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Ces « Bonnes feuilles » sont extraites d’une partie de l’introduction de Renaud Bécot et Gwenola Le Naour (dir.), Vivre et lutter dans un monde toxique – Violence environnementale et santé à l’âge du pétrole, Seuil, 2023.
Il est rare que les activités pétrochimiques soient évoquées, et encore moins débattues, dans l’espace public. Les accidents spectaculaires nous rappellent l’existence de ces infrastructures, reléguées dans les périphéries des grandes agglomérations, et que les habitants des centres-villes ne connaissent souvent que par les regards qu’ils jettent depuis les autoroutes ou les lignes à grande vitesse. Ainsi, le 26 septembre 2019, l’incendie de l’usine Lubrizol, à Rouen, a rappelé à notre attention les dégâts du pétrole et de son monde. L’ampleur de l’incendie et ses retombées ont suscité des alertes au sein de la population normande, rapidement suivies par des controverses sur les effets sanitaires de cette pollution et par des mobilisations portées par des organisations syndicales et écologistes. Le traitement médiatique des accidents pétrochimiques repose, constamment, sur des codes graphiques et discursifs qui connaissent peu de variations : l’image d’un panache de fumée surplombant la ville, la mention des inquiétudes sanitaires exprimées par les riverains, puis les discours rassurants des autorités publiques, et le silence récurrent – et rarement relevé – des industriels qui vivent ces crises à l’abri de la communication étatique. L’évocation des accidents est désormais rythmée par le caractère limité de l’attention médiatique et par l’instantanéité des réseaux sociaux. Ces désastres deviennent ainsi des événements supposément localisés et inscrits dans une temporalité extrêmement courte, occultant le fait que la pétrolisation de nos sociétés contemporaines constitue une mutation globale, participant d’une longue histoire de conversion aux énergies fossiles. En septembre 2019, l’incendie en périphérie de Rouen fut non seulement symbolique du caractère potentiellement pathogène des choix de développement de nos sociétés contemporaines, mais il cristallisa aussi l’expression d’anxiétés liées au réchauffement climatique global. En effet, les produits de cette usine (huiles de moteur et lubrifiants) symbolisent les productions qui se sont développées avec la croissance de la pétrochimie au xxe siècle, devenues constituantes de notre quotidien, et dont nous devons aujourd’hui nous déprendre.
Revenir sur l’histoire des désastres pétrochimiques oubliés permet de prendre la mesure d’une longue histoire de conversion productive connue par les territoires, et sur le fait que celle-ci se répète à travers la planète. Sans négliger la spécificité des événements, ni la singularité des sociétés locales, il n’est plus suffisant d’accumuler les enquêtes territorialisées sur les nuisances des activités pétrochimiques. Le dialogue entre les études de cas donne à voir le caractère global de ces mutations, ainsi que les stratégies mobilisées dans les différents territoires pour façonner le consentement des riverains et des salariés.
De Seveso à Lubrizol : sociétés, travail et santé dans l’ombre des fumées pétrochimiques
Les chapitres de cet ouvrage sont autant de contributions pour redonner une voix aux acteurs et actrices qui peuplent ces territoires, et documenter l’histoire des mobilisations et des enquêtes de santé environnementale dans les aires pétrochimiques. La construction de savoirs de santé n’est pas pour nous un objet isolé, qui se construirait à l’écart du vécu des habitants des couloirs de la chimie. Nous considérons qu’il est impossible de comprendre les motivations des plaintes formulées par les habitants de ces espaces, ni de restituer les raisonnements qui conduisent à la définition de protocoles d’enquête de santé environnementale au ras de ces sites pétrochimiques, sans commencer par comprendre la manière dont les territoires du pétrole sont construits et vécus par les populations présentes au quotidien sur place.
Les notions de « territoires pétroliers » et de « pétrolisation » des territoires sont fréquemment mobilisées dans cet ouvrage. Le territoire pétrolier recouvre différentes significations, selon le prisme disciplinaire retenu pour s’approcher du terrain. En adoptant les lunettes de l’histoire urbaine et de l’histoire économique, les raffineries et les zones pétrochimiques sont d’abord les nœuds d’infrastructures qui conditionnent la fabrication et la commercialisation des dérivés pétroliers. Malgré leur importance décisive dans la mise en économie du pétrole, ces territoires sont rarement considérés comme des « capitales énergétiques1 », dont ils constituent un revers sombre en recevant notamment les nuisances de ces activités. Le territoire pétrolier recouvre un agencement matériel, composé d’équipements dédiés au raffinage et de réseaux de pipelines connectant parfois des dizaines d’usines, au sein duquel les pollutions sont une composante à part entière des relations qui se nouent entre les sociétés humaines et leur environnement. Si ces données matérielles rendent partiellement objectivables les aires géographiques étudiées, la définition mérite de garder une certaine souplesse, car elle peut recouvrir la manière dont les habitants énoncent eux-mêmes leur compréhension de ces espaces, jusqu’à rebaptiser leurs lieux de vie. En somme, le territoire pétrolier désigne un espace vécu par une population au quotidien.
Quant à la notion de pétrolisation, elle désigne la phase de mutation des systèmes énergétiques au cours de laquelle les hydrocarbures deviennent la ressource dominante, ainsi que les rapports sociaux qui permettent leur mise en exploitation. Cette définition vise à comprendre la manière dont l’usage des hydrocarbures métamorphose un territoire lorsqu’ils sont imposés et présentés aux sociétés comme une source d’énergie plus avantageuse. En somme, la pétrolisation désigne le moment où le pétrole devient la source la plus mobilisée, dans un système énergétique, un territoire ou un secteur économique2. Au cours de ce processus, quatre caractéristiques retiennent particulièrement l’attention.
En premier lieu, cette notion est applicable uniquement dans le cadre mental de nos sociétés contemporaines, accoutumées à penser l’énergie comme une vérité scientifique universelle, alors que Cara Daggett souligne l’historicité de cette notion, inventée au xixe siècle, lorsque « […] les sciences physiques et les énergies fossiles se sont rencontrées […]. Depuis lors, les relations humaines aux combustibles ont été gouvernées par cette logique singulière, qui justifie l’indexation du bien-être humain en fonction de l’idéalisation du travail humain et d’une quête interminable pour transformer les matériaux terrestres en sources de bénéfices3.»
L’invention de l’énergie, comme catégorie quantifiable, permit de créer une unité de comparaison, autorisant à établir des équivalences pour évaluer les mérites respectifs de ressources aussi distinctes que le pétrole, le muscle, l’atome ou la force du vent, indépendamment de leur insertion dans des écosystèmes ou des rapports sociaux spécifiques. En second lieu, la place croissante des hydrocarbures dans les systèmes énergétiques rend possible la fabrique de produits qui altèrent les relations quotidiennes entre une société et son environnement matériel, comme c’est le cas pour les pesticides ou les objets en plastique. Ces mutations influent sur la manière dont les bouleversements écologiques, et ceux qui affectent les corps des habitants du territoire, sont construits comme des (non)problèmes. Troisièmement, ces usages du pétrole génèrent une production culturelle érigeant les hydrocarbures en symboles d’une modernité, ce que certains historiens baptisent les « pétrocultures4 », contribuant à rendre désirable le réagencement des relations entre sociétés et environnements matériels autour des produits pétroliers, participant ainsi à l’invisibilisation des retombées écologiques. Enfin, la pétrolisation du territoire désigne la réorganisation de l’ensemble des rapports sociaux, dans la foulée de la généralisation des usages du pétrole dans la vie quotidienne des habitants d’une zone marquée par la présence d’industries carbonées. Le réajustement des rapports sociaux à partir de la place fluctuante du pétrole sur le territoire peut conduire, fréquemment, à remettre en débat les effets écologiques et sanitaires du recours à cette ressource.
Pendant la majeure partie du xxe siècle, ces dynamiques furent présentées comme un moteur du « progrès » et d’un « mieux-être » des sociétés contemporaines. L’usage du pétrole promettait de sortir le travail de la noirceur de la mine, d’accélérer l’accumulation de richesses, d’ouvrir des perspectives de redistribution, voire de lutter contre certains fléaux (insecticides contre les épidémies, engrais pour nourrir le monde, etc.). De plus, une partie des salariés des industries pétrolières bénéficiait d’un statut de travail, et d’un niveau de rémunération qui paraissait enviable pour bien d’autres travailleurs.
Mais, depuis le début du siècle, et plus encore depuis la crise financière de 2008-2009, la dynamique de pétrolisation ne semble plus tenir ces promesses. La précarisation accrue que connaissent les salariés du secteur, une désindustrialisation dont les formes apparaissent singulières dans ces aires, et la réalité du dérèglement climatique causé par l’usage de combustibles fossiles ont mis fin à l’hégémonie (et à l’invisibilisation de nombreux effets collatéraux) de la pétroculture triomphante.
Ces mutations rendent plus audibles les voix qui questionnèrent dans le passé et interrogent aujourd’hui la pertinence de certains choix de production. Elles invitent à rouvrir le débat sur l’utilité sociale de la pétrochimie, ou à questionner le dogme de la « liberté d’entreprendre », considérée depuis les prémices de l’ère industrielle comme la liberté pour les entrepreneurs de faire fructifier leurs activités sans tenir compte des répercussions sociales ou écologiques5. La mise en évidence des impensés écologiques de ce dogme politico-économique conduit les acteurs et actrices des luttes territoriales à défendre une démocratisation des décisions économiques visant à donner aux populations la capacité d’identifier les besoins de leurs territoires plutôt que de suivre les préconisations formulées de l’extérieur, ainsi qu’à hiérarchiser l’utilité sociale des productions6.
Sur Terrestres, lire Thomas Le Roux « Du risque industriel clés en mains, as soon as possible », novembre 2021.
Afin de proposer une approche des enjeux de santé environnementale plus attentive aux paroles formulées depuis ces territoires pétrochimiques, cette introduction expose des ressources mobilisées par les différents contributeurs de l’ouvrage. Elles ont pour objet de redonner une visibilité à ces acteurs et de restituer leurs représentations des enjeux de santé dans leurs espaces de vie. Dans cet ouvrage, il s’agira de s’affranchir d’un double biais de connaissances qui marque les travaux sur l’histoire des territoires du pétrole : celui de la focalisation sur les catastrophes spectaculaires d’une part, et celui du récit des success stories industrielles d’autre part. Les travaux analysant les pollutions comme des « violences lentes » sont alors féconds pour une nouvelle compréhension des relations entre industrie, santé des sociétés locales et écosystèmes. Et face à ces violences, faire histoire et rendre compte des enquêtes de santé, à l’échelle des humains et des milieux de vie, ouvre des voies vers une plus grande justice sociale, sanitaire et environnementale.
Au-delà des accidents industriels : une histoire mondiale de la pétrolisation des sociétés contemporaines
Dans les politiques publiques européennes, la catastrophe de Seveso fut construite comme une exception monstrueuse que la réglementation devait exorciser7. Au-delà de cette légende, le nuage de dioxine qui se dégagea dans cette commune de Lombardie, le 10 juillet 1976, s’inscrit plutôt dans la banalité des débordements industriels. À la lumière des travaux d’histoire et de sciences sociales des dernières décennies, il fait plutôt figure d’accident normal dans une société du risque, et exprime la condition ordinaire des riverains des industries pétrochimiques, plus qu’un événement improbable. La seule mise en scène des désastres industriels empêche de comprendre la manière dont l’expansion des activités pétrochimiques constitue une transformation globale de nos sociétés, en produisant une série de récits distincts sur des affaires présentées comme « locales ». Plusieurs études se sont portées sur les politiques publiques d’aménagement de ces aires : en science politique et en géographie dans le cas français8, au croisement de l’histoire économique et de l’histoire environnementale en Italie9, ou dans le champ des science studies aux États-Unis10. Ces travaux éclairent les processus de décision qui conduisent à la construction des « territoires sacrifiés11 », sans nécessairement interroger la dimension globale de ces mutations.
Prenons par exemple le territoire des boucles de la Seine. Il fut marqué par l’installation d’industries chimiques depuis la fin du xviiie siècle12. Ce mouvement inaugura la longue dépendance de ce territoire aux industries chimiques, laquelle s’amplifie au xxe siècle, avec l’installation de raffineries et d’activités pétrochimiques sur le cours du fleuve. Dans ces territoires, les accidents industriels13, mais aussi les dégâts chroniques des activités chimiques et des problèmes de santé au travail, constituent la norme et non l’exception. Dans la pétrochimie, la mise en visibilité des désastres les plus spectaculaires s’est fréquemment accompagnée d’un travail d’oubli actif des violences lentes et continues. La construction récurrente de ces « trous de mémoire » apparaît comme une dimension constitutive d’une fabrique de l’aveuglement de ces sociétés dans la course à la consommation croissante de ressources fossiles14. En outre, la fabrique de récits sur ces accidents reste tributaire des intérêts socio-économiques et des reconfigurations des marchés. Un accident peut faire l’objet d’un oubli pendant plusieurs décennies, avant que sa mémoire ne soit exhumée lorsque des menaces de fermeture pèsent sur une usine, ou lorsque des politiques publiques réinterrogent le devenir de ces infrastructures.
Dans les discours aménageurs, un invariant consiste à rendre invisible l’historicité du territoire, voire à la nier. Ce système discursif qui relève d’une pratique coloniale dénie aux populations locales la capacité de faire l’histoire, en indiquant que celle-ci serait seulement façonnée par les forces capables de concentrer des investissements capitalistiques. Ces démarches prennent de l’ampleur dans les décennies d’après-guerre, à l’heure où se forge ce que James Scott définit comme un régime de haute modernité, c’est-à-dire […] une version forte de la confiance dans le progrès social et scientifique, dans l’expansion de la production, dans la satisfaction croissante des besoins humains, dans la maîtrise de la nature et, par-dessus tout, dans la conception rationnelle d’un ordre social qui serait étroitement relié à la compréhension scientifique de lois naturelles […]. Cette idéologie de haute modernité pouvait aussi bien se retrouver à gauche ou à droite du spectre politique15.
Malgré l’affaissement des structures sociales qui donnaient une consistance à cette idéologie de la haute modernité, en particulier l’érosion des dispositifs de redistribution des richesses depuis la fin des années 1970, les récits qui ont accompagné cette idéologie restent vivaces et continuent d’orienter certaines pratiques d’aménagement et de gouvernement. Pour contribuer à une relecture critique de ces mythologies, il convient de redonner une historicité à ces territoires en établissant des repères comparatifs sur la manière dont ils furent façonnés par les capitaux industriels et étatiques, ainsi que des stratégies qui furent déployées pour parer aux protestations des riverains sur les effets sanitaires.
Sur Terrestres, lire Thomas Le Roux « Les polluants éternels ne sont pas intemporels », novembre 2021.
En premier lieu, nous devons rappeler que les zones qui concentrent les investissements en faveur de la pétrochimie après 1945 ne rentrent pas subitement dans l’histoire. C’est un lieu commun que partagent le discours colonial et le discours aménageur : sécuriser l’acte d’investir impose de penser le territoire comme une surface, souvent considérée comme triplement vide : dépouillée de ses habitants, délestée de ses usages extra-industriels, et purgée de ses aspérités écosystémiques. Ainsi, autour de l’étang de Berre, […] les projets industriels ont été décidés à distance, depuis un hélicoptère, Marseille ou bien Paris, en fonction d’intérêts nationaux et internationaux. Ils ont été localisés dans des espaces qualifiés de « déserts » comme s’ils n’étaient pas habités ou déjà industrialisés. L’image d’un Far West fut d’ailleurs instillée par les plus hautes instances16.
Or, non seulement l’étang de Berre est marqué par une histoire ancienne qui n’est pas réductible à l’industrialisation (liée aux pratiques de pêche notamment), mais ce territoire possède aussi un passé industriel. Dès le début du xixe siècle, certaines ressources du territoire furent accaparées par des intérêts industriels, l’écosystème fut transformé et cela causa de nombreux décès dans la population locale17. De même, lors de la construction de la raffinerie de Feyzin au tournant des années 1950 et 1960, les services de l’État prétendaient abruptement « sauver la commune de l’obscurité ». Ce faisant, ils contribuaient à obscurcir l’historicité de ce territoire, en niant le passé horticole de la ville, en négligeant les contestations portées par les paysans, ainsi qu’en faisant le silence sur les pratiques populaires d’accès au fleuve Rhône18.
Les contributions réunies dans cet ouvrage soulignent ainsi combien les territoires de la pétrochimie ne sont pas les tables rases dépeintes par les responsables des politiques publiques d’aménagement, ni par les directions des usines. Avant même l’avènement de l’industrie, ces territoires étaient occupés par des sociétés locales qui pouvaient organiser différents usages, en particulier agricoles ou halieutiques. La rencontre entre ces communautés et la pétrochimie mène à des arrangements distincts, qui oscillent entre un conflit brutal et l’élaboration d’accommodements entre certaines pratiques de pêche et l’industrie pétrolière. L’historien Tyler Priest souligne que la pêche aux crevettes et le forage pétrolier cohabitèrent en Louisiane, voire « se renforcèrent mutuellement », parce qu’elles s’inscrivaient dans une « même écologie sociale fondée sur l’extraction maritime19 ». De plus, les activités pétrochimiques sont rarement les prémices de l’industrialisation des territoires concernés. En France, le décret relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode (1810) avait conduit à reléguer les usines chimiques dans les périphéries des villes au cours du xixe siècle20. Plusieurs zones devinrent des enclaves industrielles, comme en témoigne la sécession du hameau de Saint-Fons avec la commune de Vénissieux en 1888, sous pression des industriels de la chimie21. Dans la mesure où ce décret fut appliqué dans plusieurs pays, au fil des guerres napoléoniennes, la logique de relégation des sites industriels se retrouve fréquemment en Europe continentale. Dans la situation nord-américaine, les installations pétrochimiques s’épanouissent à partir d’une autre histoire d’occupation proto-industrielle du territoire, celle de l’économie de la plantation. En effet, la division parcellaire du territoire héritée de l’économie de plantation a facilité l’achat de certains terrains par des firmes pétrochimiques afin d’implanter leurs unités en Louisiane. Au cours des années 1960, dans l’espace caribéen, la plus grande raffinerie du monde d’alors est bâtie sur les îles Vierges américaines. Ce chantier s’inscrit dans la continuité d’une histoire coloniale d’occupation du territoire. Alors que l’économie des plantations décline sur ces îles depuis les années 1940, la raffinerie devient un instrument pour diversifier l’activité économique et favoriser la mise en tourisme de cet espace insulaire22.
Le tournant de l’après-guerre confirme finalement l’orientation industrielle de territoires qui étaient, déjà, marqués par cette emprise. Deux phénomènes principaux contribuent à l’accélération des activités pétrochimiques. Tout d’abord, les usages du pétrole se sont amplifiés au cours du conflit mondial. Plusieurs fabrications sont expérimentées à grande échelle, comme le DDT, utilisé par les armées américaines pour lutter contre la malaria et le typhus en Sardaigne et à Naples. La demande croissante d’insecticides et de pesticides participe à l’expansion de la pétrochimie. Dans le même temps, les technologies d’acheminement des hydrocarbures se sont perfectionnées. Aux États-Unis, des pipelines de plusieurs milliers de kilomètres sont bâtis pendant la guerre, démultipliant les capacités de raffinage du pays23. Les pays en reconstruction investissent pour bâtir des infrastructures, en s’inspirant de ces innovations techniques qui accompagnent la consommation exponentielle de pétrole. Les réseaux de pipelines s’étendent, tout en occasionnant des pollutions régulières de terres agricoles24. En France, dès 1953, un oléoduc connecte les raffineries de Seine-Maritime avec l’agglomération parisienne. À la fin de la décennie, les autorités italiennes et françaises rivalisent afin de construire un réseau tirant profit de l’approvisionnement de l’Allemagne : deux pipelines sont construits, le pipeline sud-européen s’étend de l’étang de Berre jusqu’à l’Allemagne via Strasbourg, alors que l’oléoduc transalpin se déploie de Gênes à Karlsruhe via l’Autriche25. Dans le même temps, les transports d’hydrocarbures par bateaux se développent : les capacités de charge des pétroliers s’amplifient, et les ports européens se métamorphosent pour accueillir ces navires26.
Le deuxième ensemble de facteurs correspond au soutien étroit que les pouvoirs étatiques apportent aux projets d’aménagement pétrolier. Dans les pays européens, ces chantiers se renforcent sous l’effet des mouvements de libération qui s’affirment dans les pays colonisés. Alors que la Grande-Bretagne disposait d’une major (une compagnie pétrolière leader dans les marchés mondiaux, la British Petroleum), les raffineries n’avaient pas été prioritairement construites sur le territoire métropolitain au début du xxe siècle. À l’heure de la décolonisation, il devenait souhaitable de relocaliser ces activités, et de faciliter la construction d’usines pétrochimiques. Dans le cas français, à la fin des années 1950, la mise en exploitation des gisements de pétrole dans le Sahara conduit plusieurs responsables des politiques énergétiques françaises, en particulier au sein de la Direction des carburants (DICA, ministère de l’Industrie), à défendre le projet d’édification de plusieurs raffineries, autour desquelles se déploient les territoires de la pétrochimie. Ces infrastructures sont érigées avec le soutien actif des autorités publiques. Ainsi, à Feyzin, les terrains sur lesquels fut bâtie la raffinerie avaient été préemptés, puis équipés par une société d’économie mixte, avant d’être revendus aux investisseurs27. Sur le continent nord-américain, les différents États ont adopté des réglementations ou des dispositifs fiscaux favorables à l’implantation industrielle.
Les conditions de l’enrôlement pétrochimique des territoires tendent également à produire un silence sur la matérialité des bouleversements des écosystèmes. Au moins trois facteurs participent à l’invisibilisation de ces mutations. En premier lieu, ces territoires sont souvent situés dans des zones périphériques, aussi bien vis-à-vis des pôles de décision politique que des espaces légitimes de fabrication des savoirs. Principalement habités par les classes populaires, moins dotées en ressources pour imposer leurs préoccupations dans le débat public, les paysages ordinaires de la pétrochimie restent largement inconnus de ceux qui ne les habitent pas au quotidien28. Face à la disqualification dont font l’objet ces espaces et leurs habitants, les chercheurs en sciences sociales doivent faire preuve d’imagination pour élaborer des récits qui puissent retenir l’attention de leurs lecteurs et contrer la marginalisation de ces zones29. La mise en périphérie de ces espaces se prolonge par une deuxième dynamique, celle de l’invisibilisation des communautés concernées dans les politiques publiques, souvent élaborées au nom de l’intérêt général. Dans les années de haute croissance, la conversion pétrolière des territoires était réalisée au nom de futurs bénéfices pour l’ensemble de la population. Dans plusieurs pays européens, cet objectif se doublait du leitmotiv de la poursuite de l’indépendance énergétique, c’est-à-dire l’idée selon laquelle une « autosuffisance » dans l’approvisionnement était possible et qu’elle était la condition d’une sécurisation de l’accès aux ressources pour le plus grand nombre. Au début du xxie siècle, « la transition énergétique » réactive ce mythe participant à renforcer l’opacité sur le sort des populations impactées par les infrastructures bâties au nom de cette transition. Dans la situation canadienne, Dayna Scott soulignait ainsi que le débat national sur l’énergie conduisait non seulement à rendre invisibles les communautés affectées, mais plus encore à les rendre « inimaginables30 ». Ces mythes mobilisateurs produisent un silence sur le sort des communautés directement affectées par les infrastructures, réputées être bâties au bénéfice du plus grand nombre.
Sur Terrestres, lire Renaud Bécot, « Lubrizol : la catastrophe n’a pas (encore) eu lieu », octobre 2019.
Les désastres industriels les plus spectaculaires constituent, in fine, les seuls moments au cours desquels les territoires pétrochimiques deviennent un problème public. Pourtant, ces séquences restent brèves, et elles sont souvent un moment de construction de l’opacité sur les retombées écologiques ordinaires de ces activités. En effet, les entreprises du pétrole et de la chimie accusées façonnent un kit d’actions pour se disculper et extraire leurs usines de la sphère d’attention publique. Sur ce point, l’exemple de la catastrophe dite de Lubrizol Rouen illustre trois principales stratégies industrielles du déni. En premier lieu, l’ampleur des effets sanitaires est euphémisée, en raison de la difficulté d’établir une causalité médicale unique et exclusive dans la survenue de certains symptômes, mais aussi en raison des effets différés des pathologies liées aux nuisances. En second lieu, les représentants de l’entreprise cherchent à circonscrire leurs responsabilités. Dans le cas de Lubrizol, l’entreprise voisine (Normandie Logistique) fut mise en accusation. Alors que la division du travail dans ces zones industrielles conduit inévitablement à la multiplication des entreprises, souvent liées entre elles par des contrats de sous-traitance, cette segmentation participe à entretenir une logique de déresponsabilisation industrielle. Enfin, dans les semaines qui suivirent l’accident de Rouen, les représentants des entreprises eux-mêmes furent relativement silencieux, laissant aux représentants de l’État le soin de communiquer sur l’ampleur du désastre. Cela ne constitue pas une marque de faiblesse, les acteurs privés mobilisant les services de l’État comme un paravent pour soustraire leurs activités aux regards. Dans le cas français et dans plusieurs pays d’Europe continentale, la logique de protection de l’industrie par l’État, contre les protestations des riverains, s’inscrit dans la continuité des réglementations sur la pollution industrielle depuis 181031.
Toutefois, ce travail d’oubli des désastres est régulièrement remis en cause. Ainsi, depuis le début du xxie siècle, une catastrophe comme celle de Feyzin (explosion d’une raffinerie de pétrole provoquant 18 décès, le 4 janvier 196632.) retrouve une visibilité dans les discours publics. Des événements conjoncturels, comme l’incendie de Rouen, contribuent à exhumer ces accidents passés. Outre la mise en série d’événements jusqu’ici séparés, deux dynamiques plus profondes contribuent au regain d’intelligibilité. En premier lieu, la désindustrialisation lente et polyforme qui affecte les sociétés occidentales laisse son empreinte sur les territoires de la pétrochimie33. Plutôt qu’à un abandon des infrastructures ou à une délocalisation complète des productions comme peuvent en connaître d’autres secteurs, les salariés des activités pétrochimiques sont confrontés à une précarisation rampante de leurs statuts et de leurs conditions de travail depuis la fin des années 197034. Le travail s’intensifie plus qu’il ne disparaît brutalement, bien que cette dynamique participe d’un déclin graduel de ces activités. Puisque celles-ci ne garantissent plus la stabilisation des carrières et des trajectoires de vie, elles apparaissent moins désirables pour ces travailleurs. Cette situation ne renforce pas nécessairement la critique ou la défiance face à l’industrie : selon les singularités de la culture ouvrière des communautés concernées, celles-ci peuvent autant façonner une mémoire critique de l’héritage industriel que faire le choix de l’oubli35. La désindustrialisation semble, dans l’ensemble, autoriser l’invocation de désastres passés afin d’en faire le véhicule d’une critique de ces activités.
Plutôt que de focaliser l’attention sur une catastrophe spectaculaire, le dialogue entre les contributions de cet ouvrage invite donc au dépassement d’approches fragmentées. Le croisement des études territorialisées permet de comprendre de manière fine un phénomène global, à savoir le processus ordinaire, insidieux, des effets sanitaires et écologiques de la pétrolisation des sociétés contemporaines. Face à ce désastre chronique, depuis deux siècles, les protestations des riverains ont été plus ou moins audibles selon les opportunités politiques, selon les relais sociaux et institutionnels sur lesquels s’appuient les habitants, ou encore selon l’intensité de la conflictualité sociale dans les usines. Toutefois, même lorsqu’elles se faisaient à bas bruit ou ne s’exprimaient que dans l’entre-soi des communautés ouvrières, et même lorsqu’elles affrontaient des intérêts économiques puissants, ces protestations ne se sont jamais complètement tues.
Photographie de couverture — Kouji Tsuru.
Notes
- Pratt, Joseph A., Melosi, Martin V. et Brosnan, Kathleen A. (dir.), Energy Capitals. Local Impact, Global Influence, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2014.[↩]
- Le système énergétique désigne « la combinaison originale de diverses filières de convertisseurs qui se caractérisent par la mise en œuvre de sources d’énergie déterminées et par leur interdépendance, à l’initiative et sous le contrôle de classes ou de groupes sociaux, lesquels se développent et se renforcent sur la base de ce contrôle », voir Debeir, Jean-Claude, Déléage, Jean-Paul et Hémery, Daniel, Une histoire de l’énergie, Paris, Flammarion, 2013 [1992], p. 25.[↩]
- Daggett, Cara, The Birth of Energy. Fossil Fuels, Thermodynamics, and the Politics of Work, Durham, Duke University Press, 2019, p. 4 (trad. des auteurs).[↩]
- LeMenager, Stephanie, Living Oil : Petroleum Culture in the American Century, Oxford, Oxford University Press, 2014 ; Buell, Frederick, « A Short History of Oil Cultures : Or, the Marriage of Catastrophe and Exuberance », Journal of American Studies, 46/2, 2012, p. 273-293 ; Duperrex, Matthieu, « Energy humanities, une pensée écologique au miroir des industries carbonées », Sociétés, 148/2, 2020, p. 93-101.[↩]
- Jarrige, François et Le Roux, Thomas, La Contamination du monde, Paris, Seuil, 2017.[↩]
- Keucheyan, Razmig, Les Besoins artificiels. Comment sortir du consumérisme, Paris, La Découverte, « Zones », 2019.[↩]
- Centemeri, Laura, « Retour à Seveso La complexité morale et politique du dommage à l’environnement », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 66/1, 2011, p. 213-240 ; Ziglioli, Bruno, La mina vagante. Il disastro di Seveso e la solidarietà nazionale, Milan, FrancoAngeli, 2010.[↩]
- Le Naour, Gwenola, « Aux marges de l’action publique », mémoire pour l’habilitation à diriger des recherches en sciences politiques, université de Strasbourg, 2017 ; Flanquart, Hervé et Frère, Séverine, La Ville et ses risques. Habiter Dunkerque, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2017 ; Coanus, Thierry, Comby, Jacques, Duchêne, François et Martinais, Emmanuel, Risques et territoires. Interroger et comprendre la dimension locale de quelques risques contemporains, Paris, Lavoisier, 2010.[↩]
- Adorno, Salvatore, « L’area industriale siracusana e la crisi ambiantale degli anni Settenta », in Adorno, Salvatore et Neri Serniri, Simone (dir.), Industria, ambiente e territorio. Per una storia ambientale delle aree industriali in Italia, Bologne, Il Mulino, 2009, p. 267-316.[↩]
- Allen, Barbara, Uneasy Alchemy : Citizens and Experts in Louisiana’s Chemical Corridor Disputes, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2003 ; Allen, Barbara, « From Suspicious Illness to Policy Change in Petrochemical Regions : Popular Epidemiology, Science, and the Law in the U.S. and Italy », in Boudia, Soraya et Jas, Nathalie (dir.), Powerless Science ? Science and Politics in a Toxic World, Oxford, Berghahn Books, 2014, p. 152-169.[↩]
- Lerner, Steve, Sacrifice Zones. The Front Lines of Toxic Chemical Exposure in the United States, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2010 ; Klein, Naomi, Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique, Arles, Actes Sud, 2015.[↩]
- Massard-Guilbaud, Geneviève, Histoire de la pollution industrielle. France, 1789-1914, Paris, Éditions de l’EHESS, 2010 ; Le Roux, Thomas, Le Laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, 2011 ; Z., « Rouen : fumées noires et gilets jaunes », Z. Revue itinérante d’enquête et de critique sociale, n° 13, 2020 ; Vadelorge, Loïc, « Aménager la ville dans le périmètre des usines à risque. Petit-Quevilly et Lubrizol dans les années 1990 », Histoire@Politique, n° 43, 2021, https://journals.openedition.org/histoirepolitique/555[↩]
- En France, en 2018, les services d’inspection des établissements classés pour la protection de l’environnement dénombraient 1 112 accidents dans les installations dont le suivi leur revenait.[↩]
- Marrec, Anaël, « Énergie en durée, mémoire en agir », Socio-Anthropologie, n° 42, 2020, p. 9-21.[↩]
- Scott, James, Seeing Like a State. How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 4-5. Traduit en français, L’Œil de l’État, Paris, La Découverte, 2021.[↩]
- Gramaglia, Christelle et Duperrex, Matthieu, « Genèse et devenir d’une zone critique littorale méditerranéenne », Rives méditerranéennes, n° 61, 2020, p. 10.[↩]
- Daumalin, Xavier, « Quand l’industrialisme tue. L’affaire du Pourra (1812-1846) », Revue d’histoire du xixe siècle, n° 61, 2020, p. 239-256.[↩]
- Bécot, Renaud, Le Naour, Gwenola et Frioux, Stéphane, « Inflammation du verbe moderniser : Feyzin 1966, une catastrophe dans le tournant pétrolier de l’économie française », in Frioux, Stéphane (dir.), Une France en transition : urbanisation, risques environnementaux et horizon écologique dans le second xxe siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021, p. 125-153.[↩]
- Priest, Tyler, « Shrimp and Petroleum : The Social Ecology of Louisiana’s Offshore Industries », Environmental History, 21/3, 2016, p. 488-515.[↩]
- Massard-Guilbaud, Geneviève, « La régulation des nuisances industrielles urbaines (1800-1940) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 64, 1999, p. 53-65.[↩]
- « Vénissieux », Z. Revue itinérante d’enquête et de critique sociale, n° 8, 2014.[↩]
- Johnson P., Matthew, « Black Gold of Paradise : Negotiating Oil Pollution in the US Virgin Islands, 1966-2012 », Environmental History, 24/4, 2019, p. 766-792.[↩]
- Bonneuil, Christophe et Fressoz, Jean-Baptiste, L’Événement Anthropocène, Paris, Seuil, 2013, p. 167.[↩]
- Kheraj, Sean, « A History of Oil Spills on Long-Distance Pipelines in Canada », The Canadian Historical Review, 101/2, 2020, p. 161-191.[↩]
- Waller, Peter P. et Swain, Harry S., « Changing Patterns of Oil Transportation and Refining in West Germany », Economic Geography, 43, n° 2, 1967, p. 143-56.[↩]
- Hein, Carola, « “Old Refineries Rarely Die” : Port City Refineries as Key Nodes in The Global Petroleumscape », Canadian Journal of History/Annales canadiennes d’histoire, 55/3, 2018, p. 457-486 ; Hein, Carola, « Oil Spaces : The Global Petroleumscape in the Rotterdam/The Hague area », The Journal of Urban History, 44/5, 2018, p. 887-929 ; Bartolotti, Fabien, « Le port de Marseille face aux bouleversements économiques des années 1945-1992 : rythmes, stratégies des acteurs, enjeux environnementaux », thèse d’histoire, Aix-Marseille, 2021.[↩]
- Le Naour, Gwenola, « Aux marges de l’action publique », op. cit.[↩]
- Pour une enquête ethnographique fine dans ces territoires, voir Gramaglia, Christelle, Habiter la pollution industrielle. Expériences et métrologies citoyennes de la contamination, Paris, Presses des Mines, 2023.[↩]
- Chauvier, Éric, Somaland, Paris, Allia, 2012 ; Duchêne, François et Marchand, Léa, Lyon, vallée de la chimie. Traversée d’un paysage industriel, Lyon, Éditions Libel, 2015.[↩]
- Scott, Dayna, « Situating Sarnia. “Unimagined Communities” in the New National Energy Debate », Journal of Environmental Law and Practice, 25, 2013, p. 81-111.[↩]
- Voir Massard-Guilbaud, Geneviève, Histoire de la pollution industrielle…, op. cit.[↩]
- Le Naour, Gwenola, « Feyzin (1959-1971) : composer avec les débordements de l’industrie dans le sud lyonnais », in Le Roux, Thomas et Letté, Michel (dir.), Débordements industriels : environnement, territoire et conflit (xviiie–xxie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 99-114.[↩]
- Pour un panorama des études sur la désindustrialisation, voir Fontaine, Marion et Vigna, Xavier, « La désindustrialisation, une histoire en cours », 20 & 21. Revue d’histoire, n° 144, 2019, p. 2-17 ; High, Steven, MacKinnon, Lachlan et Perchard, Andrew (dir.), The Deindustrialized World. Confronting Ruination in Postindustrial Places, Toronto, UBC Press, 2017.[↩]
- Bouffartigue, Paul, « Précarités professionnelles et action collective », Travail et Emploi, 116, 2008, p. 33-43 ; Rot, Gwenaële et Vatin, François, Au fil du flux : le travail de surveillance-contrôle dans les industries chimique et nucléaire, Paris, Presses des Mines, 2017.[↩]
- Comme pour d’autres secteurs, voir notamment l’étude menée dans deux anciennes villes marquées par le broyage d’amiante en Italie : Ziglioli, Bruno, La Eternit di Casale Monferrato e la Fibronit di Broni : due comunità di fronte all’amianto, Milan, Franco Angeli, 2016.[↩]