Article original : « New Materialism and the Eco-Marxist Challenge: Ontological Shadowboxing in the Environmental Humanities », Environmental Humanities, Volume 15, Issue 2, July 1, 2023
Traduit de l’anglais par Pierre de Jouvancourt
Cela fait quelques années que le vocabulaire critique des humanités environnementales est en pleine évolution. Après une riche décennie affairée à explorer les enchevêtrements intra-actifs1 et les formes de vie non-humaines dans le sillage du nouveau matérialisme, les chercheur·ses deviennent aujourd’hui de plus en plus intéressé·es par les conséquences environnementales du capitalisme, par ses ruptures métaboliques, par son économie fossile et l’omniprésence de territoires dévastés (wastescapes)2. À l’origine de cette évolution : le renouveau de la pensée éco-marxiste qui, pour s’en tenir aux seuls aspects quantitatifs, est devenue très populaire au cours de la dernière décennie3. Cependant, en arrivant au-devant de la scène, ces travaux, qui suscitent l’émergence de nouveaux enjeux, nous confrontent aussi à tout un ensemble de défis intellectuels. À tout le moins, l’essor de l’éco-marxisme s’accompagne d’une série de polémiques contre l’intérêt de longue date des humanités environnementales pour la matière, faisant apparaître un ensemble de dilemmes philosophiques fondamentaux en nous sommant de prendre position4. Qui du monisme deleuzien ou de la dialectique hégélienne nous montre le bon chemin ? Qu’est-ce qui relève véritablement de l’agentivité collective ? Devrions-nous prendre parti pour un « nouveau » ou un « ancien » matérialisme ?
À première vue, ce conflit entre le nouveau matérialisme et l’éco-marxisme a tous les traits d’une controverse ontologique réchauffée. Lorsque le nouveau matérialisme a pris son essor au début du millénaire, certain·es de ses tenant·es ont non seulement critiqué l’approche textualiste de certaines formes de constructivisme social, mais ont aussi présenté le nouveau matérialisme comme une alternative aux matérialismes d’inspiration marxiste et leur déterminisme supposé. D’une main, ils et elles reprochaient au constructivisme social de faire de la matière une page blanche pour les inscriptions sociales ; de l’autre, ils et elles rejetaient le matérialisme historique au titre que ce dernier hypostasiait l’économie comme un fondement matériel et, ce faisant, déclassaient l’idéologie, le discours et la sémiotique au statut de simple épiphénomène5.
Face à cette double opposition, le nouveau matérialisme se présentait comme une voie intermédiaire : une version poststructuraliste du matérialisme capable de reconnaître à leur juste mesure les enchevêtrements hétéroclites, contingents et imprévisibles de forces culturelles et matérielles. Plutôt que d’assigner ces forces à des dichotomies ontologiquement hiérarchisées, les tenant·es du nouveau matérialisme ont reproblématisé la matière et le discours comme des choses mutuellement interdépendantes, ou intra-actives, pour ainsi dire, se dépliant et évoluant constamment de manière complexe et multiple. La matérialité n’était plus le principe moteur d’une téléologie historique, pas plus qu’un support neutre pour nos projections culturelles. Elle se déployait sous la forme d’ « assemblages bio-sociaux », de « champs matériels-sémiotiques », de « chaire socio-matérielle », de « nature-cultures », et ainsi de suite6.
Cependant, cette prise de distance du nouveau matérialisme à l’égard du matérialisme marxiste ne fonctionne pas bien avec l’éco-marxisme actuel. En effet, à l’heure où les querelles portent sur la meilleure dialectique à même de restituer les relations entre nature et culture, l’éco-marxisme a abandonné le modèle infrastructure/superstructure au profit de cadres plus relationnels. Aujourd’hui, John Bellamy Foster défend une dialectique faisant place aux « ruptures métaboliques » (ecological rifts) ; Jason W. Moore propose une dialectique des « faisceaux » (bundles) ; et Andreas Malm revendique le fait que seul un dualisme des propriétés rend compte de « la dialectique entre nature et société »7. Et bien que ces chercheurs s’accusent mutuellement depuis quelques années d’être soit trop dualiste, soit trop moniste, ils s’accordent tous sur le modèle dialectique et, en cela, reconnaissent au fond l’interdépendance de la nature et de la culture et leur autonomie respective en tant que catégories8. Prises comme des ontologies, leurs perspectives reconnaissent que la nature n’est pas entièrement indépendante de la culture, tout en soulignant que la nature recèle des processus et des activités qui se déploient au-delà du règne de la culture.
Présentées ainsi, néanmoins, ces théories ne semblent pas incompatibles avec le nouveau matérialisme. Même pour un chercheur comme moi, très impliqué dans le développement de ce dernier courant, il est souvent assez difficile de les différencier. Après tout, le nouveau matérialisme s’est également construit sur cette volonté de respecter le statut ontologique de la nature sans renier l’importance spécifique de la culture. Et il est certain que si le déterminisme téléologique du vieux matérialisme marxiste est laissé de côté, il y a un bon nombre de similitudes entre la dialectique éco-marxiste entre nature et société et les intra-actions entre matière et discours. Dans les deux cas, nature et culture sont en relation sans être confondues. Elles s’influencent sans se déterminer réciproquement. En ce sens, bien que l’opposition théorique actuelle est souvent comprise comme un dilemme ontologique, nous n’avons en réalité pas affaire à de grandes divergences à ce niveau.
Mais alors, qu’est-ce qui oppose ces deux courants ? Pourquoi l’ascension de l’éco-marxisme s’accompagne-t-il d’attaques polémiques contre le nouveau matérialisme si nous n’avons affaire qu’à des divergences ontologiques mineures ? Pourquoi ce raffut autour de la dialectique et des intra-actions, s’il est si difficile de faire la différence ? Qu’est-ce qui est réellement en jeu dans les controverses actuelles ?
Dans cet essai, je veux défendre l’idée que le conflit actuel entre le nouveau matérialisme et l’éco-marxisme ne repose pas sur des différences ontologiques mais sur des attitudes divergentes quant aux méthodologies critiques. En d’autres termes, ma thèse est que de nombreuses contributions récentes à ces débats s’en prennent à un épouvantail ontologique qui finit par obscurcir un désaccord plus fondamental au sujet du rôle et du statut de la critique. Dans ce qui suit, je vais défendre ce point de vue en montrant, d’abord, comment un attachement aux méthodes critiques poussent les éco-marxistes à polémiquer avec des ontologies qui en réalité ressemblent aux leurs. Ensuite, je montrerai comment les tenant·es du nouveau matérialisme développent de telles ontologies en mettant en avant la nécessité de compléter ces méthodologies critiques par une manière de faire de la recherche davantage engagée sur le plan affectif.
Je montrerai ces deux points en mettant en scène une rencontre en deux publications récentes de chercheur·es de premier plan et appartenant à chaque camp. D’un côté, je mobiliserai Avis de tempête (The Progress of This Storm (2018)) d’Andreas Malm, qui est une critique de plus de deux cents pages à l’encontre de chercheur·es en vogue dans et autour du nouveau matérialisme. De l’autre, nous nous intéresserons à Influx and Efflux (2020) de Jane Bennett, qui fait suite à son influent Vibrant Matter (2010) et qui s’inscrit implicitement dans des débats autour du nouveau matérialisme. En me focalisant sur ces deux personnes comme deux pôles opposés d’un conflit théorique, je prends évidemment le risque de réduire la diversité des deux courants9. Cependant, en faisant cela, j’espère gagner en capacité à distinguer clairement les principes divergents qui entrent en jeu dans ces débats, à condition bien sûr de garder en tête que Bennett et Malm ne représentent que deux positions dans des champs plus divers et ambigus. Avec ces complexités en tête, cet essai a pour finalité de s’opposer au dogmatisme méthodologique des éco-marxistes qui considèrent la critique comme le seul mode d’investigation légitime.
Andreas Malm, ou comment disqualifier un monisme qui est aussi le vôtre
On attribue couramment à Andreas Malm l’idée de Capitalocène comme concept historique soulignant les conséquences planétaires du capitalisme dans notre époque contemporaine 10. Mais Malm est aussi l’auteur d’une des critiques les plus complètes du nouveau matérialisme à ce jour. Dans Avis de tempête, il prend pour tâche de synthétiser et de décortiquer une série d’objections éco-marxistes, toutes principalement destinées à disqualifier les ontologies du nouveau matérialisme comme étant politiquement suspectes. En y regardant de plus près, cependant, les ontologies qu’il réfute ressemblent beaucoup à celles proposées par les éco-marxistes eux-mêmes.
Dans son style critique très oral et direct, Malm soutient que les ontologies du nouveau matérialisme brouillent les distinctions entre nature et société en des termes qui sont à la fois conceptuellement et philosophiquement problématiques. Elles le font tout d’abord en soustrayant aux humains leur capacité propre d’agir en distribuant l’agentivité (agency) à toute sorte d’êtres, humains ou autres qu’humains. Dans sa tentative de se différencier du textualisme promu par le constructivisme social, le nouveau matérialisme irait simplement trop loin en faisant de la matière, plutôt que du discours, le fondement de toute action. Par conséquent, insiste Malm, ce courant nivelle par le bas des différences importantes entre les formes d’existence humaines et non humaines. « Tout n’est plus qu’un amalgame d’hybrides » nous dit la quatrième de couverture ; pourtant dans ce monde en cours de réchauffement « il est plus important que jamais de distinguer le naturel du social. » Car comment saurons-nous alors identifier les causes du changement climatique si nos théories ne sont guère capables de distinguer Anthropos du reste de la nature ? Après tout, ce sont bien les humains qui ont provoqué la situation dans laquelle nous sommes, et non les fourmis ou les arbres.
Cependant, à mesure que Malm déploie sa propre ontologie, les choses se compliquent. Du point de vue du nouveau matérialisme, il commence davantage à ressembler à un parent éloigné qu’à un ennemi mortel. Prenez la définition de la nature que propose Malm, qui semble désigner exactement le même phénomène que celui auquel se réfère le nouveau matérialisme avec l’idée d’agentivité non-humaine. À la suite de Kate Soper, Malm entend la nature comme « les structures et les processus matériels indépendants de l’activité humaine (au sens où ils ne sont pas des produits créés par les humains), et dont les forces et les causes sont les conditions nécessaires à toute pratique humaine, et déterminent les formes qu’elle peut prendre11. » La nature, selon cette définition, comprend les forces qui ne sont pas contrôlées par les humains mais qui sont les conditions de leurs pratiques. La nature se situe au-delà de notre portée mais nous façonne à bien des égards. Elle se caractérise par des puissances qui à la fois nous transcendent et nous traversent. Alors que le nouveau matérialisme pourrait décrire cet aspect des forces naturelles dans un vocabulaire assez différent (autonomie, autopoïèse, vitalité, ou encore, agentivité), les deux camps désignent néanmoins des processus très similaires12. Au fond, tous deux insistent sur la capacité des forces non-humaines à faire des choses sans l’intervention de la culture, et sur le fait que tout humain est à la fois pétri de cette capacité et régulé par elle.
En ce sens, Malm reconnaît en fait un certain degré de superposition entre nature et culture, alors même qu’il défend l’idée d’un maintien de leur distinction respective. En fait, comme beaucoup de tenant·es du nouveau matérialisme, il tisse ces domaines de la même substance, se révélant être explicitement une sorte de moniste. « L’imbrication du social et du naturel, écrit-il, est non seulement possible mais inévitable, étant donné que les deux termes sont des parties continues du monde matériel13. » Selon Malm, cependant, ce monisme ne devrait pas être confondu avec le monisme du nouveau matérialisme qui, nous dit-il, est significativement différent. Selon la description qu’en fait Malm, le monisme du nouveau matérialisme implique une ontologie plate qui attribue les mêmes propriétés à toutes les entités et à tous les êtres, alors que sa propre position ferait place aux traits qui distinguent humains et non humains. En concevant ces traits comme des « propriétés émergentes » qui apparaissent aléatoirement au cours de l’histoire de l’évolution, Malm rend compte des qualités propres des humains (l’intentionnalité étant son exemple principal) sans se rabattre sur des dichotomies métaphysiques. Le nom qu’il propose pour cette description est le suivant : « dualisme de propriété substantiellement moniste » (substance monist materialist property dualism)14.
Pour une synthèse critique de la pensée de Malm, lire aussi sur Terrestres : Bue Rübner Hansen, « Le kaléidoscope de la catastrophe : lumières et opacités chez Andreas Malm », septembre 2022.
Cependant, alors que la plupart des tenant·es du nouveau matérialisme méprisent le vocabulaire de la dialectique et du dualisme, ils et elles reconnaissent bien les différences qui séparent humains et non-humains. Certes, des penseuses comme Rosi Braidotti, Karen Barad, Elizabeth Grosz, Stacy Alaimo, et, bien sûr, Jane Bennett passent sans doute le plus clair de leur temps à mettre en avant leurs similarités, en soulignant par exemple les propriétés plus qu’humaines du corps humain15, mais aucune ne pense que les espèces humaines et non-humaines se confondent. Il ne s’agit pas d’effacer toute différence, comme Diana Coole et Samantha Frost le précisent dans leur ouvrage d’introduction au nouveau matérialisme (New Materialisms (2010)). Il s’agit de souligner que « la différence entre les humains et les animaux, ou même entre la matière sensible (sensient) ou non sensible, est une question de degré plus qu’une question de nature. »16 Et étrangement, tout comme Malm, plusieurs chercheuses appartenant au nouveau matérialisme — Jane Bennett ou Elizabeth Grosz, par exemple — expliquent même ces différences en termes d’émergence et d’évolution 17.
Le Dogme de la Critique
Bien sûr, cette proximité ontologique entre Malm et ses cibles soulève de nombreuses questions. Si l’ontologie de Malm partage des aspects centraux avec celles défendues par le nouveau matérialisme, pourquoi tenir autant à les réfuter ? Quel est le moteur réel de cette polémique si celle-ci ne porte pas véritablement sur la relation entre nature et société ? Ces questions pourraient évidemment être traitées de bien des manières, mais il me semble que la principale clé pour y répondre se cache dans la rhétorique particulière du livre de Malm, Avis de tempête.
On peut noter ici un schème récurrent. Le geste rhétorique favori de Malm consiste à prendre un concept du nouveau matérialisme initialement destiné à bousculer nos cadres théoriques puis à déplier ses conséquences jusqu’à l’absurde. Connu sous le nom de reductio ad absurdum dans le domaine de la rhétorique, ce geste permet à Malm de disqualifier le nouveau matérialisme en montrant comment ses conséquences sont inacceptables. Le nouveau matérialisme pense que la matière est vivante ? « Personne ne demanderait aux molécules de CO2 de descendre des cieux ou d’exiger que les plateformes pétrolières s’autodétruisent et indemnisent leurs victimes18. » Le nouveau matérialisme pense que l’agentivité est distribuée entre les actants humains et non-humains ? « Imaginons comment ce mode de raisonnement interviendrait dans les négociations climatiques internationales. Non, ce n’est pas nous qui avons commencé à consommer du charbon et émis du CO2 ; c’est la nuée d’actants qui nous a entraînée dans son tourbillon19. » Si les mots du nouveau matérialisme, poursuit Malm, « doivent un tant soit peu être pris au sérieux, alors on nous demande véritablement de croire que les dépôts du sous-sol ont une puissance d’agir tout comme les humains qui les excavent, que le charbon et les nuages ont agi comme des pouvoirs extérieurs, que les espèces non-humaines ont tout autant que nous cherché à brûler des combustibles fossiles20. »
Comme ces exemples le montrent, Malm construit ses arguments par le biais d’une rhétorique du ridicule. Voyez ces balivernes ! Les concepts du nouveau matérialisme sont absurdes ! Et pourtant, si les expériences de pensée par l’absurde peuvent apparaître comme évidentes à première vue, ce qui les rend absurdes ne va pas de soi. Comme Foucault nous le rappelle, toute démarcation entre des propositions censées et des propositions absurdes dépend des normes relatives à leurs contextes épistémiques. En d’autres termes, ce qui se voit attribuer un sens dépend entièrement des critères de fabrique du sens d’un régime discursif donné21. En suivant le fil de cette pensée, la question qui nous intéresse change de nature. Elle n’est plus de savoir si Malm a une opinion correcte ou non, mais de connaître les prémisses épistémiques qui rendent possible sa forme rhétorique consistant à ridiculiser ses adversaires. Autrement dit, quelles normes de recherche académique rendent le vocabulaire du nouveau matérialisme absurde ?
Revenons à l’affirmation selon laquelle le nouveau matérialisme nous conduirait à demander aux plateformes pétrolières de se démanteler elles-mêmes et d’indemniser leurs victimes. Pourquoi est-ce amusant ? Parce qu’il est absurde de demander des comptes à ces plateformes. Le nouveau matérialisme, en d’autres termes, est tourné en ridicule en raison de son incapacité à attribuer adéquatement les responsabilités. Dans d’autres passages, Malm confirme lui-même cette logique. À tout le moins, la notion de responsabilité devient particulièrement importante lorsque Malm avance son argument principal. Dans le cas du changement climatique, écrit-il, étendre l’agentivité comme le fait le nouveau matérialisme nous empêche de dénoncer les méfaits commis par les êtres humains22. En réalité, en conférant aux entités non-humaines la capacité d’agir, le nouveau matérialisme participe même à une sorte de dissimulation23. Car de quel droit pouvons-nous alors critiquer les personnes au pouvoir si l’agentivité humaine est en fait distribuée entre les actants humains et non-humains ? « La seule chose sensée que l’on puisse faire c’est de mettre un terme à l’extension de l’agentivité », écrit Malm. « Dans ce monde qui se réchauffe, cet honneur appartient exclusivement aux humains qui extraient, vendent et consument des carburants fossiles, à ceux qui ont entretenu ces pratiques, et à ceux qui ont perpétré ces actes durant les deux derniers siècles24. »
Il est clair qu’on pourrait commenter longuement ces passages, mais ce qui m’intéresse ici est le postulat que l’objectif du nouveau matérialisme devrait être de trouver des responsables. Selon Malm, les nouveaux matérialistes sont censés identifier les causes du réchauffement climatique et condamner celles et ceux qui soutiennent ces causes25. En fin de compte, affirme-t-il, « tout se résumera à une question de responsabilité »26, et pour cette raison, « toute théorie climatique » devrait non seulement lutter pour stabiliser le climat mais le faire « avec pour première étape la démolition de l’économie fossile27. »
Les phrases comme celles-ci inscrivent de fait Malm dans une tendance plus large au sein de la théorie de la culture, concevant la critique comme le seul mode d’enquête légitime. Selon cette logique, la critique n’est pas une approche parmi d’autres mais en quelque sorte une composante indispensable de toute théorie. Et ainsi, l’enjeu principal consiste à désigner des responsables. Ce qui travaille cette ligne de pensée, comme Rita Felski et d’autres l’ont fait valoir, est une forme de dogmatisme méthodologique qui valide les chercheur·es dont le but est de démystifier des fausses croyances et de dénoncer des structures sociales, tout en délégitimant celles et ceux qui mobilisent d’autres ressources théoriques en les tenant pour absurdes et politiquement douteux·ses28. Bien que dominant dans de nombreux champs et disciplines, ce dogmatisme est particulièrement visible dans les critiques éco-marxistes du nouveau matérialisme. En plus de Malm, je pense par exemple à Carl Cassegård attaquant Bennett en raison d’une attitude « non-critique » qui selon lui l’empêche d’utiliser des concepts adaptés à l’échelle macroscopique afin de critiquer le capitalisme29. Pensons également à John Bellamy Foster, qui méprise la « méthode du monisme neutre » de Bruno Latour parce qu’elle ne remet pas en cause « l’accumulation du capital et la croissance économique illimitée »30. Dans ces conceptions, toutes les routes conduisent à la critique du capital, et le péché cardinal consiste à freiner l’adhésion au projet éco-marxiste. Il n’est guère surprenant, dès lors, que le vocabulaire du nouveau matérialisme soit perçu comme absurde. Quelle est l’utilité d’identifier l’action des fourmis et des arbres, si le but final est de critiquer et de trouver des responsables ? Après tout, la nature se moque bien de nos tentatives pour révéler ses faits et gestes.
Mais en proposant une extension de l’agentivité, le nouveau matérialisme n’a pas pour objectif de critiquer les actions des fourmis et des arbres. En effet, plusieurs figures de ce mouvement se sont explicitement distanciées des méthodologies traditionnelles de la critique. Des chercheuses aussi diverses que Jane Bennett, Rosi Braidotti, Stacy Alaimo, Karen Barad et Elizabeth Grosz envisagent le nouveau matérialisme comme une opportunité d’aller précisément au-delà des « gestes critiques usuels » et d’expérimenter avec d’autres approches que celles qui consistent à suivre « le chemin tout tracé de la critique »31. Par conséquent, la manière qu’a Malm de tourner ses adversaires en ridicule est construite sur des prémisses erronées, ou au moins sur un ensemble d’hypothèses épistémiques quant au rôle et au but de la recherche académique qui n’est pas partagé par celles et ceux dont il dresse le portrait. Pour lui, la critique est l’horizon ultime du projet intellectuel du nouveau matérialisme, alors que plusieurs de ses tenant·es se sont positionné·es au-delà de la critique dans ses formes conventionnelles. Ainsi, dans Avis de tempête, le nouveau matérialisme est présenté comme un courant absurde pour l’unique raison que des prémisses clés sont mises de côté. C’est l’exacte définition de ce que l’on appelle un « homme de paille ».
De la responsabilité à la respons-abilité : Jane Bennett
Jusqu’ici, j’ai soutenu que les polémiques éco-marxistes se masquent souvent sous le fard de controverses philosophiques portant sur des questions ontologiques, alors qu’elles défendent en fait un dogmatisme méthodologique qui tient la critique pour le seul mode d’analyse légitime. J’ai également soutenu que, s’agissant de Malm, cette manœuvre s’incarne par une rhétorique qui tourne en ridicule le nouveau matérialisme en le présentant comme absurde, ce qui est rendu possible par le fait de mettre de côté les conceptions alternatives à la méthode critique qu’il défend. Il est donc temps de s’arrêter sur ces alternatives. D’un point de vue méthodologique, quel est le but de proposer des ontologies matérialistes à travers le langage de l’agentivité et de la vitalité ?
Commençons par l’évidence : les nouveaux matérialistes n’ont pas pour objectif d’échanger un dogmatisme méthodologique contre un autre. Contrairement à Malm, ils et elles ne considèrent pas leur pratique académique comme un cadre adapté à toute théorie sur le réchauffement climatique, indifférente à la spécificité des questions, des cas ou des contextes de recherche. Au contraire, certain·es défendent même explicitement un pluralisme méthodologique, dans lequel différents types d’analyse travaillent côte à côte. Prenez le dernier livre de Jane Bennett, Influx and Efflux (2020), qui s’ouvre sur une reconnaissance de l’importance de la critique dans le contexte de notre climat politique actuel32. Mais cette importance de la critique ne signifie pas que d’autres modes d’intervention doivent être abandonnés ou combattus. Plutôt que de mettre tous nos œufs dans le même panier, écrit-elle, nous avons besoin d’un large ensemble d’outils analytiques et intellectuels. Ainsi le but de Bennett elle-même n’est pas de « supplanter » la critique mais de la « compléter »33.
Les ontologies matérialistes participent à cet effort. En proposant une extension de « l’agentivité » au-delà du domaine de la culture, Bennett cherche non pas à soumettre les fourmis et les arbres à la critique, comme Malm voudrait nous le faire penser, mais à nous aider à reconnaître, sur les plans affectif et perceptif, notre rôle minuscule au sein d’un cosmos beaucoup plus large, dans l’espoir que nous finirons ainsi par agir avec moins d’arrogance et de nombrilisme. En prenant connaissance des puissances d’agir des non-humains, on peut en effet s’attendre à ce que nous développions des sentiments différents envers notre environnement. En ce sens, le projet de Bennett est de rendre notre mode de perception moins anthropocentré et, ce faisant, d’augmenter notre capacité à répondre aux multitudes vitales à l’intérieur et à l’extérieur de nous, aussi bien humaines que non-humaines. Plutôt que de déterminer une « responsabilité », Bennett espère cultiver ce que Donna Haraway a nommé « respons-abilité » (response-ability)34. Nous avons besoin de répondre aux formes de vie, aux choses et aux activités qui ont jusqu’à présent été reléguées à l’arrière-plan de nos existences. À travers cet effort, nous cultivons notre attention aux choses au lieu de nous bercer d’illusions.
À propos des impensés des nouveaux matérialismes, lire aussi sur Terrestres, Frédéric Neyrat, « Qu’est-ce que l’inhumain ? », mai 2023.
Pour les tenants de la critique, cette démarche consistant à faire augmenter notre attention en modulant nos dispositions affectives et nos habitudes perceptives peut passer pour une démarche inférieure, dénuée d’ambition ou simplement pas assez politique. Faute d’aborder frontalement cet enjeu, Malm, par exemple, s’empresse de rejeter ces théories qui se rendent coupables selon lui d’un « sophisme pathétique »(pathetic fallacy, raisonnement consistant à attribuer des sentiments humains à la nature NDT)35. Mais pour le nouveau matérialisme, l’implication affective est cruciale. Sans affects, les changements sociaux resteront lettre morte. Nous pouvons bien être profondément convaincu·es du type de société que nous désirons ou du genre d’actions que nous soutenons, mais si ces convictions ne sont pas propulsées par des élans, des sentiments ou des habitudes du corps, elles sont comme une voiture dépourvue de moteur (ou de batterie, bien entendu). Les normes politiques définissant le juste et l’injuste, les idéaux sur le bien et le mal, ont toutes besoin d’incarnation pour fonctionner. « Pour qu’[un code éthique] se traduise en acte, écrit Bennett, les affects doivent être engagés, orchestrés et y être attachés par le désir — les codes ne peuvent par eux-mêmes engendrer leur propre exécution36. » Cela explique aussi pourquoi nous sommes tous·tes des hypocrites, agissant en contradiction avec ce en quoi nous croyons. Pour le nouveau matérialisme, ce n’est pas un problème de « fausse conscience », mais un enjeu lié à l’inadéquation de nos réponses affectives.
En nous invitant à parler des non-humains comme étant « vivants », « agissants » et même « intentionnels », le nouveau matérialisme propose une manière de modifier ces schémas de réponse, dans l’espoir que ces anthropomorphismes terminologiques provenant de la réflexion s’infiltrent dans le domaine des dispositions corporelles, nous inculquant un nouvel ensemble de « respons-abilités ». Le vocabulaire du nouveau matérialisme semble ici particulièrement adapté à cet objectif parce qu’il se différencie des régimes de vérités anthropocentriques, dans lesquels les humains sont considérés comme vivants et actifs, alors qu’au contraire les non-humains sont considérés comme sans vie et passifs.
Cependant, pour cette raison précise, ce vocabulaire peut aussi se montrer abscons, comme certain·es chercheur·ses l’ont à raison remarqué. Toril Moi, par exemple, décrit avec sarcasme les textes de Vicky Kirbt comme « intentionnellement obscurs »37, et, de même, Malm remarque que la prose du nouveau matérialisme s’apparente à de la « poésie », ajoutant avec une incrédulité évidente qu’il s’agit d’une « noble entreprise à distinguer de la recherche critique »38. Et pourtant, alors même que le style inaccessible d’une partie du nouveau matérialisme est en effet problématique, je ne pense pas que nous devrions être si prompts à déplorer ses qualités poétiques. Comme je l’ai soutenu ailleurs, les tenants du nouveau matérialisme incorporent souvent ces aspects stylistiques dans le but précis de rendre leurs innovations terminologiques plus accessibles39. Pour ces chercheur·ses, les pratiques de fabulation, de spéculation et de narration s’apparentent à des dispositifs épistémologiques capables de modifier nos dispositions affectives et perceptives. Ce n’est pas une coïncidence que Influx and Efflux trouve sa principale source d’inspiration dans la poésie de Walt Whitman.
Cette dernière est ici centrale, car elle permet à Bennett d’aller au-delà de l’écriture académique traditionnelle, en mélangeant le discours philosophique avec un imaginaire affectif issu des ontologies post-anthropocentriques. Quoiqu’elle n’écrive pas de fiction à proprement parler, Bennett s’approprie et transforme de nombreux dispositifs fictionnels — anthropomorphisation, visions, métaphores, etc. — qui tous s’écartent des régimes de vérité anthropocentriques en inventant de nouvelles manières de sentir et de voir le monde. La fascination qu’a Bennett pour Whitmann — ainsi que Franz Kafka et Henry David Thoreau — a pour point de départ et d’arrivée la tentative de nous aider à saisir ses ontologies non seulement cognitivement mais aussi affectivement. Soulignons d’ailleurs la popularité de ce geste dans la recherche néomatérialiste, où un même intérêt pour la fiction est à l’origine de plusieurs livres importants : Bodily Natures (Stacy Alaimo, 2010), Staying with the Trouble (Donna Haraway, 2016), The Child to Come (Rebekah Sheldon, 2016), Bodies of Water (Astrida Neimanis, 2017).
Soyons clairs : il ne s’agit pas d’affirmer que la tradition critique ne travaille pas avec les affects. Même une figure comme Malm, qui met en exergue la pensée comme un moyen de contrer les pulsions émotionnelles et qui dénonce les sophismes pathétiques, écrit également en des termes qui modulent les dispositions affectives de son lectorat. Dénoncer les injustices sociales pour tordre le cou aux idéologies fallacieuses ou pour dévoiler les conséquences environnementales de l’économie fossile a très certainement des effets émotionnels qui attisent l’indignation, la colère et le sentiment d’urgence qui pourraient, éventuellement, provoquer une forme d’action. Dans un certain sens, c’est ainsi que la théorie culturelle fonctionne généralement. Malm peut bien dégager des responsabilités dans ses travaux académiques, il n’a pourtant aucun moyen juridique de faire respecter ses jugements. Tout ce qu’il possède, c’est le potentiel de mouvoir les gens en modifiant leurs représentations du monde, leurs sentiments et leurs schémas de réponse. À la différence de Malm, le nouveau matérialisme souligne avec force l’importance de telles modulations affectives et permet de leur ouvrir de nouveaux espaces d’intervention au sein de la recherche. Car si le dévoilement critique doit en premier lieu son succès à sa capacité de proposer des arguments et des idées qui inculquent un sens de l’indignation et de la colère, d’autres genres de théorie pourraient intervenir en mobilisant d’autres registres affectifs. D’où la fascination du nouveau matérialisme pour le soin, l’attention, l’enchantement et la joie40.
Il arrive à certain·es chercheur·ses d’associer ce dernier registre avec un sentiment proto-hippie inconséquent, aux allures inoffensives. En y regardant de plus près, cependant, cette association a indéniablement un caractère genré. A minima, le fait que Malm, qui comme de nombreux éco-marxistes se trouve être un homme cisgenre41, ignore complètement la dimension affective portée avant tout par des féministes néo-matérialistes, constitue une coïncidence frappante. Pourtant, bien que les registres affectifs du soin, de l’attention et de la joie soient souvent codés comme féminins, ces registres ne sont pas nécessairement moins puissants que les affects provoqués par la critique. Chaque registre nourrit nos engagements avec le monde et peut ainsi, si mobilisé correctement, nous stimuler pour faire advenir des écologies plus soutenables. « Si nous reconnaissons que le politique, écrit Bennett, inclut tous les affects et les énergies — positifs ou négatifs — porteurs d’un potentiel de transformation sociale, alors Influx and Efflux peut être qualifié de travail politique (parmi d’autres genres)42 ». En ce sens, l’intérêt du nouveau matérialisme pour l’ontologie est également adossé à un objectif méthodologique : reconfigurer les schémas de réponse et inciter à plus d’engagements positifs avec le monde.
Dépasser le dogmatisme
En fin de compte, ce que j’ai essayé de souligner dans cet article, c’est le risque qu’encourent les éco-marxistes d’exclure un complément important aux méthodologies critiques à ne pas reconnaître les expérimentations affectives comme une tâche intellectuelle digne de ce nom. Comme nous l’avons vu avec Malm, cela arrive parfois en raison d’un dogmatisme méthodologique profondément enraciné. Ce dernier pousse les écomarxistes à disqualifier toute autre approche que la critique au titre qu’elle serait absurde, voire politiquement douteuse. De fait, cela conduit Malm à polémiquer contre les fondements ontologiques de ces alternatives alors même que ces derniers sont similaires aux siens.
Soyons clairs, mon argument ne consiste pas à dire que ces ressemblances devraient se traduire par une alliance de l’éco-marxisme et du nouveau matérialiste. Quoique leurs positions respectives rendent possible une réconciliation ontologique, un tel principe pourrait facilement aboutir à une méthodologie passe-partout qui finirait par nous imposer une seule et même manière de faire de la recherche. Plutôt que l’homogénéité des méthodologies, je crois que nous avons besoin d’un pluralisme méthodologique (à ne pas confondre avec le relativisme méthodologique). Par conséquent, j’accueille volontiers le succès actuel de l’éco-marxisme dans la mesure où il ouvre l’éventail des modes d’enquête possibles. En revanche, j’espère également que les figures de proue de l’éco-marxisme cesseront de disqualifier les perspectives alternatives au seul titre qu’elles fonctionnent à partir de prémisses épistémiques différentes. Les humanités environnementales, comme bien d’autres contextes académiques, n’ont pas besoin d’une Théorie pour les gouverner toutes43. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un vaste éventail d’outils et de perspectives.
Remerciements
J’aimerais remercier Marie Louise Krogh, Martin Karlsson Pedersen, Karl Emil Rosenbæk, Martin Rohr Gregersen, Mati Klitgård, Mads Ejsing, Valdemar Nielsen Pold et Nicolai Skiveren pour leurs retours précieux sur les différentes versions de cet essai et aussi Jacob Rosendahl, Søren Mau, et Martin Hauberg-Lund Laugesen pour avoir lu et discuté les travaux de Malm et de Moore avec moi. Je souhaite aussi remercier l’audience attentive et intelligente de la conférence « Capital, Climate, Crisis » à la sixième conférence annuelle de la Société Danoise d’études marxistes et l’atelier annuel « Ecofiction in the Capitalocene », mis en place par le groupe de recherche Aesthetics of Empire de l’université de Linné, où j’ai initialement présenté ma critique de Avis de tempête. Enfin, mon financement : l’écriture de cet essai a été soutenue par le Fonds de recherche indépendant du Danemark (2102-00187B).
Notes
- Le terme d’intra-action est un concept utilisé par la philosophe Karen Barad, par différence avec celui plus traditionnel d’interaction. Dans l’inter-action, les entités qui inter-agissent existent avant leur entrée en relation [A <=> B], alors que dans le cadre de l’intra-action, les entités émergent à l’intérieur d’un système de relations, et ne préexistent pas à ce système (comme des objets toujours déjà formés). [Relation => A et B][↩]
- Voir par exemple Foster, John Bellamy, Brett Clark, and Richard York. The Ecological Rift: Capitalism’s War on the Earth, New York: Monthly Review Press, 2010; Malm, Andreas. Fossil Capital: The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming. New York: Verso, 2016; Frantzen, Mikkel Krause, and Jens Bjering, “Ecology, Capitalism, Waste: From Hyperobject to Hyper-abject” Theory, Culture, and Society 37, no. 6 (2020): 87–109[↩]
- Google Ngram Viewer, s.v. “ecomarxism ; 2010–2019 ; English”.[↩]
- Voir par exemple Malm, Andreas. The Progress of This Storm: Nature and Society in a Warming World. London: Verso, 2018; Pasek, Anne. “Carbon Vitalism: Life and the Body in Climate Denial” Environmental Humanities 13, no. 1 (2021): 1–20; Foster, John Bellamy. “Marxism in the Anthropocene: Dialectical Rifts on the Left.” International Critical Thought 6, no. 3 (2016): 398–402.; Forter, Greg. “Nature, Capitalism, and the Temporalities of Sleep: On Karen Thompson Walker’s The Dreamers.” Criticism 63, no. 4 (2021): 409–34; Cassegård, Carl. Toward a Critical Theory of Nature: Capital, Ecology, and Dialectics. New York: Bloomsbury Academic, 2021; Hornborg, Alf. Nature, Society, and Justice in the Anthropocene: Unraveling the Money-Energy-Technology Complex. New York: Cambridge University Press, 2019. Pour des critiques marxistes, voir Lillywhite, Austin. « Is Posthumanism Primitivism? Network, Fetishes, and Race. » Diacritics 46, no. 3 (2018): 100–19; Cole, Andrew. “The Nature of Dialectical Materialism in Hegel and Marx.” In Subject Lessons: Hegel, Lacan, and the Future of Materialism, edited by Russell Sbriglia and Slavoj Žižek, 82–101. Evanston, IL: Northwestern University Press, 2020.; et Eagleton, Terry. Materialism. New Haven, CT : Yale University Press, 2016, pp. 1–35.[↩]
- Voir par exemple Haraway, Donna. « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective. » Feminist Studies 14, no. 3 (1988): 575–99, 591; Grosz, Elizabeth. Volatile Bodies: Toward a Corporeal Feminism. Bloomington: Indiana University Press, 1994, 190; et Bennett, Jane. Vibrant Matter: A Political Ecology of Things. Durham, NC : Duke University Press, 2010, xvi.[↩]
- Bennett Jane. “System and Things: On Vital Materialism and Object-Oriented Philosophy” In The Nonhuman Turn, edited by Richard Grusin, 223–40. Minneapolis: Minnesota University Press, 2015, 85; Haraway, “Situated Knowledges”, op. cit., p. 588; Rivera, Mayra. Poetics of the Flesh. Durham, NC: Duke University Press, 2015, 149–52; Haraway, Donna. The Companion Species Manifesto: Dogs, People, and Significant Others. Chicago : Prickly Paradigm, 2003.[↩]
- Foster, John Bellamy, Brett Clark, and Richard York. The Ecological Rift: Capitalism’s War on the Earth. New York: Monthly Review Press, 2010, 32, en particulier; Moore, Jason W. Capitalism in the Web of Life: Ecology and the Accumulation of Capital. London: Verso, 2015, 5–8; Malm, Andreas. The Progress of This Storm: Nature and Society in a Warming World. London : Verso, 2018, 59.[↩]
- Voir par exemple Foster, « Marxism in the Anthropocene », op. cit., 398–402 ; Moore, Capitalism in the Web of Life, op. cit., 77; Moore, Jason W. “How to Read Capitalism in the Web of Life: Towards a World-Historical Materialism in the Web of Life.” Journal of World-Systems Research 28, no. 1 (2022): 153–68, p. 156 ; et Malm, Progress of This Storm, op. cit. 97–99.[↩]
- Tout comme les désaccords entre Malm, Foster et Moore, les réinterprétations du vitalisme par Bennett de la philosophie vitaliste diffèrent significativement des réinterprétations de Niels Bohr par Karen Barad, qui, à leur tour, diffèrent des réinterprétation de Darwin par Elizabeth Grosz. Sans compter la différence dans leurs inspirations conceptuelles, cependant, ces chercheuses s’opposent contre les ontologies textualistes en reconceptualisant l’agentivité comme une affaire matérielle — même si une partie importante du nouveau matérialisme s’est récemment intéressé aux mêmes phénomènes qu’il a rejetés comme anthropocentriques. Voir Skiveren, Tobias. « New Materialism’s Second Phase. » Criticism 63, no. 3 (2021) : 309–12[↩]
- Malm partage souvent cet honneur avec Jason Moore et Donna Haraway, qui tous deux, cependant, le créditent. Voir par exemple Welk-Joerger, Nicole. “Restoring Eden in the Amish Anthropocene” Environmental Humanities 11, no. 1 (2019 ): 72–100, p. 90; Bloomfield, Mandy. “Widening Gyre: A Poetics of Ocean Plastics.” Configurations 27, no. 4 (2019): 501–23, p. 508; Moore, Jason W. Anthropocene or Capitalocene? Nature, History, and the Crisis of Capitalism. Oakland: PM Press/Kairos, 2016, p. 5; et Haraway, Donna. Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene. Durham, NC : Duke University Press, 2016, p. 184.[↩]
- Malm, Progress of This Storm, op, cit., p. 28[↩]
- Pour un résumé plus pertinent du vocabulaire du nouveau matérialisme, voir Diana Coole et Samantha Frost, New Materialisms: Ontology, Agency, Politics, Durham, NC : Duke University Press, 2010, p. 9.[↩]
- Malm, Progress of This Storm, op. cit., p. 60[↩]
- Malm, op. cit., 59.[↩]
- Voir par exemple Alaimo, Stacy. Bodily Natures: Science, Environment, and the Material Self. Bloomington: Indiana University Press, 2010, et Neimanis, Astrida. Bodies of Water: Posthuman Feminist Phenomenology. London : Bloomsbury Publishing, 2017.[↩]
- Coole et Frost, « Introducing the New Materialisms », dans Coole et Frost, op. cit., p. 21.[↩]
- Bennett, Vibrant Matter, op. cit., p. 24; Grosz, Elizabeth. Becoming Undone: Darwinian Reflections on Life, Politics, and Art. Durham, NC: Duke University Press, 2011, pp. 11–25[↩]
- Malm, Progress of This Storm, op. cit., p. 117.[↩]
- Malm, ibid., 111.[↩]
- Malm, ibid., 110.[↩]
- Foucault, The Order of Things: An Archaeology of the Human Sciences. 1966; repr., New York : Vintage Books, 1970., p. 183.[↩]
- Malm, Progress of This Storm, op. cit., 111.[↩]
- Malm, Progress of This Storm, p. 111.[↩]
- Malm, Progress of This Storm, p. 112.[↩]
- Malm, ibid., 110.[↩]
- Malm, ibid., 112.[↩]
- Malm, Ibid., p. 18.[↩]
- Felski, Rita. The Limits of Critique. Chicago: University of Chicago Press, 2015; see also Sedgwick, Eve K., Touching Feeling: Affect, Pedagogy, Performativity. Durham, NC: Duke University Press, 2002; et Holm, Nicholas. “Critical Capital: Cultural Studies, the Critical Disposition, and Critical Reading as Elite Practice” Cultural Studies 34, no. 1 (2020): 143–66. Dans les études littéraires, cette tendance a été discutée en mobilisant le terme de « postcritique ». Pour une revue récente, voir Skiveren, Tobias. « Postcritique and the Problem of the Lay Reader » New Literary History 53, no. 1 (2022) : 161–80.[↩]
- Cassegård, Carl. Toward a Critical Theory of Nature: Capital, Ecology, and Dialectics. New York: Bloomsbury Academic, 2021, pp. 170–73.[↩]
- Foster, « Marxism in the Anthropocene », op. cit., 398, 410.[↩]
- Grosz, Elizabeth. Time Travels: Feminism, Nature, Power. Durham, NC : Duke University Press, 2005, p. 2; Alaimo and Hekman, Material Feminisms, op. cit., p. 4. Voir aussi Bennett, Jane. Influx and Efflux: Writing Up with Walt Whitman. Durham, NC: Duke University Press, 2020, pp. xix–xx; Juelskjær, Malou, and Nete Schwennesen. « Intra-active Entanglements: An Interview with Karen Barad » Women, Gender, and Research, no. 1–2 (2012) : 10–23, p. 14 ; Braidotti, Rosi. Metamorphosis: Towards a Materialist Theory of Becoming. Cambridge: Polity Press, 2002; van der Tuin, Iris. “A Different Starting Point, a Different Metaphysics’: Reading Bergson and Barad Diffractively” Hypatia 26, no. 1 (2011): 22–42, p. 22; Massumi, Brian. « On Critique. » Inflexions, no. 4 (2010) : 337–40, p. 339.[↩]
- Bennett, Influx and Efflux, op. cit., p. xix.[↩]
- Bennett, ibid., p. xx.[↩]
- Haraway, When Species Meet, op. cit., 88–93.[↩]
- Malm, Progress of This Storm, op. cit., 100–1.[↩]
- Bennett, Jane. The Enchantment of Modern Life: Attachments, Crossings, and Ethics. Princeton, NJ : Princeton University Press, 2001, p. 131.[↩]
- Moi, Toril. Revolution of the Ordinary: Literary Studies After Wittgenstein, Austin, and Cavell. Chicago : University of Chicago Press, 2017, p. 124[↩]
- Malm, Progress of This Storm, op. cit., 100[↩]
- Skiveren, Tobias. « Fictionality in New Materialism: (Re)Inventing Matter. » Theory, Culture, and Society 39, no. 3 (2022) : 187–202[↩]
- Puig de la Bellacasa, María. Matters of Care: Speculative Ethics in More Than Human Worlds. Durham, NC: Duke University Press, 2017; Latour, Bruno. “Why Has Critique Run Out of Steam: From Matters of Care to Matters of Concern.” Critical Inquiry 30, no. 2 (2004): 225–48; Bennett, Enchantment of Modern Life, op. cit.; Braidotti, Rosi. “Ethics of Joy.” In Posthuman Glossary, edited by Rosi Braidotti and Maria Hlavajova, 221–24. New York: Bloomsbury Academic, 2018[↩]
- Les éco-marxistes, cependant ne sont pas les premier·es à repousser la dimension affective du nouveau matérialisme. Pour des critiques qui les précèdent voir : Rekret, Paul. « A Critique of New Materialism: Ethics and Ontology. » Subjectivity 9 (2016) : 225–45 ; Boysen, Benjamin. “The Embarrassment of Being Human: A Critique of New Materialism and Object-Oriented Ontology.” Orbis Litterarum, no. 78 (2018): 225–42; et Lemke, Thomas. « An Alternative Model of Politics? Prospects and Problems of Jane Bennett’s Vital Materialism. » Theory, Culture, and Society 35, no. 6 (2018) : 31–54. Pour une critique féministe des théories de « grands garçons », voir Katz, Cindi. « Towards a Minor Theory. » Environment and Planning D 14 (1996) : 487–99[↩]
- Bennett, Influx and Efflux, op. cit., xx.[↩]
- Allusion à l’inscription sur l’anneau de Sauron dans l’œuvre de Tolkien, Le Seigneur des anneaux, NDT[↩]