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Il y a deux mouvements très différents dans le capitalisme. Tantôt il s’agit de tenir un peuple sur son territoire, et de le faire travailler, de l’exploiter, pour accumuler un surplus : c’est ce qu’on appelle d’ordinaire une colonie. Tantôt au contraire, il s’agit de vider un territoire de son peuple, pour faire un bond en avant, quitte à faire venir une main-d’œuvre d’ailleurs. L’histoire du sionisme et d’Israël comme celle de l’Amérique est passée par là : comment faire le vide, comment vider un peuple1 ?

Gilles Deleuze

Ce qui se passe à Gaza n’est pas une guerre, c’est un génocide », entend-on au gré des manifestations et des occupations de soutien au peuple palestinien. Sur la terre de Palestine, certains ont décidé que les Arabes n’ont pas droit de cité. Ce sont au mieux des sous-locataires, « des résidents temporaires sur un sol qui ne leur appartient pas »2. Un certain rapport à la terre d’Israël sous-tend ce long et lent processus de destruction génocidaire des Palestinien⸱nes. En effet, le « nettoyage ethnique »3 des Palestinien⸱nes n’a pas démarré au lendemain du 7 octobre 2023, c’est un processus à l’œuvre depuis plus de 75 ans. Les stratégies coloniales et génocidaires israéliennes n’attaquent pas uniquement les Palestinen.nes, mais s’en prennent à toutes leurs formes de  présence sur  la terre de Palestine. À propos de la situation de Gaza, les Nations-Unies accusent l’armée israélienne de « domicide »4. On entend par là la destruction des maisons et des infrastructures civiles qui permettent aux personnes d’habiter un territoire. Rarement des offensives militaires ont à ce point visé des logements et des services essentiels à la vie d’une population. À travers ce domicide, les habitations disparaissent, les traces de vie s’envolent, et Gaza devient littéralement inhabitable. Mais le domicide s’attaque également au monde symbolique de Gaza. Pourquoi, le 8 décembre 2023, avoir ciblé le plus ancien monument musulman de la ville de Gaza, la grande mosquée Al-Omari, puis une centaine d’autres dans les premiers mois de l’offensive ? Le génocide s’accompagne et se renforce par un acharnement à rendre impossible un habiter palestinien. Coincé⸱es entre le mur, la mer et les avions de chasse, les Gazaoui⸱es n’ont même plus d’endroit où fuir. Ils et elles se retrouvent en errance, devenu⸱es des réfugié⸱es sur leur propre terre.

Le rapport mythique à la terre d’Israël a changé le sionisme en une force anthropocénique majeure transformant le paysage pour y effacer les traces palestiniennes et y accomplir la régénération messianique du peuple juif.

Dans sa dynamique, le domicide prend aussi la forme d’un écocide, c’est à dire d’une destruction méticuleuse de la terre et des milieux qui permettent la vie dans les territoires palestiniens (Gaza et la Cisjordanie). Cet écocide à l’œuvre répond à un projet territorial et idéologique bien précis : effacer la présence d’un autre peuple qui aurait vécu sur cette terre et la rendre disponible pour le peuple qui lui est destiné. Le rapport mythique à la terre d’Israël a changé le sionisme en une force anthropocénique majeure transformant le paysage pour y effacer les traces palestiniennes et y accomplir la régénération messianique du peuple juif. L’œuvre de destruction israélienne traque les formes d’habitation de la terre et la mémoire des lieux. Pourquoi, sinon, la moitié des terres agricoles du Nord de la bande de Gaza ont été ciblées, détruisant champs et vergers, au cours des trois premiers mois de l’offensive5 ? Pourquoi, sinon, à la fin du mois de novembre 2023, avoir ciblé les archives municipales de la ville de Gaza, qui abritaient des siècles de documents historiques préservant la mémoire des lieux et des vies disparues, des formes de propriété qui régissaient l’usage des terres de Palestine ? Détruire ces archives a anéanti la trace du travail de mémoire des Palestinien⸱nes tentant de raconter leur propre histoire.

« L’habiter colonial », pour reprendre la formule de Malcom Ferdinand, prend la forme en Israël-Palestine d’un refus radical de la possibilité d’habiter en présence d’un autre. La terre d’Israël, dans la mythologie sioniste, doit être en mesure d’accueillir virtuellement l’ensemble des Juifs de ce monde, au nom d’un  prétendu droit historique de retour sur cette terre, constituant en un tour de force politique l’idée d’un peuple juif unique. Pour Malcom Ferdinand, la fondation de l’habiter colonial repose sur trois actes qui consacrent sa violence principielle : la prise de terre, le défrichage systématique et le massacre6. On retrouve ces trois actes profondément inscrits dans l’histoire israélo-palestinienne, auxquels s’ajoute un trait singulier : le rapport mythique à cette terre, qui fournit une justification à son accaparement par les sionistes.

Cet habiter repose enfin sur une ingénierie qui organise le territoire d’une certaine façon, et participe à une refonte radicale du rapport à la terre, notamment en y instituant un régime de propriété privée. Comme dans toute entreprise coloniale, la question de l’accaparement et de la dépossession de la terre a été centrale en Israël-Palestine. Comme dans toute instauration d’un nouveau rapport à la terre, sa transformation radicale a été essentielle dans le roman national Israélien.

Cet article se propose de comprendre l’alliance entre la colonisation, les forces génocidaires d’Israël et la destruction  méthodique de la terre en Palestine afin d’empêcher toute possibilité d’autonomie et d’émancipation palestinienne. La colonisation israélienne est rendue possible par des stratégies d’accaparement de l’eau, des terres, la destruction de la flore ligneuse palestinienne remplacée par la plantation massive d’une forêt coloniale, par la pollution des sols à Gaza et en Cisjordanie, par la restriction des droits de pêche et plus généralement de l’usage de n’importe laquelle des ressources du territoire. En somme, par l’empêchement actif de la vie. Les colons israéliens l’ont compris, c’est la terre qui permet aux Palestinien⸱nes de vivre, et c’est cette terre habitée et cultivée à laquelle ils tiennent. Les Palestinien⸱nes en prennent acte en retour, défendant leur terre pour continuer à exister. Le conflit colonial dont il est ici question est un conflit qui concerne la terre et la façon dont elle est habitée – à ce titre, la situation palestinienne nous rappelle à quel point la question écologiste est une question décoloniale.

Mythologie d’une terre promise

Dieu n’existe pas, mais il nous a promis cette terre7

Le sionisme comme rupture avec la tradition juive

« Au commencement était la tradition juive diasporique antinationaliste. Un antinationalisme qui a tenu les communautés juives ‘face à l’État’, alors même qu’elles acceptaient le principe rabbinique qui réglementait la vie en diaspora : ‘la loi du royaume est la loi’ »8. Ainsi débute l’ouvrage Antisionisme, une histoire juive, une anthologie de textes coordonnée par des membres de l’Union Juive Française pour la Paix. Selon ses autrices, l’antinationalisme juif prend racine dans la mythologie juive elle-même, à travers la figure du rabbin Yohanan Ben Zakkaï. Celui-ci sera témoin de la destruction du second temple de Jérusalem par l’armée romaine de Titus au premier siècle avant J-C. Quand Ben Zakkaï réalise que la guerre sera perdue, il renonce au temple, il renonce à la patrie. Le général romain Vespasien lui accorde alors trois souhaits. Mais Ben Zakkaï ne demande ni le salut de la ville sainte ni celui de son temple, il ne demande rien d’autre qu’une ville pour y fonder une école. En renonçant à la patrie, il défend l’idée que les juifs pourront vivre en exil. Accompagnée de leur Torah, « [leur]]patrie devient portative : dorénavant elle sera là où les juifs sont »9. Il obtiendra alors la ville libre de Yavneh, où il fondera une école talmudique.

Tableau de Francesco Hayez représentant la destruction du temple de Jérusalem
La destruction du temple de Jérusalem (Francesco Hayez 1867)

Dans l’historiographie sioniste, la destruction du second temple de Jérusalem marque l’exil forcé d’un peuple qui, à de nombreuses reprises, aurait tenté d’y revenir. La justification d’une souveraineté juive sur les terres qui entourent Jérusalem prend racine dans les récits bibliques de leur exil, mais aussi de la promesse par Dieu à Abraham de lui donner la terre du pays de Canaan, ensemble géographique correspondant aujourd’hui à Israël, aux territoires palestiniens, à l’ouest de la Jordanie et de la Syrie et au sud du Liban. Dieu dit à Abraham : « Je te donnerai, à toi et à tes descendants après toi, le pays où tu séjournes comme étranger, tout le pays de Canaan » (Genèse, 17,8).

Si unité juive il y a, elle se situe dans des textes et des lois religieuses, mais il n’existe aucune unité culturelle. Autrement dit, il n’existe pas de peuple juif.

En réalité, les juifs n’ont pas subi d’exil forcé de Judée (nom historique et biblique qui désigne la région aux alentours de Jérusalem, Bethléem et Hébron). Shlomo Sand, dans son livre Comment la terre d’Israël fut inventée, précise que « les fidèles ayant embrassé la religion de Moïse se sont multipliés et disséminés dans l’espace de la civilisation gréco-romaine et mésopotamienne, et ce avant la destruction du temple ; ils ont ainsi diffusé leur religion avec un succès non négligeable »10. L’histoire juive s’est donc faite au fil de la dispersion et de la diffusion du judaïsme. Dès lors, le judaïsme a existé comme une double identité, qui s’est définie et composée à partir des contextes particuliers dans lesquels le judaïsme prenait place. Si unité juive il y a, elle se situe dans des textes et des lois religieuses, mais il n’existe aucune unité culturelle. Autrement dit, il n’existe pas de peuple juif. Shlomo Sand insiste sur ce point : « Les juifs font la cuisine des régions où ils vivent, mais de façon cachère, ce qui marque leur particularité. La réalité juive est aussi bilingue, elle utilise la langue sacrée et la langue de l’environnement, très souvent avec une prononciation juive particulière. Chacune de ces langues correspond à une strate de la réalité et leur coexistence est ce qui crée la conscience juive générale dans chacun des pays où ils vivent »11.

En conséquence, le fait de se vivre en exil est au cœur des existences juives, bien que le rapport à l’exil varie selon les lieux et les époques. Dans la tradition, la condition de l’exil n’a pas de dépendance nécessaire au lieu, car l’exil ne concerne pas uniquement les juifs, c’est la condition du monde. Le monde est en exil et doit être réparé par l’arrivée du messie. Il ne s’agit pas là d’une dimension terrestre, mais bien de la condition métaphysique du monde. Certaines congrégations  orthodoxes juives vivant à Jérusalem se considèrent ainsi en exil dans le monde, car vivre à Jérusalem ne rompt pas cette condition. C’est pourquoi la relation à Jérusalem  a pendant longtemps été de nature symbolique et distante.  Longtemps, il n’y eut pas pour les juifs du monde la volonté d’y séjourner et encore moins d’y accoler une forme de propriété juive exclusive.

La minorité religieuse du Congrès sioniste, le mouvement Mizrahi,  fut néanmoins prudente à l’égard de la « terre d’Israël ». Du fait de la sacralité des lieux, celui-ci ne pourrait être propriété pleine et entière des hommes, qu’ils soient juifs ou non-juifs

Quand le sionisme naît à la fin du XIXe siècle, il s’agit d’une entreprise laïque visant à trouver un lieu de refuge où fonder un État juif. Le fondateur du mouvement, Theodor Herzl, dans L’État des juifs (1896), écrit : « Ce n’est pas la Terre sainte qui doit être le but  actuel de nos efforts, mais une terre à nous. Il nous suffit d’un bout de sol pour nous pauvres frères, un bout de sol dont nous aurons la propriété et d’où nul maître étranger ne puisse nous chasser ». À cette époque, le Congrès sioniste est imprégné de la culture colonialiste occidentale et de l’idéologie des États-Nations de la fin du XIXe. Il envisage aussi bien l’Argentine que le Kenya pour établir un foyer juif. Pour les sionistes de la première heure, toute terre est bonne à prendre. Ce n’est qu’au 6ème congrès de l’Organisation Sioniste Mondiale, après la discussion du « projet Ouganda » (projet de l’installation d’un foyer juif au Kenya) proposé par les Britanniques, que Herzl, pour éviter les divisions avec les sionistes d’Europe de l’Est, propose de concentrer les efforts sur l’installation en Palestine. Il savait que rallier les religieux impliquait de se doter du voile de la tradition, et qu’en ce sens, il serait judicieux de revendiquer la « terre sainte ». La minorité religieuse du Congrès sioniste, le mouvement Mizrahi,  fut néanmoins prudente à l’égard de la « terre d’Israël ». Du fait de la sacralité des lieux, celui-ci ne pourrait être propriété pleine et entière des hommes, qu’ils soient juifs ou non-juifs. Pour eux, il s’agissait davantage de répondre à un enjeu bien réel – la persécution des juifs en Europe — que d’accomplir une quelconque mission historico-théologique.

La mythologie sioniste a donc œuvré dans le sens d’une ré-écriture de l’histoire des juifs afin de donner au projet sioniste une vocation téléologique et messianique. Il fallait dès lors transformer la « terre d’Israël » en pays d’origine imaginaire dont un peuple uni aurait été exilé, et qui serait de ce fait « sorti de l’histoire ». Le sionisme prétend donc qu’il existe un peuple juif dont la continuité historique a été interrompue par l’exil. Ainsi, les historiens sionistes considèrent les diasporas juives  comme une parenthèse dans l’histoire d’un peuple mythique. Le projet d’établissement en Palestine permettrait de refonder la nation juive et de la réinscrire dans l’histoire.

Propagande de recrutement pour l'armée étatsunienne durant la Première Guerre mondiale. Il est écrit : "Your Old New Land must have you! Join the Jewish regiment"
Propagande de recrutement pour l’armée étatsunienne durant la Première Guerre mondiale. Il est écrit : “Your Old New Land must have you! Join the Jewish regiment” (Source : Wikimédia).

Mais cette mythologie n’a pas pris immédiatement. Jusqu’à la Seconde guerre mondiale, les juifs ont massivement rejeté le sionisme  – à la fois parce que celui-ci dénigrait les histoires singulières des groupes juifs vivant dans différents États d’Europe, et que le fait d’en constituer un peuple pouvait aggraver les persécutions anti-sémites qu’ils subissaient, mais aussi parce que le monde juif était un monde religieux. Les religieux ne voulaient pas transformer le judaïsme en une forme de nationalisme, encore moins voulaient-ils provoquer la rédemption sur terre. En effet, la métaphysique juive n’envisage pas les humains comme des agents messianiques : elle laisse à Dieu seul la possibilité d’intervenir pour transformer l’ordre des choses.

C’est pourquoi la tradition est anti-nationaliste : elle renonce à l’exercice du pouvoir sur un espace physique déterminé. C’est aussi pourquoi, nous dit Shlomo Sand, « la nostalgie de la Terre sainte ne cesse de croître sur un plan spirituel, alors même qu’elle se référait de moins en moins à une réalité concrète ; le judaïsme refusait d’être lié à une quelconque terre : son adoration pour la Terre sainte n’impliquait pas de soumission à celle-ci. La Torah et son exégèse constituaient l’unique champ du judaïsme rabbinique et sa ‘raison d’être’12 ». Autrement dit, le sionisme est un forçage messianique sécularisé qui fait rupture avec la tradition rabbinique. Le sionisme se trompe sur l’histoire des juifs de ce monde et nie la condition essentielle d’un être juif qui est l’exil. L’attachement à la terre sainte est certain, mais il n’a aucun caractère national.

L’intensification des persécutions des juifs d’Europe, de la Russie, la Pologne à la France, en passant par l’Allemagne, pendant la fin du XIXe et le début du XXe confirmera cependant l’intuition de Herzl quant aux dangers qui menacent les juifs d’Europe. Avec l’appui financier du baron Rothschild, le sionisme renforcera son entreprise coloniale naissante en Palestine, incarnant une tentative de rédemption de la terre aux allures faussement messianiques. Le sionisme impose à la tradition juive un projet moderne et séculaire. Pour les sionistes, Dieu n’est pas mort, il s’est nationalisé dans un projet terrestre.

La rédemption de la terre d’Israël comme mythologie coloniale

La « Terre d’Israël » est une appellation théologique d’origine chrétienne et rabbinique. L’historien Shlomo Sand indique avec prudence que cette appellation serait apparue pour la première fois dans le Nouveau Testament, notamment du fait que les premiers chrétiens se définissaient eux-mêmes comme les « fils d’Israël ». En réalité, cette terre, dans la tradition talmudique, est faite de géographies discontinues qui relient des territoires sacrés. Elle n’est pas envisagée dans le cadre de frontières politiques. Dans les textes bibliques, ce terme ne renvoie pas aux villes de Jérusalem, Bethléem et Hébron, pourtant au centre du récit national colonial contemporain. De plus, l’usage de la dénomination « Terre d’Israël » pour parler des terres entre le Jourdain et la mer est une exception dans le Nouveau testament. Celui-ci privilégie le terme de « pays de Judée », et de nombreuses autres appellations sont admises dans la tradition juive. Dans l’histoire et l’archéologie, aucune trace ne se réfère à la terre d’Israël comme un espace déterminé. Ce n’est qu’au XXe siècle que le sionisme a doté ce terme théologique d’une vocation géopolitique et coloniale – passant d’une terre aux contours flous et aux allures mystiques à une terre à conquérir pour y établir un État. Dans le même temps, les sionistes n’ont jamais vraiment délimité ce territoire, se donnant ainsi la possibilité constante de revendiquer des territoires supplémentaires13.

Photographie d'un fermier juif en Palestine au début du 20ème siècle
Fermier juif en Palestine au début du XXe siècle. Source : Wikimedia.

Forger le terme « Terre d’Israël » a permis de construire l’image principielle d’une terre sans peuple. Si cette terre est terre d’Israël depuis des temps immémoriaux, alors elle peut être dépouillée de son nom historique : la Palestine. En effet, désigner cette terre par un nom qui exclut la grande majorité de sa population a permis de construire l’idée d’un pays vide, reprenant le fameux slogan sioniste : une « terre sans peuple » pour « un peuple sans terre ». Si les sionistes du début du siècle appelaient cette région la Palestine, les suivants ont entrepris d’effacer tout ce qui renvoyait d’une façon ou d’une autre aux Arabes sur place. David Ben Gourion, premier président de l’État d’Israël, était on ne peut plus explicite : « Nous devons refouler les noms arabes pour des raisons politiques ; de même que nous ne reconnaissons pas leur propriété sur cette terre, nous ne reconnaissons pas non plus leur propriété spirituelle ni leurs noms »14. La conception religieuse de cette Terre a été instrumentalisée pour le projet séculaire sioniste qui l’a transformée en vision politique et coloniale.

Il faut cependant dire que de nombreux sionistes du début du siècle ont tenté de prendre au sérieux la « question arabe ». Le linguiste Yitzhak Epstein, émigré en Palestine en 1895, écrivit un article dans le journal sioniste Hashloach, qui affirmait que «  parmi les questions difficiles, dans l’idée de la résurrection de notre peuple sur sa terre, il y a une question qui pèse autant que toutes les autres réunies : c’est la question de notre relation avec les Arabes. La renaissance de notre espérance nationale dépend de la juste solution de cette question »15. Pour lui, cette question n’est absolument jamais soulevée par le mouvement sioniste.

Il en va de même pour des sionistes de gauche comme le mouvement Brit Shalom, dans les années 1920, qui a milité pour la construction d’un État binational accordant aux communautés juives et arabes les mêmes droits politiques, et dont la figure de Martin Buber défendait un autre type de sionisme. Il écrit dans les années 1920 que « cette terre n’est pas vide d’hommes, pas plus qu’elle ne l’était à l’époque où notre peuple y est entré à la sortie du désert. […] nous n’avons pas besoin de conquérir le sol, parce qu’aucun danger venant de la population actuelle du pays ne menace notre être spirituel et nos formes de vie. […] nous pouvons conclure une alliance avec le peuple qui y réside actuellement et développer avec lui le pays en Piémont du Proche-Orient »16.

Mais la vision de ce sionisme opposé à la « conquête du sol » est restée lettre morte, et c’est le mythe historique d’un peuple-race qui gouvernera la poursuite de la colonisation.

Mais la vision de ce sionisme opposé à la « conquête du sol » est restée lettre morte, et c’est le mythe historique d’un peuple-race, possédant un droit de propriété exclusif sur la Palestine, qui gouvernera la poursuite de la colonisation. Les sionistes, à l’intérieur même de leur camp, ont donc œuvré à essentialiser le lien entre ce peuple et cette terre, si bien que l’historien sioniste Saul Friedländ affirme : « puisque ce peuple ne se conçoit comme peuple que lié à cette terre […] Je crois qu’un  lien aussi profond, aussi fondamental, donne à ce peuple un droit à cette terre qu’il a été le seul à toujours valoriser à l’extrême et à considérer comme irremplaçable par quoi que ce soit, même si temporairement – et le temporaire a duré des siècles – il se trouvait ailleurs17 ». Le peuple est donc, selon les sionistes, intrinsèquement liée à cette terre, nourrissant la racialisation des juifs comme peuple unique, fondamentalement défini par la terre d’Israël.

La colonisation de la terre comme rédemption du sol

Dès la fin du XIXe siècle, l’imaginaire colonial déguisé en messianisme juif s’est mobilisé autour de l’idée de la « rédemption du sol ». Dans la tradition, le terme de rédemption évoque « le salut et la renaissance, la propreté, la pureté et le rachat des objets et des personnes repris aux ennemis »18. Les colons juifs étaient donc bien plus que des colons puisqu’en reprenant leurs terres, ils venaient accomplir leur mission historique. Pour l’association Les Sauveurs de Sion, la rédemption de la terre passait par le fait d’« acheter des terrains et les libérer des étrangers »19. Le sionisme se construit comme un projet de salut de la terre d’Israël, justifiant ainsi la violence coloniale qui s’abattra sur les populations indigènes. Shlomo Sand l’explique parfaitement dans son texte : « le sol était devenu l’objet d’un désir mystique, voir sexuel. La terre était perçue comme vide et métaphorique, jusqu’à ce que les pionniers tant attendus viennent la sauver. La vision imaginaire d’un pays de désolation fait partie intégrante du processus de la rédemption. La terre en friche représentait un environnement spatial illimité et vierge qui attendait ardemment la colonisation qui allait la pénétrer et la féconder. Cette terre abandonnée était un alliage misérable de désert et de marais jusqu’au moment historique où les pionniers s’y implanteraient. S’il y avait des « fellahs étrangers » sur les lotissements de terre juifs, leur arriération et leurs limites ne les mettaient pas en mesure de faire fructifier le désert et, de plus, ils n’aimaient pas vraiment le pays, en tout cas pas autant que les sionistes savaient l’aimer »20.

Mais acquérir la terre n’était pas suffisant. Pour ressusciter le peuple juif, il fallait que cette terre soit travaillée par des mains juives. Les penseurs du mouvement sionistes ont particulièrement diffusé cette propagande du travail auprès d’immigrants juifs socialistes. Ceux-ci étaient la pierre angulaire de l’expulsion des arabes de leurs terres et du sécessionnisme sioniste sur ces mêmes terres. Si les « pionniers » qui avaient acquis des terres en Palestine étaient obligés de faire travailler des arabes, les immigrants socialistes d’Europe de l’Est ont associé la rédemption du sol à la conquête par le travail. La colonisation a largement reposé sur ces groupements collectifs d’immigrants européens de l’Est, plus tard appelé « mouvement kibboutzique ».

Le Kibboutz Yas'ur en Israël en 1949.
Kibboutz Yas’ur (Israël), 1949.

Si une partie de l’extrême gauche voit dans les kibboutz une utopie collectiviste égalitaire et écologiste, ceux-ci ont largement participé à l’édification de l’État Juif pour plusieurs raisons. D’abord, le mouvement kibboutzique a reposé sur une racialisation du travail telle que les Arabes en étaient absolument exclu⸱es, si bien que si se créaient des couples judéo-arabes, ceux-ci, ainsi que leurs enfants, étaient obligés de quitter les kibboutz. Ensuite, les terres des kibboutz n’étaient pas des propriétés privées, mais des propriétés qui sont plus tard revenues à la nation par l’intermédiaire du Fonds National Juif, sur lequel nous reviendrons. Ces terres, une fois acquises, n’ont plus le droit d’être vendues à des non-juifs. Les kibboutz ont aussi participé à constituer des milices coloniales, jouant un rôle sécuritaire sur lequel l’armée israélienne s’est appuyée au moment de la fondation de l’État. Le kibboutz est bien plus le nom d’une utopie suprémaciste et coloniale que d’une utopie socialiste écologique enfin réalisée.

Prise de terre et Anthropocène sioniste

La terre, c’est la vie – ou du moins, la terre est nécessaire à la vie. Ainsi, les luttes pour la terre peuvent être, et elles le sont souvent – des luttes pour la vie.21

Patrick Wolfe

L’acte colonial est un acte de prise de terre

Si avant 1947, les institutions sionistes dont le Fonds National Juif avaient déjà acquis 7% des terres cultivables et 11 % de la Palestine mandataire, la Nakba22 a été l’opération par laquelle l’État d’Israël s’est constitué et a spolié une partie significative du territoire. Pendant la Nakba, des centaines de villages ont été détruits, et 700 000 personnes ont quitté leurs foyers. La guerre qui s’en suivit a conduit l’État naissant à s’implanter sur 78 % du territoire de la Palestine mandataire. Alors que le plan de partage de la Palestine proposé en 1947 par les Britanniques envisageait déjà d’accorder à l’État juif 5 000 km², les lignes du cessez-le-feu de 1948 tracent les frontières d’un pays de 21 000 km². Depuis, l’État d’Israël n’a cessé de grappiller des terres – et continue de s’étendre. La « terre d’Israël » ne connaît pas de frontières fixes.

Une série de cartes montrant l'évolution des territoires israéliens et palestiniens entre 1918 et 2007.
Représentation des changements de frontières de la Palestine au cours du temps. Source : Wikimedia.

Les terres ont été appropriées de plusieurs façons. D’abord, de nombreux kibboutz se sont étendus et d’autres se sont spontanément formés à l’endroit où des champs avaient été abandonnés. Tout en refusant le retour des Palestinien⸱nes exilé·es, l’État d’Israël a nationalisé de façon massive les terres des « absents » – ou même des « absents présents » – c’est-à-dire, les Palestinien⸱nes qui n’ont pas fui mais à qui l’on a refusé de réintégrer leurs foyers. Jusqu’en 1966, ces Palestinien·nes devenu·es citoyen⸱nes d’Israël n’avaient pas la possibilité de sortir d’une zone de résidence précise sans autorisation militaire23. Une loi votée en 1950 sur les « biens absents » a permis de s’accaparer 40 % des terres privées palestiniennes. En même temps, les terres britanniques, soit 10 % du territoire, furent donné à l’État d’Israël. Ce processus de spoliation a conduit à ce que seulement 3,5 % des terres du pays appartiennent aux 20 % d’arabes palestinien⸱nes citoyen⸱nes d’Israël dans les frontières de 1967. Les terres accaparées ont été en grande partie transmises à l’Agence Juive et au Fonds National Juif. Ces deux organisations interdisent de mettre à disposition ces terres (80 % du territoire d’Israël) à des personnes non-juives24.  Celles-ci ne sont pas la propriété des citoyens de l’État mais de tous les juifs du monde appelés à émigrer en Israël – pour jouir de leur propriété collective. Ces juifs émigrant en Israël se sont vus attribuer quantité de terres. La « rédemption du sol » du début du siècle a progressivement été remplacée par la « judaïsation de la terre ». 

Faire fleurir le désert

« Les arbres étaient nos immigrants par procuration, les forêts étaient notre implantation. Et tandis que nous assumions qu’une forêt de pins était plus belle qu’une colline mise à nu par le pacage des troupeaux de chèvres et de moutons, nous étions précisément au fait de la finalité de tous les arbres. Ce que nous savions, c’est qu’une forêt enracinée est le paysage opposé à un lieu fait de tas de sable, de rochers exposés, et de poussière rouge soulevée par les vents. La diaspora était le sable. Et donc, que devrait être Israël, si ce n’est une forêt, fixée et élancée ? »25.

Simon Schama

« Make the desert bloom », « faire fleurir le désert », ce slogan a guidé l’entreprise coloniale. La vision qui l’accompagne est on ne peut plus basique : la terre d’Israël a pendant des siècles été négligée car son peuple avait dû s’exiler. Son retour marque la rédemption de la terre, et son peuple retrouvé permettra de faire fleurir le désert.

À la fin du XIXe siècle, la Palestine est très peu boisée. Son climat sec et aride et les troupeaux de brebis et de moutons ne laissent pas de chance aux jeunes pousses. Les arbres du pays sont pour l’essentiel des fruitiers qui participent à une paysannerie de subsistance. Les oliviers, les caroubiers, les orangers et les sabars (cactus sur lesquels poussent les figues de barbarie) constituent  l’essentiel des arbres palestiniens.

Dès les premières installations sionistes en Palestine, les colons organisent des chantiers de plantations sous l’égide du Fonds National Juif. La plantation de forêts répond à un double enjeu pour les sionistes. C’est d’abord un outil d’accaparement des terres : en effet, le code foncier ottoman de 1858 stipule qu’il faut cultiver une terre pendant trois ans pour en revendiquer la possession. Ce code, encore en vigueur aujourd’hui, permet d’exproprier des paysans qui n’ont pas cultivé leurs terres depuis un certain nombre d’années. La plantation de forêts est ensuite un geste symbolique qui consiste à réclamer la Palestine comme la terre des juifs. Dans les années 1920, 80 % des arbres plantés sont des Eucalyptus, si bien que les Palestiniens l’appelleront « l’arbre des juifs », Sajarat il-Yahud. A partir des années 1930, ce sera au tour des pins de représenter la présence juive. Il s’agit pour les sionistes de mener « une guerre de l’arbre juif contre l’arbre arabe »26. Elimelech Zogorodski, agronome du Fond National Juif, commente la plantation en 1914 de 200 hectares près de Kfar Dalib, au bord de la route reliant la côte à Jérusalem : « J’ai choisi un lieu exposé à tous les passants afin que les voisins aussi bien que les voyageurs voient que les Juifs réclament leur terre ». Les plantations d’eucalyptus et de pins visent donc à prolonger la présence juive sur le territoire en même temps qu’elles agissent comme outil de spoliation.

En 1951, David Ben Gourion prononce son discours d’ouverture de séance au Parlement : « Nous devons couvrir de bois toutes les montagnes du pays et leurs versants, toutes les collines et les terres rocailleuses peu propices à l’agriculture, les dunes du littoral, les terres arides du Néguev […]. Nous ne faisons que commencer à réparer l’avilissement causé aux générations, l’avilissement causé à la nation et l’avilissement causé au territoire. Nous devons enrôler pour cela toute la force professionnelle du pays ». Ben Gourion appelle à planter des arbres sur une surface de 5000 km². Une façon pour les néo-Israéliens de se lier à cette terre en y posant leur empreinte, en devenant des agents de la transformation du territoire. La plantation symbolise et matérialise la mainmise sur les terres de Palestine.

Depuis la création de l’État d’Israël, le Fonds National Juif a planté 223 millions d’arbres dont un quart pendant les dix premières années27. Ce sont principalement des pins qui, d’une certaine façon, rappellent aux juifs d’Europe le paysage des pays de l’Est et du Nord du vieux continent. Mais si les forêts de pins permettent « d’enraciner un peuple », ce processus implique évidemment le déracinement de la population palestinienne. La plantation des pins nécessite le défrichage des oliviers, et les ruines des villages détruits pendant la Nakba disparaissent sous des forêts touffues au feuillage persistant. Le Parc du Ayalon-Canada, nommé ainsi en hommage à la communauté juive canadienne qui a financé sa création, recouvre ainsi trois villages en ruines : Yalou, Imwas et Beit Nouba. En 1967, dix mille habitant·es en ont été expulsé·es, et 1464 maisons ont été détruites. Vingt ans plus tard, la forêt a recouvert les vestiges de cette histoire. Nadav Joffe et Adèle Ribuot expriment précisément ce qui s’y joue : « le paysage israélien est par bien des aspects amnésique et les Israéliens contemplent un horizon qui étouffe la violence de son histoire »28.  Le processus matériel et symbolique d’enracinement des pins et du peuple juif exige un double arrachement : le déracinement du peuple palestinien, et le défrichage des arbres qu’il cultivait sur ses terres.

Photographie montrant des oliviers en Palestine
Des oliviers en Palestine – Crédit : Hammam Fuad

Le Fonds National Juif poursuit son programme de financement. Depuis 2010 et encore à ce jour, il met en œuvre « Blueprint Negev », un programme à 600 millions de dollars consistant à développer des retenues d’eau et des forêts de pins dans le désert du Négev où habitent 150 000 bédouins. La forêt « GOD TV », financée par une organisation chrétienne évangéliste, vise à « planter un million d’arbres pour préparer la terre au retour du fils [de Dieu] ». Le villages bédouins n’étant pas reconnus, ceux-ci risquent de vivre ce que tant d’autres ont vécu et vivent encore depuis 75 ans en Palestine. Il s’agit pour Israël d’arracher les Bédouins semi-nomades de leurs pâturages ancestraux pour les cantonner à des modes de vie sédentaires dans des régions paupérisées et isolées29, détruisant à nouveau leur façon d’habiter la terre.

L’Anthropocène sioniste en Israël s’appuie sur un colonialisme environnemental qui fait disparaître les traces d’habitations palestiniennes en se donnant l’apparat d’une transformation écologiste du paysage.

Le Fonds National Juif se présente pourtant comme une organisation environnementale servant à « protéger la terre, verdir le paysage et préserver les écosystèmes vitaux ». Dans de très nombreuses synagogues du monde occidental, il est possible de donner une pièce pour « planter un arbre en Israël ». Leur site Internet permet, pour 18 dollars, de planter un arbre afin de commémorer la mort d’un être cher. L’Anthropocène sioniste en Israël s’appuie sur un colonialisme environnemental qui fait disparaître les traces d’habitations palestiniennes en se donnant l’apparat d’une transformation écologiste du paysage. « Faire fleurir le désert » n’est pas une mission écologique, c’est un geste de revendication coloniale visant à affirmer que les Juifs sont les cultivateurs destinés à cette « terre sans peuple ». C’est également un motif qui met l’accent sur le contrôle de la nature à des fins politiques. La forêt plantée trace les limites du territoire, la disparition des villages sous les pins marque l’impossible retour des Palestinien·nes, la transformation du paysage exprime le transfert de propriété.

Saccager les territoires palestiniens – Gaza et la Cisjordanie

Ici nous resterons
Gardiens de l’ombre des orangers et des oliviers
Si nous avons soif nous presserons les pierres
Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !
Ici nous avons un passé un présent et un avenir

Taoufik Ziyad – Ici nous resterons

La colonisation des terres et le harcèlement des populations se poursuit aujourd’hui dans les territoires occupées de Gaza et de la Cisjordanie. Si Israël « verdit » son territoire à l’intérieur de ses frontières, en y créant des forêts et des parcs pour accueillir des touristes, les territoires occupés sont soumis aux infrastructures de l’occupation qui déforeste et désertifie. Depuis 1967, Israël a déraciné au moins 2,5 millions d’arbres dans ces territoires, dont près d’un million d’oliviers. 95 % des forêts de Gaza ont disparu entre 1971 et 1999, sous la pression des colonies, des bases militaires et des bombardements. En Cisjordanie, le défrichage et la restriction de l’usage des terres paysannes conduit à un pâturage excessif. Ces terres, au regard du droit international, sont pourtant censées être celles depuis lesquelles doit naître l’État palestinien. Mais l’État d’Israël maintient et poursuit sa politique de dégradation des terres palestiniennes, empêchant toute forme de souveraineté ou d’autonomie.

La poursuite coloniale en Cisjordanie

La construction, à partir de 2002, du gigantesque mur de séparation/apartheid d’Israël a coupé les agriculteur·ice·s de leurs champs, détruit les terres agricoles fertiles des paysan·nes palestinien·nes, et causé une vaste contamination des milieux naturels du fait de l’utilisation de machines lourdes et de millions de tonnes de béton. Le tracé du mur a intentionnellement isolé les communautés palestiniennes des sources d’eau vitales et a interféré avec les systèmes de drainage naturels en Cisjordanie, provoquant des inondations et d’importants dégâts environnementaux et agricoles en période de fortes précipitations30.

Les colons israéliens, soutenus par l’armée, s’attaquent régulièrement aux agriculteur·ices palestinien·nes pendant les récoltes. Entre août 2020 et août 2021, plus de 9000 oliviers ont encore été détruits en Cisjordanie. La dévastation généralisée des oliviers est une stratégie clé dans les efforts d’Israël visant à chasser les Palestinien·nes de leurs terres et à étendre les colonies illégales. Depuis le 7 octobre, la violence coloniale s’intensifie en Cisjordanie : en à peine plus de deux mois, 90 000 oliviers ont été brûlés, déracinés ou coupés, soit par l’armée Israélienne, soit par les colons31.

Les formes de l’apartheid en Israël-Palestine prennent régulièrement les allures d’un apartheid écologique, ou d’un racisme environnemental manifeste. La Cisjordanie est devenue le réceptacle des nuisances provoquées par le développement industriel rapide de l’État d’Israël. Israël transporte quotidiennement des déchets vers des décharges à ciel ouvert et des carrières à travers toute la Cisjordanie, polluant les terres et l’eau dont les Palestinien·nes dépendent. Les déchets solides des colonies illégales et des camps militaires qui fragmentent le territoire cisjordanien sont déversés sauvagement sur les terres, les champs et les routes. Les industries les plus polluantes déménagent également en Cisjordanie, et déversent les détritus provenant de la production d’aluminium, du tannage du cuir, de la teinture des textiles, des batteries, de la fibre de verre, des plastiques et d’autres produits chimiques »32. Près d’une dizaine de zones industrielles et des centaines d’usines ont déménagé d’Israël en Cisjordanie33, et parmi elles, une quinzaine d’usines de traitement de déchets34. Toutes ces industries ne sont pas soumises à la réglementation environnementale israélienne, ce qui incite les plus polluantes à s’installer dans ces colonies illégales. En 1982, l’usine Geshuri Industries a transféré sa production de pesticides, d’insecticides et d’engrais en Cisjordanie parce qu’elle avait été déclarée dangereuse pour la santé quand elle fonctionnait en Israël. Néanmoins, l’usine cesse de fonctionner pendant un mois tous les ans, lorsque les vents projettent ses polluants en direction d’Israël.

Photographie montrant des pratiques agricoles dans la bande de Gaza.
Pratique agricole dans la bande de Gaza. Source : UNDP.

L’effet le plus significatif du changement climatique déjà à l’œuvre pour les populations de Gaza et de la Cisjordanie est l’augmentation sans précédent des épisodes de sécheresse35. La question de l’accès à l’eau est cruciale sur ce territoire. Les sionistes le savent depuis leur arrivée en Palestine, si bien qu’Ariel Sharon, quand il était ministre des affaires étrangères, aurait déclaré : « Mon point de vue sur la Judée et la Samarie est bien connu, la nécessité absolue de protéger nos eaux dans cette région est essentielle à notre sécurité. C’est un élément non négociable »36.

L’eau est devenue l’une des expressions symptomatiques de l’apartheid écologique : la consommation d’eau par habitant·es en Israël et dans les colonies est de 300 litres par personne contre 80 litres pour les Palestinien·nes de Cisjordanie.  Du fait de l’accaparement du débit du Jourdain par Israël, seul un filet d’eau parvient en Cisjordanie. Le débit du fleuve a été divisé par dix depuis 1953 en raison de deux barrages gigantesques37. À cause de la pollution en aval des barrages, l’eau est le plus souvent impropre à la consommation. L’institut de recherche appliquée de Jérusalem estime que 92 % des sources d’eau du fleuve Jourdain,  sont utilisées par Israël, 8 % par la Jordanie, et 0 par la Palestine38. La Mer morte, également polluée et surexploitée, s’est considérablement rétrécie au point de former deux mers distinctes. Ses sels sont pompés par des entreprises israéliennes pour inonder les marchés de produits cosmétiques.

La fragmentation du territoire, le vol des terres par la construction du mur de séparation, la privation d’eau obligent les Palestinien·nes à sur-exploiter le peu de ressources qui leur sont disponibles.

Les Palestinien·nes ne peuvent construire aucune structure pérenne sans l’autorisation de l’administration Israélienne. Chaque retenue, chaque puits, chaque enclos, hangar ou maison exige l’accord du colonisateur. Les exactions environnementales sont si nombreuses en Cisjordanie qu’il est impossible de les recenser toutes. La fragmentation du territoire, le vol des terres par la construction du mur de séparation, la privation d’eau obligent les Palestinien·nes à sur-exploiter le peu de ressources qui leur sont disponibles. En y ajoutant l’effet du changement climatique, la terre se désertifie. Les zones agricoles sont sur-pâturées, le couvert végétal s’amoindrit, les sols s’érodent, le désert avance39.

Le génocide et l’écocide de Gaza

L’œuvre de destruction de Gaza depuis le 7 octobre 2023 est d’une ampleur inédite. L’armée coloniale fait le vide. Elle vide ce territoire de ses habitant⸱es, des infrastructures qui les font vivre, des traces de leur présence, dans une pure logique d’élimination. Nous ne dresserons pas de bilan comptable ou de liste désincarnée. Les histoires des Gazaoui⸱es sont déjà suffisamment aplani·es et dépouillé·es de contenu à longueur de journée. Déployer la logique qui consiste à entrevoir les continuités entre le génocide, le domicide et l’écocide nous permet de donner du corps et de la texture aux existences palestiniennes, et de mesurer l’ampleur de la perte de ces mondes habités. . Le génocide en cours est profond. Il dure depuis près d’un siècle. À Gaza, l’empêchement actif de formes de vie palestiniennes affecte tous les domaines essentiels. Voyons-en trois : l’agriculture, la pêche et l’eau.

Les terres agricoles bordent la frontière Est de la bande de Gaza. Malgré la densité de population exceptionnelle du territoire, Gaza était jusqu’à il y a peu un territoire vivant en grande partie de son agriculture. Avec le blocus contraignant les importations, l’agriculture est devenue d’autant plus centrale dans la résistance palestinienne que la sécurité alimentaire du territoire en dépend. En 2005, l’État d’Israël a imposé une zone tampon de 300 mètres restreignant significativement l’accès aux terres des Palestinien⸱nes, rendant inaccessible 35 % des terres arables de la bande de Gaza. À la frontière, l’armée épand des pesticides sur les terres pour que les arbres ne poussent pas, et ainsi dégager la vue autour de la frontière.

Olivier saccagé lors d’une action de vandalisme réalisé par des colons israéliens en 2009. Source : Wikimedia.

Ce geste s’inscrit dans le même sabotage systématique des cultures palestiniennes en Cisjordanie, mais les méthodes diffèrent : à Gaza, l’État israélien ouvre des barrages pour inonder les cultures, restreint l’accès au carburant nécessaire à faire tourner les machines agricoles, entrave l’accès à l’eau en pompant dans l’aquifère et empêche son renouvellement en creusant les parties souterraines des murs qui servent de frontières. Les agriculteur·ices de Gaza ont donc systématiquement été entravé·es dans leurs activités,  d’où une augmentation constante du prix des aliments. Gaza, que les Européens admiraient pour l’abondance de son agriculture à la fin du XIXe siècle, est dépendant des fruits et légumes israéliens. Mais cet état des lieux date d’avant le 7 octobre 2023. Depuis, il ne s’agit plus d’entraves. La destruction des terres agricoles par l’armée israélienne est désormais une arme de guerre. Ses bulldozers détruisent aussi bien les fruitiers et les cultures que les serres et les bâtiments40. Cette politique de la « terre brûlée » vise à anéantir les capacités de la population à se nourrir par ses propres moyens. 38 % des surfaces agricoles de Gaza ont été détruites par l’armée israélienne entre octobre 2023 et février 202441.

La pêche est le second pilier de la subsistance gazaouie. Du moins, elle l’était. Depuis l’occupation israélienne, l’activité a aussi connu de nombreux bouleversements. D’abord, à compter des accords d’Oslo, la zone de pêche devait se limiter à 20 miles marin (37 kilomètres) de la côte. Alors même que cette distance est dérisoire par rapport aux zones économiques exclusives d’autres États, elle n’a jamais été respectée. L’État israélien a décidé unilatéralement de réduire cette distance à 12 miles (22 kilomètres), puis à 6 une fois le blocus instauré en 2007. Au gré des évènements politiques, il a continuellement fait varier la zone de pêche  : on compte par exemple 14 modifications entre avril et octobre 2019. Travailler en mer, c’est prendre le risque d’un harcèlement de l’armée marine ; franchir les limites imposées arbitrairement, c’est risquer de se faire tirer dessus. Parfois, l’arbitraire de la répression israélienne conduit à des arrestations de pêcheurs sans qu’ils n’aient franchi la zone autorisée. Cette limitation progressive de la zone de pêche a fait s’effondrer ce secteur d’activité. Dans de si petits périmètres, il n’y a plus assez de poisson et leur variété est restreinte. Alors que le poisson était encore il y a peu une protéine accessible pour de nombreux Gazaoui·es, il est devenu une denrée rare et chère. Depuis le 7 octobre, la zone de pêche a été restreinte à 400 mètres42. Sans même aller au-delà, la marine israélienne tire. Alors que la famine est utilisée comme stratégie de guerre, les pêcheurs ressentent l’urgence d’exercer leur métier et beaucoup ont perdu la vie en mer.

Aujourd’hui, la situation est plus qu’urgente. L’essentiel de l’eau de Gaza est contaminé.

Puis il y a l’eau. À Gaza, 90 % de l’eau consommée provient de la nappe aquifère côtière. Avant le 7 octobre, trois pipelines provenant d’Israël fournissaient les 10 % restants. Depuis l’occupation de la bande de Gaza en 1967, l’État colonial assoiffe la population. Aujourd’hui, la situation est plus qu’urgente. L’essentiel de l’eau de Gaza est contaminé. La surexploitation de la nappe aquifère a fait chuter son niveau à plusieurs mètres en dessous du niveau de la mer. L’eau de mer et les eaux usées s’y infiltrent, rendant l’eau impropre à la consommation. À Gaza, il y a trois usines de désalinisation de l’eau de mer et six usines de traitement des eaux usées. Ces usines ne tournent que très rarement à plein régime, car elles dépendent des importations de carburant contrôlées par Israël.

Champs d’oliviers en Palestine (Source : Wikimedia)

Depuis le 7 octobre, Israël a imposé un siège total sur Gaza. Le peu d’eau, de carburant et d’électricité qui provenait d’Israël n’arrive plus. Les institutions internationales estiment que 57 % des infrastructures d’accès à l’eau et à l’assainissement ont été détruites. Cela comprend les usines, les réseaux d’eaux, les puits, les réservoirs de stockage, les stations de pompage des eaux usées, etc. L’unique usine qui fonctionne partiellement est celle de Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza. Les autres sont en ruines ou manquent de carburant. Le rapport sur les destructions des infrastructures civiles de la Banque Mondiale fait état d’une capacité de production du système d’approvisionnement en eau et d’assainissement fonctionnant à 5 % de son niveau d’avant la guerre. L’aide humanitaire parvenant aux Gazaoui·es au compte goutte, les habitant·es s’habituent à boire une eau salée, souillée et polluée. Les opérations militaires successives et l’apartheid israélien ont conduit les Gazaoui·es à se retrouver dans une situation de pure dépendance à l’État colonial. L’accaparement de l’eau prolonge le geste colonial – il assèche les terres comme il assèche les gorges.

Conclusion – Lutter pour décoloniser la terre

Dehors, les oranges dorment, les aubergines,
les champs de sauge sauvage. Un ordre du gouvernement,
Vous ne cueillerez plus cette sauge
qui parfume toute votre vie.
Et toutes les mains ont souri.

Naomi Shihab Nye – Même en guerre

En Cisjordanie, à quelques kilomètres de Jérusalem, dans le village d’Al-Walaja, se trouve un olivier. Le plus vieux de Palestine. Des datations effectuées au carbone 14 estiment qu’il aurait entre 3500 et 5000 ans. Il s’étend sur 250 m², se dresse sur 13 mètres de haut et ses racines se prolongent 25 mètres sous la terre. Un gardien en prend soin. La longévité de cet arbre est une source d’espoir. S’il a traversé les millénaires, quelques dizaines d’années d’occupation ne pourront le déraciner. « Si cet arbre reste, alors nous resterons. Cet arbre fait partie de notre identité et du conflit dans lequel nous combattons l’occupation »43, a dit l’homme qui veille sur le vieil arbre. L’olivier est le symbole de la bataille existentielle que mènent les Palestinien·nes. Déraciner un de ces arbres revient à déraciner un·e Palestinien·ne. Pour se défendre face à l’occupation, les Palestinien·nes plantent des oliviers. La présence de cet arbre indique implicitement à qui revient la terre. Planter un arbre revient alors à planter un drapeau.

Dans l’occupation de la Palestine par Israël, nous avons vu comment la dévastation environnementale coïncide avec le nettoyage ethnique, et comment la première est utilisée pour approfondir le second. Dans la mythologie sioniste, l’importance de la terre comme lieu de rédemption d’un peuple juif racialisé s’est substituée à la centralité de Dieu dans la tradition. L’attente du Messie a cédé la place à un projet terrestre destiné à forcer son arrivée. Le fait d’avoir rabattu le ciel sur la terre a permis de dépouiller celle-ci de sa sacralité. L’amour des juifs pour la terre sainte s’est transformé en entreprise coloniale de dévastation qui a rendu cette terre proprement inhabitable. Son peuple en est déraciné en même temps que les infrastructures coloniales instaurent une forme de vie moderniste qui s’appuie sur l’accaparement des éléments de la nature pour un projet sécessionniste.

À rebours de cet habiter colonial, les résistances à l’œuvre nous permettent d’imaginer un autre rapport à la terre. C’est cette terre qu’ils et elles chérissent, les arbres qui la composent auxquels ils se lient, les puits centenaires qui leur donnent accès à l’eau, qui leur permettent de défendre une façon d’habiter. L’apartheid écologique renforce le sentiment que seule l’autonomie permettra l’auto-détermination. Ici et là, des coopératives se montent, des banques de semences œuvrent à réduire la dépendance aux poisons du complexe agro-industriel. Les luttes palestiniennes nous rappellent à quel point la quête d’une justice en Palestine est une lutte pour la défense de la Terre et des dépossédés qui y errent.

Mais nous avons également vu autre chose : la tradition juive est riche de critiques du sionisme. Elle indique également comment, pour de nombreuses personnes juives, il est possible d’aimer et de chérir la terre sainte sans avoir le souhait d’y établir un État moderne et colonial.

Mais nous avons également vu autre chose : la tradition juive est riche de critiques du sionisme. Elle indique également comment, pour de nombreuses personnes juives, il est possible d’aimer et de chérir la terre sainte sans avoir le souhait d’y établir un État moderne et colonial. Bien au contraire, la sacralité de la terre résiste à son appropriation. Si les sionistes et les suprémacistes juifs ont fait reposer leur projet sur le génocide des Palestinien·nes et la destruction de leurs formes de vie, nous savons qu’ils mettent en péril leur propre peuple. Car la répression subie alimente une résistance qui s’intensifie à mesure que les perspectives se réduisent. Il existe d’autres récits que celui du sionisme, et il est temps que son emprise sur les communautés juives s’estompe au profit d’autres lectures.

C’est d’une lutte pour une terre en partage dont nous avons besoin. Une terre bi-nationale, habitable par toutes et tous, sans distinction ethno-raciale. Une telle perspective ne peut émerger des seules luttes palestiniennes. Sans écho depuis l’intérieur d’Israël, depuis la diaspora juive anti-sioniste, depuis les mobilisations anti-coloniales de par le monde, nous ne ferons qu’assister, impuissant·es, à la perpétuation du désastre.

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Notes

  1. Extrait d’un entretien avec Elias Sanbar publié par Libération des 8-9 mai 1982 et titré « Les Indiens de Palestine », recueilli dans Deux Régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, Les Éditions de Minuit, 2003.[]
  2. Shlomo Sand, Comment la terre d’Israël fut inventée. De la terre sainte à la mère patrie, 2012, Flammarion, p.50[]
  3. Expression utilisée par les « nouveaux historiens », notamment Ilan Pappé dans son livre Le nettoyage ethnique de la Palestine paru en 2006, suite à sa découverte des archives de 1948 – date de la fondation de l’État d’Israël.[]
  4. Un communiqué des Nations Unis du 15 avril 2024utilise cette expression pour caractériser la situation à Gaza.[]
  5. Vert, « L’environnement, victime silencieuse de la guerre à Gaza », 22 mai 2024, Voir aussi l’enquête de Forensics Architechture à ce sujet. []
  6. Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale, 2018, Seuil Anthropocène p.51-54[]
  7. L’historien israélien Ammon Raz-Krakotzkin a utilisé cette formule pour le titre d’un article dans la revue Mita’amen 2005[]
  8. Béatrice Orès, Michèle Sibony et Sonia Fayman, Antisionisme une histoire juive, 2023, Syllepse, p.17[]
  9. Béatrice Orès, Michèle Sibony et Sonia Fayman, Antisionisme une histoire juive, ibid, p.17[]
  10. Shlomo Sand, op cit.  p.163[]
  11. Ammon Raz-Krakotzkinn Exil et souveraineté,  2012, La Fabrique. Quelques bonnes pages sur le site entêtement.[]
  12. Shlomo Sand, op cit. p.165[]
  13. Shlomo Sand en fait état dans l’introduction de son livre Comment la terre d’Israël fut inventée : « Tout simplement, je n’étais pas conscient que, depuis sa fondation, l’État dans lequel je vivais n’avait pas de frontières réellement définies, mais seulement des zones frontalières, souples et modulables, ce qui laissait toujours une option ouverte pour leur élargissement » (p.22).[]
  14. Citation extraitre du livre de Meron Benevenisti, Sacredlandscape. The buried History of the Holy Land since 1948, Berkeley, University of California Press, 2000, p.14[]
  15. « La question cachée », (en Hébreu) Hashiloach, XVII, 1907, p.193[]
  16. Dans Martin Buber, In Ein Land undzweiVölker, Francfort-sur—le-Main, 2018, p.293, traduit de l’allemand par l’UJFP[]
  17. Saul Friedländer et Mahmound Hussein, Arabes et Israélien. Un premier dialogue, Paris, Seuil, 1974, p.211[]
  18. Shlomo Sand, op cit. p.326[]
  19. Cité dans l’article de Shmuel Almog, « La rédemption dans la rhétorique sioniste », in Ruth Kark (dir.), Rédemtpion du sol en terre d’Israël (en hébreu), Jérusalem, Ben Zvi, 1990, p.16[]
  20. Shlomo Sand, ibid, p.327[]
  21. Patrick Wolfe, Settler colonialism and the elimination of the native, Journal of Genocide Research, volume 8, décembre 2006[]
  22. Mot en arabe signifiant « catastrophe », qui désigne historiquement l’exil forcé de centaines de milliers de Palestiniens, évènement qui a précédé la création de l’État d’Israël en 1948[]
  23. Shlomo Sand, op cit, p.340[]
  24. Voir Oren Yiftachel, « Ethnocratie, géographie et démographie. Commentaires sur la politique de judaïsation de la terre » (en hébreu), Alpayim, 19, 2000, p.78-105[]
  25. Simon Schama, Landscape and Memory, Londres, Fontana Press, 1995, p.5-6[]
  26. Nadav Joffe et Adèle Ribuot, « Les forêts, pilliers de la colonisation en Palestine », Orient XXI,  novembre 2017[]
  27. Nadav Joffe et Adèle Ribuot,  « Les forêts, pilliers de la colonisation en Palestine », ibid[]
  28. Nadav Joffe et Adèle Ribuot, « Israel-Palestine, des arbres qui cachent la colonisation », Orient XXI, septembre 2018[]
  29. Ben Lorder, « Israel’s environmental colonialism and eco-apartheid », Links.International Journal of Socialist Renewal, juillet 2012[]
  30. Ben Lorder,  « Israel’s environmental colonialism and eco-apartheid », ibid[]
  31. Reporterre, « Les colons israéliens pillent les cultivateurs d’oliviers », 21 décembre 2023[]
  32. Ben Lorder, « Israel’s environmental colonialism and eco-apartheid », op cit[]
  33. Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient, « Les zones industrielles et la stratégie coloniale d’Israël », Fiche-Info, septembre 2005[]
  34. Ouest France, « Le traitement illégal des déchets Israéliens », Salomé Parent, 5 février 2018[]
  35. UNDP, « Climate change Adaptation Strategy and Programme of Action for the Palestinian Autority », 2011[]
  36. Boston Study Group, 18 octobre  1998, cité par Jad Isaac, « Israeli Palestinian water relationships : paternatilistic neo-colonialisme », Applied Research Institute Jerusalem, 2009[]
  37. Ben Lorder, « Israel’s environmental colonialism and eco-apartheid », op cit.[]
  38. Applied Research Institute Jerusalem, « The water rights and the water wrongs in Palestine », 2008, p.3[]
  39. Issac & Jane Hilal, « Palestinian landscape and the Israeli-Palestinian conflict », International Journal of Environmental Studies, 68:4, p.413-429[]
  40. Forsenic Architecture, « No Traces of life : Israel’s ecocide in Gaza 2023-2024 », mars 2024[]
  41. Les observateurs, « Gaza : les agriculteurs, victimes de la guerre », France 24, 24 avril 2024[]
  42. Middle East Eye, « les pêcheurs palestiniens risquent leur vie pour nourrir une population affamée », 7 mars 2024[]
  43. Middle East Eye, « ‘Si cet arbre reste, alors nous resterons’ : l’histoire d’un olivier vieux de 5000 ans et de son gardien palestinien », 25 décembre 2019[]