de Patrick Tort, « Un regard vers la terre ». Vol. XXVIII des Œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles Darwin International, Genève, Slatkine, 2016. L’œuvre de Darwin est aujourd’hui publiée aux éditions Champion, coll. « Champion Classiques », Essais, Paris.

Un extrait de La Formation de la terre végétale par l’action des vers clôt et complète cette préface.


The Formation of Vegetable Mould, through the Action of Worms, with Observationson their Habits, publié à Londres chez John Murray le 10 octobre 1881, est le dernier livre de Darwin, qui le fit parvenir à l’imprimeur vers la mi-avril, dix mois avant de s’éteindre à Down House le 19 février de l’année suivante, et d’être inhumé, sans en avoir jamais conçu le souhait, à l’abbaye de Westminster. Le succès du livre est attesté par les six tirages successifs de mille exemplaires qui marquent la première année de sa carrière.

Cette réussite ne s’explique pas seulement par la notoriété de Darwin, peu accrue au cours d’une dernière décennie de travail brillamment inaugurée par la publication de The Descent of Man (1871) et de The Expression of the Emotions (1872), qui connurent en aussi peu de temps des chiffres de vente comparables, ce qui en revanche ne fut pas le cas des grandes monographies botaniques intermédiaires.

L’intérêt d’un tel ouvrage en agriculture pourrait être l’une des raisons de son succès au début des années 1880 dans un pays où la question agraire a été longtemps débattue, et tranchée du reste, en vertu d’une rationalité strictement économique, au cours de trente-cinq années de libre-échange durant lesquelles l’Angleterre a choisi de privilégier l’exportation de ses produits miniers et manufacturés, l’urbanisation, et l’importation de plus de la moitié de son blé, moins coûteuse que sa production sur le sol national. Cette évolution eut pour conséquences une réorientation de l’activité des agriculteurs vers l’élevage pour le lait et la viande, ainsi que vers l’horticulture, l’un et l’autre plus rentables sur le marché intérieur. Les pâturages et les cultures maraîchères grandirent ainsi aux dépens de la grande exploitation céréalière, ce qui de toute évidence dut modifier l’aspect des zones rurales et accentuer, dans le cadre plus étroit des jardins, l’attention portée par l’exploitant aux caractéristiques du sol cultivé et à la population de ses hôtes, parfois indûment condamnés comme répugnants, inutiles, intempestifs ou nuisibles. Cette injustice devait être réparée.

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Une très ancienne histoire

L’autre raison probable du succès de l’ouvrage de 1881 réside dans la pluralité disciplinaire de ses centres d’intérêt. L’ouvrage se tient en effet, d’une manière rigoureusement indissociable, au croisement de la géologie, de la zoologie, de l’éthologie, de l’écologie, de l’archéologie et de l’étude des paysages.

Dans cette énumération, la géologie n’est pas première par hasard. Quarante-quatre années auparavant, le 1er novembre 1837, le jeune Darwin, qui n’avait pas encore vingt-neuf ans, installé temporairement à Londres, déjà transformiste et consacrant toute son activité à la publication des résultats scientifiques et du récit de son voyage autour du monde, avait lu devant la Geological Society un court mémoire intitulé « On the Formation of Mould », que publièrent ensuite les Proceedings de cette Société (1838, vol. 2, p. 574-576). Le 9 mars 1838, dans un rapport consacré à la communication de Darwin, le géologue et théologien William Buckland (1784-1856) avait émis à son propos un avis très favorable, la jugeant « valide dans tous ses aperçus » et recommandant fortement de la publier aussi dans les Transactions de la même Société « en tant qu’établissant une théorie nouvelle et importante pour expliquer des phénomènes dont l’occurrence est universelle à la surface de la Terre – en fait, une nouvelle force géologique ».

L’ouvrage de Darwin se tient au croisement de la géologie, de la zoologie, de l’éthologie, de l’écologie, de l’archéologie et de l’étude des paysages.

C’est ainsi qu’obéissant à la suggestion de Buckland, les Transactions of the Geological Society publièrent sous le même titre, deux ans plus tard, le même texte (1840, vol. 5, p. 505-509), dont fut seulement retiré l’énoncé d’une intuition de Darwin – jugée « très discutable » par le même Buckland et présente dans la version de 1838 – sur une possible analogie entre la formation de la terre végétale et celle des récifs de corail, énoncé que Darwin maintiendra toutefois l’année suivante au chapitre XXII de son Journal.Enfin, une note rectificative sur le mémoire de 1838 intitulée « On the Origin of Mould » fut insérée en 1844 dans le Gardener’s Chronicle(n° 14, 6 avril, p. 218). Pour Darwin, c’est l’époque de la maturation rapide de sa théorie (premier Carnet sur la « transmutation » en 1837, première Esquisse en 1842, seconde en 1844), d’une fréquentation soutenue du géologue Charles Lyell, de sa propre élection (le 16 février 1838) au poste de Secrétaire de la Geological Society– qu’il occupera pendant trois ans –, et de la publication (en 1842) de son étude sur la formation des récifs coralliens. On notera enfin une nette préoccupation de Darwin au cours des années 1844 (surtout) et 1845 en faveur des Vers, marins et terrestres, de leur action sur l’environnement, et de la chimie des sols.

Une géologie nouvelle

Cette emprise des sciences de la Terre n’est pas seulement un phénomène relevant d’une mode scientifique. La jeune géologie, incarnée en Angleterre, contre la tradition biblique, le catastrophisme cuviérien et les multiples cosmogonies diluvianistes, par Charles Lyell (1797-1875), possédait en effet des vertus heuristiques exportables vers l’histoire des organismes. Il est devenu banal de rappeler que Darwin emporta avec lui sur le Beagle,à la fin de l’année 1831, le premier volume paru des Principles of Geology, dont il reçut le deuxième volume – contenant un exposé critique du lamarckisme – l’année suivante à Montevideo. Lyell était en effet, en Angleterre, le plus célèbre représentant de la nouvelle géologie uniformitariste, adaptation de l’actualisme ou théorie des « causes actuelles » de certains géologues du continent : les changements terrestres ne sont pas dus, comme le croyaient Cuvier et ses disciples, à des cataclysmes universels.

Portrait du géologue britannique Charles Lyell en 1863. Crédits : Ernest Edwards, State Library of New South Wales.

Les causes naturelles qui interviennent actuellement et d’une manière observable dans la production des processus géologiques sont les mêmes qui ont toujours modelé la surface de la Terre. Ses premiers représentants furent l’Allemand Karl von Hoff (1822) et le Français Constant Prévost (1787-1856), dont les intuitions anti-catastrophistes remontent à la même époque, et qui influença directement Lyell. Lorsque Darwin observa les transformations actuelles des organismes domestiques pour en induire l’idée d’un processus analogue se déployant depuis l’apparition des premières formes vivantes au sein de la nature, il suivit, lui aussi, une démarche actualiste. L’idée de base de l’actualisme, infiniment séduisante par sa simplicité, et que l’on retrouve transposée dans la théorie darwinienne de l’accumulation des petites variations, était que des causes apparemment infimes et accessibles à une observation quotidienne, mais accumulées à l’échelle des temps géologiques, produisent dans la durée des effets constatables au niveau des plus vastes configurations. C’est très précisément l’idée que développe et démontre Darwin à propos des Vers de terre.

L’idée de base de l’actualisme est que des causes apparemment infimes et accessibles à une observation quotidienne, mais accumulées à l’échelle des temps géologiques, produisent dans la durée des effets constatables au niveau des plus vastes configurations.

Et cette idée est ancienne. Car en Argentine, sur les sites des gisements de grands Mammifères fossiles, Darwin a creusé la terre, et il est probable qu’il y a rencontré aussi des organismes vivants. Mais c’est à son oncle maternel Josiah II Wedgwood, héritier des célèbres faïenceries et autre grand évideur de terre, que Darwin, au sein de ses deux contributions jumelles de 1838 et 1840, ainsi que dans l’introduction de sa monographie, fait l’hommage de la première suggestion explicative qui lui fut transmise au sujet de l’action d’enfouissement accomplie par les Vers : le transport en surface d’une grande quantité de terre affinée grâce à son passage à travers leur canal alimentaire. Ainsi, c’est à Maer Hall, vers le début de l’automne 1837, au cours de l’un de ces moments de villégiature qu’il aimait tant, et auprès de l’homme qui avait persuadé son père de le laisser s’embarquer à bord du Beagle,que le jeune naturaliste Darwin adopta et développa la nouvelle théorie – la « Maer Hypothesis » évoquée par sa future belle-sœur Elizabeth Wedgwood dans une lettre qu’elle lui adressa le 10 novembre 1837 – qui devait constituer, environ un demi-siècle plus tard, le sujet de son dernier ouvrage.

Éloge du Ver

L’interférence dynamique de l’inorganique et de l’organique dans le mouvement de l’évolution constitue la clé d’une perspective globale qui est celle de la réflexion écologique moderne, dont la naissance se confond avec l’élaboration de la théorie darwinienne. Or ce dernier livre de Darwin, écrit à soixante-douze ans, exprime avec une rare limpidité l’interaction des trois Règnes de la nature: le minéral, le végétal et l’animal. L’ouvrage se compose de sept chapitres, le premier et le deuxième consacrés à l’éthologie, l’anatomie, la chimie organique et les facultés mentales des Vers, le troisième aux mesures physiques de leur apport de terre végétale en surface, le quatrième aux conséquences que l’on en tire pour l’archéologie, les cinquième et sixième à un aspect de leur action géologique (dénudation des terrains par l’action du vent et des eaux sur les particules de terre affinée) et, de nouveau, à leur chimie organique. Le septième est la Conclusion, résumé revenant notamment sur le thème de l’intelligence des Lombrics.

Au sein de leur habitat sillonné par les galeries qu’ils y creusent, les Vers terrestres se signalent d’abord par l’incidence de leurs fonctions locomotrice et digestive. Leurs déplacements contribuent au brassage, à l’ameublissement et à l’aération du sol (laquelle à son tour favorise la reproduction bactérienne), et leur activité manducatoire participe à la fertilisation, au recyclage et à l’affinement de la terre végétale, à la formation de l’humus par l’absorption et la décomposition des feuilles, à la désagrégation des particules rocheuses et à la production d’une masse sans cesse renouvelée de déjections friables éparpillées par les pluies et l’action des vents dominants. Dotés d’un équipement sensoriel limité, d’un système nerveux moyennement développé, d’une bonne circulation et d’un appareil musculaire puissant, dépourvus d’organes respiratoires spéciaux – la peau remplissant cet office –, les Vers de terre sont capables de demeurer sous l’eau pendant de longues périodes. Hermaphrodites, ils s’accouplent cependant. Dépourvus d’yeux, ils paraissent toutefois quelque peu affectés par les diverses intensités de la lumière, dont Darwin suppose qu’elle pourrait agir directement – il ignore encore la présence des cellules photo-réceptrices – sur leurs deux ganglions cérébroïdes. Ils semblent plus sensibles au froid qu’à la chaleur, et sont absolument sourds, mais réagissent instantanément aux vibrations d’un corps solide. La réactivité des Lombriciens à toute espèce de contact paraît être le fait le plus saillant, leur sensibilité olfactive semblant se limiter à la détection d’aliments appréciés d’eux, ce qui ne laisse en revanche aucun doute sur leur capacité de différencier les goûts. Ils sont dotés de comportements instinctifs susceptibles de se combiner avec des éléments d’intelligence investis dans des conduites d’apprentissage, comme il paraît ressortir du travail d’obturation de leurs galeries. Omnivores, ils dissolvent les substances nutritives (graisse, viande, amidon, cellulose) au moyen d’une sécrétion digestive de même nature que le suc pancréatique. Dans la partie inférieure de l’œsophage, en amont du jabot, trois paires de volumineuses glandes calcifères, sécrétrices de carbonate de chaux, servent apparemment à neutraliser les acides intestinaux développés par les feuilles végétales en cours de décomposition. Enfin, de minuscules fragments de pierre séjournant dans le gésier et le canal intestinal paraissent agir comme autant de meules dans la trituration des aliments ingérés.

Tube digestif d’un ver de terre. De haut en bas : bouche, pharynx, œsophage, glandes calcifères, œsophage, jabot, gésier, sommet de l’intestin. Crédits : Charles Darwin: The formation of vegetable mould, through the action of worms, with observations of their habits. London: John Murray, 1881. Auteur : Ray Lancester

Les trois raisons qui président ainsi à la réhabilitation des Vers sont donc clairement, pour Darwin, leur action physico-chimique de surface, leur intelligence présumée et leur aptitude à illustrer d’une manière exemplaire et expérimentable, à un niveau inattendu, le bien-fondé de la géologie uniformitariste.

Observation, expérimentation, mesures et projections

Soient, dans un pays caillouteux, deux champs limitrophes, l’un récemment labouré, l’autre demeuré en pâturage : ce dernier ne présente à la vue aucun caillou, tandis que le champ labouré étale sur sa superficie une multitude de pierres. On peine à concevoir que la seule végétation qui recouvre le pâturage puisse expliquer une telle différence entre deux portions de terre voisines et de composition identique. Tel est le raisonnement de Darwin dès l’ouverture de sa brève communication de 1837. Suivent l’évocation de l’oncle Josiah et la constatation de l’enfouissement sous une épaisseur de terre fine, en quelques années, à une profondeur de plusieurs pouces au-dessous de la strate herbacée, d’un lit de chaux, et même d’une couche de marne brûlée et de cendres, répandus sur un champ. La seule explication plausible d’un tel phénomène est qu’un agent animal ait effectué cette translation et cet affinement par une action véhiculaire à la fois mécanique et physiologique. La « terre végétale » serait alors mieux nommée « terre animale ».

Exemple de galeries dans une colonne de sol après 28 jours montrant la drilosphère et la matrice du sol. La texture différente du matériau autour des galeries est due aux moulages des vers de terre et montre que l’excrétion a lieu dans tous les terriers. La drilosphère est la fraction de terre qui a traversé le tube digestif des vers de terre, ou la paroi d’un terrier de vers de terre. Crédits : Wiebke Mareile Heinze, Denise M. Mitrano, Elma Lahive, John Koestel and Geert Cornelis. CC BY­SA 4.0.

L’hypothèse principale de Darwin, ici formulée pour la première fois, ne changera plus. C’est elle qui constituera l’axe de son traité de 1881, et qui trouvera ses confirmations dans l’étude physico-chimique des sols agricoles et forestiers aussi bien que dans le lent enfouissement des objets et monuments qu’étudie l’archéologie, tandis que l’on verra l’action des « travailleurs de la terre » inexorablement mesurée, plus tard, par la « Pierre aux Vers » qui sera déposée sur le gazon de Down House. Les observations rapportées par Darwin dans son dernier ouvrage rassemblent d’anciens souvenirs – ceux de Maer Hall, ceux du voyage, ou ceux, plus récents, de fouilles archéologiques effectuées en Angleterre, comme celles entreprises durant l’été 1877 à Abinger Hall dans le Surrey, à la demande de son ami et hôte Sir Thomas Farrer, pour exhumer les restes d’une villa romaine. Elles se nourrissent également d’emprunts à une multitude d’observateurs naturalistes antérieurs et contemporains1.

L’activité majeure du Ver consiste à se protéger du froid et des prédateurs en creusant dans le sol des galeries qu’il isole en revêtant leurs parois d’une couche de matière fine issue de ses déjections et enduite de mucus, puis à attirer dans ces galeries une nourriture .

Mais c’est sans doute à son propre travail expérimental, très proche, dans ses diverses démarches, de celui de von Hensen, que Darwin doit la corroboration de ses hypothèses fondamentales sur la capacité mécanique et l’intelligence probable de ces Annélides terricoles Oligochètes – c’est-à-dire pourvues d’un petit nombre de soies locomotrices dont la fréquence et la disposition sur les faces dorsale et ventrale des anneaux sont une indication pour les classificateurs – qu’il a pour sa part inlassablement observées dans la nature comme dans son cabinet de naturaliste. De par leur taille et leur relative impassibilité comportementale, les Vers de terre présentent en effet l’avantage de pouvoir être placés et examinés dans des conditions de vie aisément reconstituables, au sein d’espaces restreints (terrariums ou bocaux transparents) et de milieux aux composantes rigoureusement mesurées. Si c’est à l’extérieur que Darwin appréhende toujours la vitesse d’enfouissement des gros objets, c’est aussi bien dans la nature et sur sa table de travail qu’il suit la captation en surface des débris organiques, leur entraînement dans les galeries, la formation de l’humus et la remontée de la terre végétale affinée sous la forme des déjections des Lombrics, ou qu’il soumet à leur capacité de saisie et de traction des triangles de papier aux formes et aux dimensions diverses.

Excréments de vers de terre. Crédits : Muhammad Mahdi Karim. CC BY-NC-SA 2.5

L’activité majeure du Ver consiste à se protéger du froid et des prédateurs en creusant dans le sol des galeries qu’il isole en revêtant leurs parois d’une couche de matière fine issue de ses déjections et enduite de mucus, puis à attirer dans ces galeries une nourriture – composée pour l’essentiel de feuilles qu’il vient saisir en surface, et au moyen desquelles il tapisse leur vestibule et obture leur entrée comme avec un tampon. L’activité d’enfouissement est donc – en tant que destinée à la nourriture et à la protection – l’industrie majeure du Ver terrestre, celle dans laquelle il dépense l’essentiel de sa force musculaire, et celle dont dépend sa survie. Il était de ce fait naturel de faire l’hypothèse qu’il y dépensait aussi l’essentiel de ses ressources instinctuelles et d’une éventuelle capacité mentale dont il restait à faire la preuve en distinguant ses opérations de celles qui relèvent d’une propension élémentaire et aveugle à saisir un fragment de nourriture par n’importe quel point de sa bordure ou de sa superficie.

En d’autres termes, il s’agissait pour Darwin de mettre en évidence une procédure préférentielle, résultant éventuellement d’une expérience acquise de la facilitation des opérations d’enfouissement par un apprentissage des moindres résistances visant à l’économie de l’énergie déployée. L’hypothèse de l’instinct aveugle et de la saisie au hasard s’accommode naturellement d’une indifférence statistique dans l’emploi des multiples modalités de préhension et d’enfouissement : le Ver saisirait la feuille par n’importe quelle extrémité – ou par n’importe quel point de son contour ou de sa surface – pour l’entraîner tant bien que mal dans sa galerie. L’hypothèse de l’intelligence suppose au contraire le choix dominant d’une stratégie de saisie capable d’obéir à un principe fixe, quelles que soient la nature et la forme singulières du fragment enseveli. L’objectivité de la conclusion repose dès lors sur le comptage des réponses, préalablement répertoriées d’après l’observation, qui seront données au problème d’enfouissement. Darwin expérimente d’abord avec des feuilles végétales, et observe qu’une proportion fortement dominante de celles-ci, quelle que soit leur provenance, sont saisies par leur extrémité la plus effilée. Darwin éprouve alors le besoin de procéder à une sorte d’épuration de l’expérience en remplaçant les feuilles végétales aux contours irréguliers par des triangles de papier présentant une figure et des dimensions normalisées, donnant ainsi aux Vers l’occasion d’exprimer techniquement leurs choix de préhension sur des formes géométriques stables et nettement caractérisées. Le matériel expérimental (entendons celui qui sera effectivement transporté par les Vers au terme de l’expérience) se compose de 303 triangles de papier à écrire, enduits de graisse crue afin de leur assurer une résistance relative à l’humidité. Tous ont des côtés de trois pouces [7,62 cm] de long. 120 d’entre eux ont une base d’un pouce [2,54 cm] et 183 une base d’un demi-pouce [1,27 cm] seulement, ces derniers étant évidemment plus étroits. Une expérience comparative préliminaire a été effectuée à l’aide de pinces saisissant « en différents points et à tous les degrés d’incidence possible » des triangles identiques humidifiés, et les entraînant à l’intérieur d’un tube de verre court à deux ouvertures et au diamètre proche du diamètre moyen d’une galerie de Lombric. Elle a rendu sensible le fait que la résistance à l’introduction est plus forte lorsque les triangles sont entraînés par les régions de la base et des angles de la base que lorsqu’ils sont entraînés par la région du sommet.

Les choix de préhension des feuilles que les Vers enfouissent dans leurs galeries ne s’opèrent pas au hasard : ils possèdent probablement une capacité de reconnaissance tactile des formes géométriques, ce qui témoigne de leur intelligence.

L’expérience réelle donnera, pour les deux sortes de triangles, une proportion beaucoup plus considérable (62 % du total) de triangles entraînés dans les galeries par la région apicale, celle offrant lors de la traction la moindre résistance, en dépit des surfaces beaucoup plus larges présentées par les régions basales, qui leur conféraient des chances beaucoup plus considérables d’être saisies. Il s’ensuit que les choix de préhension ne s’opèrent pas au hasard, et que les Vers possèdent probablement une capacité de reconnaissance tactile des formes géométriques, ainsi que l’aptitude à choisir des modes de saisie de ces formes susceptibles de faciliter les opérations d’enfouissement. Dans peu de cas seulement, les triangles portaient les marques d’une trituration indiquant un essai d’entraînement antérieur du côté de la base, ce qui s’oppose à l’hypothèse d’une procédure généralisée par essais et erreurs. Enfin, l’hypothèse d’un comportement strictement « instinctif » (lequel n’exclut du reste jamais, chez Darwin, la composante, originairement non distincte, de l’« intelligence ») est réfutée par sa variabilité relativement grande suivant les situations.

En 1975, l’expérience du zoologiste Peter Rietschel permit de conclure que le pesage des tortillons d’excréments déposés sur un mètre carré d’une bonne prairie a révélé qu’il y en avait 4,4 à 8 kilogrammes par année.

Intelligents et travailleurs, les Vers de terre constituent donc un excellent matériel expérimental. Étant donné qu’il est possible de mesurer avec précision la quantité de terre végétale affinée apportée par eux en surface dans un espace, des conditions et un temps donnés, il est également possible de calculer la quantité de terre recyclée qui sera déposée par eux au cours de longues périodes sur une unité traditionnelle de mesure des surfaces. Les projections mathématiques effectuées sur des moyennes conduisent alors à des évaluations quantitatives fiables des résultats de l’action géologique des Vers. C’est en évoquant exactement la même procédé que Peter Rietschel pourra écrire par exemple, en 1975, que « Le pesage des tortillons d’excréments déposés sur un mètre carré d’une bonne prairie a révélé qu’il y en avait 4,4 à 8 kilogrammes par année », ce qui, ajoute-t-il, illustre bien le proverbe « les petits ruisseaux font les grandes rivières »11, lequel pourrait être la devise vulgarisée de l’actualisme en géologie.

Corps ensevelis, monuments et sépultures

Ces créatures triviales, dont tous les traités et dictionnaires de sciences naturelles de la première moitié du XIXe siècle ont réduit l’intérêt à leur usage, également trivial, pour la pêche de rivière, suscitent en chaque esprit une association banale avec la mort et la décomposition. Il n’est évidemment pas insignifiant que Darwin utilise les derniers mois de sa vie à écrire et publier un livre sur les Vers. Que la méditation de la mort chez un homme âgé et malade ne soit pas étrangère à ce souci thématique apparaîtra comme une idée bien peu contestable, quoique, sans doute, elle aussi absolument triviale, comme peut l’être la mort elle-même pour un penseur matérialiste. C’est-à-dire simple et froide comme le sentiment d’un savant qui connaît l’effet du temps, et qui ne croit ni à la survie de l’âme, ni à aucune forme d’immortalité personnelle, hormis celle qui s’attache à une œuvre de pensée utile, transformatrice et durable. Pour qui la connaissance du vivant conduit inexorablement à reconnaître la nécessité cyclique de sa dissolution. Et pour qui la seule instance pérenne est celle de la matière, où s’effectuent les trajets indéfiniment réitérés et variables de la vie et de ses traces.

Crédits : photo de Doina Gavrilov sur Unsplash

L’archéologie n’avait jusqu’alors intéressé Darwin qu’en tant que ses monuments conservaient des informations sur les êtres vivants, attestant par exemple l’ancienneté de la domestication d’un animal au sein d’une civilisation. Dans l’ouvrage de 1881, et au cours des années qui en précèdent et préparent la rédaction, l’archéologie devient intéressante en tant que ce sont des êtres vivants qui conservent et protègent sa mémoire. De simples fossoyeurs, les Vers deviennent ainsi conservateurs des archives de l’humanité, ajoutant leur strate protectrice à l’étage géologique de la civilisation.

En 1877, Sir Thomas Henry Farrer (1833-1884), qui avait épousé en secondes noces, quatre ans auparavant, la fille d’un cousin de Darwin en ligne maternelle, Hensleigh Wedgwood, l’avant-dernier enfant de l’oncle Josiah, invite Charles et son épouse Emma à séjourner dans sa propriété du Surrey, à Abinger Hall. Juriste versé dans la vie publique, Farrer, futur Lord,n’en est pas moins un passionné de botanique, d’horticulture et d’entomologie qui consulte régulièrement Darwin sur la fécondation florale ou les maladies des plantes. Le 20 août 1877, Darwin assiste à l’ouverture de fouilles entreprises sur la propriété de Farrer à la suite de la découverte fortuite de vestiges romains lors du creusement d’une cour de ferme à la fin de l’automne précédent. Farrer poursuivra pour le compte de Darwin les observations commencées avec lui sur le passage des Vers de part et d’autre d’un sol bétonné en lente désagrégation, et pourra suivre ainsi le travail régulier de perforation de ce sol dur et d’apport de déjections à sa surface. Trois ans plus tard, il apparaîtra clairement que l’affaissement dû à l’effondrement des galeries au-dessous de ce sol additionne ses effets à celui du dépôt de terre fine en surface, confirmant ainsi la validité du mécanisme d’ensevelissement lent qu’a imaginé Darwin. L’enfouissement de l’abbaye de Beaulieu (Hampshire), celui d’une villa romaine à Chedworth (Gloucestershire) et à Brading (île de Wight), ou d’une autre pourvue d’une basilique à Silchester (Hampshire), et celui des ruines romaines de Wroxeter (Shropshire) mettent globalement en évidence le même phénomène.

Section à travers une des « pierres druidiques » tombées à Stonehenge, montrant combien elle s’est enfoncée dans le sol par l’action répétée des vers (creusement des galeries en-dessous qui finissent par s’effondrer et dépôt de terre fine en surface).

La symbolique du Ver fonctionne ainsi chez Darwin, à la veille de sa mort, dans le registre de la dissolution organique, de la décomposition, de l’ensevelissement et de l’oubli, mais aussi, d’une manière opposée et complémentaire, dans celui de la fertilisation, du recyclage, de la remontée de la vie et de sa mémoire, voire de la régénération elle-même, si l’on s’attache à cette faculté développée en eux plus qu’en beaucoup d’autres organismes. Les tombeaux où l’on inhume les vivants (l’abbaye de Westminster) seront à leur tour ensevelis (l’abbaye de Beaulieu ou la basilique de Silchester) par des organismes capables durant des siècles de s’attabler à un festin de pierre. Dans l’assimilation du marbre à la chair rêvée au siècle précédent par Diderot se logeait déjà cette idée des transferts particulaires et chimiques, unifiant dans l’histoire récente de l’humanité la pensée des représentants du grand continuisme matérialiste, qui sait que la vérité se loge au sein de la terre, et s’y inscrit. Et que la vie, comme un corail, bâtit inlassablement son histoire sur un socle de vie morte qu’elle continue à engloutir sous son perpétuel affleurement.



Depuis la parution en 1859 de L’origine de l’homme, Darwin a fait l’objet d’un nombre incalculable de caricatures. En 1881, à l’occasion de la parution du nouveau livre de Darwin, Linley Sambourne dessine cette caricature « L’homme n’est qu’un ver » : le ver de terre, point de départ sortant du « chaos », et Darwin, point d’arrivée de l’évolution, en passant évidemment par toutes les formes de singe.

Extraits de Charles Darwin La Formation de la terre végétale par l’action des vers (p. 93-96).

Nous en venons maintenant au sujet plus immédiat de ce volume, à savoir la quantité de terre qui est remontée par les vers de dessous la surface, et est ensuite répandue plus ou moins complètement par la pluie et le vent. […]

Une pièce de terre inculte et marécageuse fut clôturée, drainée, labourée, hersée et recouverte en 1822 d’une couche épaisse de marne brûlée et de cendres. On y sema des graines d’herbe, et elle fournit à présent un pâturage d’une qualité passable, mais grossier. On creusa des trous dans ce champ en 1837, soit 15 ans après son défrichement, et nous voyons dans le dessin ci-après (Fig. 5), réduit de moitié par rapport à la taille réelle, que le gazon avait ½ pouce [1,27 cm] d’épaisseur, et qu’au-dessous se trouvait une couche de terre végétale de 2 pouces ½ [6,35 cm] d’épaisseur. Cette couche ne contenait aucune sorte de fragments ; mais au-dessous se trouvait une couche de terre, ayant 1 pouce ½ [3,81 cm] d’épaisseur, pleine de fragments de marne brûlée, aisément repérables par leur couleur rouge, dont l’un près du fond avait un pouce [2,54 cm] de long ; et d’autres fragments de cendres de charbon mêlés à quelques cailloux de quartz blancs. Sous cette couche, à une profondeur de 4 pouces ½ [11,43 cm] de la surface, on rencontra le sol originel, noir, tourbeux, sablonneux, avec quelques cailloux de quartz. En l’occurrence, les fragments de marne brûlée et de cendres avaient donc été recouverts en l’espace de quinze ans par une couche de fine terre végétale, de seulement 2 pouces ½ [6,35 cm] d’épaisseur, sans compter le gazon. On réexamina ce champ 6 ans ½ plus tard, et l’on trouva cette fois les fragments entre 4 et 5 pouces [10,16 et 12,7 cm] sous la surface. De sorte que dans cet intervalle de 6 ans ½, environ 1 pouce ½ [3,81 cm] de terre s’était ajouté à la couche superficielle. Je suis étonné qu’une plus grande quantité n’ait pas été remontée durant le total des 21 années ½, car dans le sol sous-jacent noir et tourbeux, fort proche, se trouvaient de nombreux vers. Cependant, il est probable qu’auparavant, lorsque le terrain demeurait pauvre, les vers étaient rares ; et la terre devait alors s’accumuler lentement. L’accroissement annuel moyen pour l’ensemble de la période est de 1,9 pouce [4,82 cm].



Un ouvrage collectif sur l’œuvre de Patrick Tort a été publié en août 2024 : Darwinisme et Sciences sociales, L’œuvre de Patrick Tort, Analyses et entretien, Champion Classiques, 320 p.


SOUS LA DIRECTION DE PATRICK TORT

aux éditions Slatkine (édition de luxe) et Champion (édition de poche)

ŒUVRES COMPLÈTES DE CHARLES DARWIN

Chronologie des volumes parus

– Charles Darwin, Esquisse au crayon de ma théorie des espèces (Essai de 1842), trad. M. Benayoun, M. Prum et P. Tort. Précédé de P. Tort, « Un manuscrit oublié ». Volume X des œuvres complètes de Darwin (P. Tort, dir.). Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2007. Rééd. Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2024.

– Charles Darwin, La Variation des animaux et des plantes à l’état domestique, trad. sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « L’épistémologie implicite de Charles Darwin ». Vol. XXI-XXII des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2008.

– Charles Darwin, La Variation des animaux et des plantes à l’état domestique, même édition que ci-dessus, format poche, Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2015.

– Charles Darwin, L’Origine des espèces [édition du Bicentenaire], trad. A. Berra sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « Naître à vingt ans. Genèse et jeunesse de L’Origine ». Vol. XVII des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2009.

– Charles Darwin, L’Origine des espèces [édition du Bicentenaire], même édition que ci-dessus, format poche, Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2009.

– Charles Darwin, Journal de bord (Diary) du Beagle, trad. Marie-Thérèse Blanchon et Christiane Bernard sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, avec la collaboration de Claude Rouquette, « Un voilier nommé Désir ». Vol. I des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2011.

– Charles Darwin, Journal de bord (Diary) du Beagle, même édition que ci-dessus, format poche, Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2012.

– Charles Darwin, La Filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe, trad. sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « L’anthropologie inattendue de Charles Darwin ». Vol. XXIII-XXIV des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2012.

– Charles Darwin, La Filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe, même édition que ci-dessus, format poche, Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2013.

– Charles Darwin, Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle. Première partie : Mammifères fossiles, trad. Roger Raynal sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « L’ordre des successions ». Vol. IV, 1 des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2013.

– Charles Darwin, Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle. Deuxième partie : Mammifères, trad. Roger Raynal sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « L’ordre des coexistences ». Vol. IV, 2 des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2014.

– Charles Darwin, Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle. Troisième partie : Oiseaux, trad. Roger Raynal sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « L’ordre des migrations ». Vol. V des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2015.

– Charles Darwin, La Formation de la terre végétale par l’action des vers, avec des réflexions sur leurs habitudes, trad. A. Berra, sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « Un regard vers la terre ». Vol. XXVIII des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2016.

– Charles Darwin, Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle. Quatrième partie : Poissons, trad. Roger Raynal sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « Négocier avec la Providence ». Vol. VI, 1 des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, 2018.

– Charles Darwin, Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle. Cinquième partie : Reptiles, trad. Roger Raynal sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de P. Tort, « Le secret de l’iguane ». Vol. VI, 2 des œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles-Darwin international, Genève, Slatkine, septembre 2019.

– Charles Darwin, L’Expression des émotions chez l’Homme et les animaux, traduction et édition savante par P. Tort. Précédé de P. Tort, « L’origine de la sympathie ». Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2021.

– Charles Darwin, L’Autobiographie, traduction et édition sous la direction de P. Tort avec la collaboration de M. Prum. Précédé de P. Tort, « Darwin ou la confidence restituée. Hommage à Nora

– Charles Darwin, Esquisse au crayon de ma théorie des espèces (Essai de 1842), trad. M. Benayoun, M. Prum et P. Tort. Précédé de P. Tort, « Un manuscrit oublié ». Format poche, Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2024.


Photo d’ouverture : Julian Zwengel sur Unsplash. Pour lire l’étude scientifique sur le déclin des vers cité dans le chapô, voir ici.


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Notes

  1. parmi lesquels le classique Gilbert White, William Kencely Bridgman, l’invertébriste suisse Edouard Claparède – qui avait étudié en 1869 l’histologie du Lombric –, le Français Edmond Perrier – dont les Archives du Muséum ont publié en 1872 les Recherches pour servir à l’histoire des Lombriciens terrestres,et qui préfacera en 1882 l’édition française du livre traduite par M. Lévêque chez Reinwald sous le titre Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale –, Gustav August Eisen – qui donna son patronyme aux Genres de Lumbricidés Eiseniaet Eiseniella –, le physiologiste Michael Foster et son confrère français Léon Frédéricq, le botaniste allemand Wilhelm Hofmeister et son collègue anglais George King – Directeur du Jardin botanique de Calcutta, fournisseur de précieux renseignements –, le naturaliste belge Charles-François Morren – qui s’intéressa aux glandes calcifères des Lombrics, auxquelles il laissa son nom –, le zoologiste Edwin Ray Lankester, Fritz Müller – le grand disciple allemand exilé qui informa Darwin sur les Vers du Brésil –, les géologues Andrew Crombie Ramsay, Henry Clifton Sorby, William Whitaker, Alfred Tylor, Archibald et James Geikie, James Croll, Thomas Mellard Reade, Alexis A. Julien et leur collègue allemand résidant en Nouvelle-Zélande Julius von Haast, le botaniste et horticulteur écossais John Scott, l’étonnant John Benjamin Dancer (inventeur de la microphotographie), et surtout le physiologiste allemand Victor von Hensen, l’expérimentateur qui allait publier un an plus tard des conclusions très analogues. Darwin utilise également l’apport d’informateurs divers (comme l’industriel d’Édimbourg William Fullerton Lindsay-Carnegie, qui approuva ses thèses dès 1838), ou les enquêtes conduites à sa demande par ses propres fils William, George, Francis et Horace[]