Une catastrophe menace directement l’habitabilité de ce monde. Il devient difficile de résister aux chaleurs, aux pluies violentes, aux crises et aux conflits sociaux, parfois tout cela à la fois, surtout depuis de gigantesques espaces urbains bétonnés et nourris par des sols agricoles de moins en moins fiables. Pour peu que l’on prenne ces menaces au sérieux, alors l’évidence serait peut-être celle-là : il nous faut parvenir à transformer radicalement nos manières d’habiter. Réhabiter autrement que selon les règles de l’accumulation de la valeur capitaliste, réhabiter en cultivant des réponses aux catastrophes qui nous précèdent et à celles qui viennent, réhabiter en reprenant en main petit à petit nos moyens de subsistance. Dès lors, pour l’écologie politique, l’enjeu serait de multiplier ceux et celles qui, attaché-e-s à leur territoire, sont prêt-e-s à le défendre, à entretenir son habitabilité voire à la recréer.
La question des formes d’attachements au territoire est en même temps l’un des terrains conflictuels clés pour l’écologie politique. Sur le plan des idées, nous héritons en Europe et en France d’une histoire politique trouble sur la question de l’attachement à la terre dont toute une partie est réactionnaire, nationaliste et identitaire. En effet, l’idée d’une Nature originelle, le Local ou l’Enracinement sont désormais des thèmes centraux du référentiel idéologique de la droite réactionnaire. Les tendances écofascistes contemporaines proposent une « écologie enracinée » ou prônent une défense patriotique de l’environnement, tout en agitant sans cesse la chimère de l’immigration coupable de la catastrophe. Comment faire face à cette appropriation de l’écologie par l’extrême-droite, depuis un point de vue Terrestre ? Et faut-il, à l’inverse, se réapproprier les questions que l’extrême-droite a faites siennes, telles que l’identité ou l’appartenance, pour amorcer les basculements terrestres dont nous avons besoin ?
Époque déracinée
L’écofascisme ne se développe pas dans n’importe quelle époque. L’immense majorité de la population mondiale dépend désormais pour sa subsistance des infrastructures qui ont été pensées par et pour la division internationale du travail, quelle que soit d’ailleurs la position occupée dans cette chaîne, du plus dominé au plus dominant. Ce qui est essentiel à la subsistance de la grande majorité des sociétés humaines aujourd’hui est quasi systématiquement issu du système métropolisé et industriel dont nous avons, pour la plupart, hérité sans le choisir. Dans l’état actuel des choses, quasiment partout sur Terre, en effectuant tout un ensemble de gestes quotidiens on se trouve en effet pris dans cette gigantesque chaîne d’exploitation du travail internationalement déployée : une simple communication entre deux personnes transite ainsi via un smartphone et des satellites, un repas même très simple peut contenir des ingrédients produits sur plusieurs continents différents. Le capitalisme a agencé le monde de sorte à ce que la circulation de la valeur marchande structure le quotidien : habiter le capitalisme, pour la philosophe canadienne Dalie Giroux1, c’est vivre une existence dans un presque-désert, dictée par les lois de la création de valeur marchande. Ces dernières tendent à faire de chacun un ”être circulé de l’espace mondialisé”2, c’est-à-dire des êtres dont la vie est organisée par et pour le mouvement perpétuel de la valeur dans le capitalisme. Étrange paysage que celui de notre vécu contemporain, où il s’agit soit d’être circulé sans limite (pour le travail, le tourisme, le loisir, les affaires), soit assigné à un espace (se déplacer implique de surmonter des obstacles croissants plus on est défavorisé), ou encore dans une sorte de précarité mobile, propre à celles et ceux qui sont temporaires partout et tout le temps (les sans logis, sans les bons papier, ou sans argent).
On touche là aux effets existentiels du système capitaliste : le vécu de beaucoup d’entre nous a pris les allures « non pas d’une vie sur la Terre, mais plutôt […] d’une vie qui s’enracine dans un ensemble de dispositifs objectifs et performatifs d’arrachement des terriens à la Terre3. ». Ces dispositifs du déracinement ce sont peu à peu infiltrés dans notre quotidien, se multipliant et ouvrant toujours de nouveaux marchés – car tout ce qui peut être régi par le marché un jour tend à devenir une puissance de déracinement. Le logement lui-même est devenu un pur produit financier dans les “zones tendues”, il ne sert plus tant à habiter qu’à enrichir les propriétaires, la valeur du logement est elle-même mise en circulation sur un marché. Et cela rend le tout-venant, l’habitant.e, plus vulnérable aux aléas de l’économie capitaliste et aux catastrophes à venir, elles qui demandent tout au contraire de s’ancrer plus solidement. Le déracinement menace aussi directement des manières de vivre : il signe la fin de certains types d’habiter pour les remplacer par une autre forme d’habitation, déracinée et déracinante, basée sur l’appropriation et l’exploitation. Le déracinement est donc ce mouvement historique et violent d’arrachement des sociétés aux mondes terrestres, basé sur la destruction de certains attachements et relations réciproques, au profit de nouveaux liens basés sur des rapports de production violents. Aussi, le déracinement n’est jamais réellement achevé – car il n’y a pas de vie qui soit réellement « hors du sol » – mais il semble être l’horizon inéluctable de notre devenir sous le capitalisme.
Aussi, « nous habitons des dispositifs de déracinement qui ne sont pas faits pour habiter, nous y habitons malgré tout. Nous sommes comme des petits oiseaux qui se font des nids au-dessus des arches de béton des viaducs d’autoroutes »4. Nous sommes, en d’autres termes, des déracinés. Il s’agit d’un déracinement non seulement dans son aspect matériel (nous dépendons de modes de production absurdes, dont la violence prédatrice s’accroît à mesure que les matières premières comme les hydrocarbures, les métaux rares ou les récoltes se font plus hasardeuses ou l’approvisionnement incertain), mais aussi dans sa dimension symbolique et idéologique. Car de cette vie, bâtie au milieu des puissances de déracinement, résulte aussi d’une certaine culture qui sert de toile de fond à nos raisonnements et nos affects : le déracinement comme mode d’être semble s’être diffusé dans les imaginaires et la culture populaires. On se trouve finalement éloigné d’un ensemble de dispositions à l’habitation. Des dispositions matérielles, mais aussi sensibles, affectives, collectives … bref, politiques, qui devraient nous permettre d’habiter les milieux où nous sommes, plutôt que de « résider » dans les structures imposées par le capitalisme.
Ces “dispositions à l’habitation” sont ce que nous pourrions aussi appeler l’enracinement au sens où la philosophe Simone Weil l’entendait : c’est-à-dire, un “besoin de l’âme”5 de se sentir lié à quelque part, de recevoir en héritage et de se voir transmettre la mémoire des formes de vie qui nous ont précédé, et celles des systèmes mis en place dans la recherche de plus d’égalité. Une forme d’enchantement du monde viendrait de la sensation d’appartenir à un tissu de liens matériels comme immatériels. Or, effarée à la vue des travailleurs venus des campagnes pour se faire embaucher dans les usines et privés de toute forme d’autonomie vis-à-vis du Travail, Weil s’opposait à l’idéologie productiviste qui obsédaient toute une partie des socialistes de cette époque. En effet, pour la philosophe comme pour d’autres voix dissidentes, le projet de s’élever au-dessus des conditions terrestres – au moyen d’un développement de la technique et des forces productives – était profondément incompatible avec la fin des rapports de domination à laquelle elle aspirait.
Cela renvoie aussi à ce que Walter Benjamin appelait la tempête du progrès, dans les Thèses sur le concept d’histoire qu’il nous a léguées pour tenter de qualifier les contradictions de la modernité et la dialectique de l’histoire. L’une des contradictions majeure des partis et syndicats provient de leur foi trop fervente dans le progrès. Pour Weil, il fallait à tout prix trouver des manières de concilier l’émancipation des classes ouvrières et leur (ré)attachement à des mémoires singulières, ainsi que leur reprise en main des moyens et pratiques de subsistance essentielles à leur vie commune. Si Weil écrivait dans un désir d’émancipation et avec une franche aversion vis-à-vis du fascisme, cela n’empêchera pas des appropriations du terme d’« enracinement » par la droite réactionnaire des années plus tard – il faut dire qu’il y a là un terme plutôt commode pour départager les nationaux et les étrangers, les « vrais » français de souche et les « immigrés ». De même que, si l’on ne peut catégoriser Simone Weil comme une penseuse écologiste avant l’heure, il n’empêche que son approche de la « nécessité6 » et sa clairvoyance vis-à-vis du système industriel, couplées à la question de l’enracinement, en font une ressource pour l’écologie politique aujourd’hui.
L’instrumentalisation de la nature dans le fascisme
C’est au sein de ce paysage du déracinement et à l’intérieur du paradigme moderne que l’écofascisme s’est développé. Il ne s’agit pas ici de fournir une enquête détaillée sur les origines politiques et philosophiques de l’écofascisme, ce travail étant déjà entamé par ailleurs7. On se restreint ici à s’attarder sur un exemple historique, celui du nazisme, car il est utile à notre propos, tout en avertissant les lecteur-ice-s qu’il serait tentant mais faux d’y résumer l’écofascisme.
Durant les années qui suivent l’armistice de 1918 dans l’Europe encore marquée par les conséquences de la Première Guerre Mondiale, les nationaux-socialistes trouvent les conditions propices pour gagner en puissance jusqu’à devenir la force politique gouvernante. Entre la fin des années 1920s et le début des 30s, en Allemagne, les nazis entrent dans le jeu parlementaire et conquièrent les voix, jusqu’à dominer la vie politique de leur pays avec la nomination d’Hitler comme chancelier (1933). Quelques analystes ont par la suite enquêté sur les nombreuses références à la « défense de la nature » par le régime nazi ainsi que son « idéologie environnementaliste » supposée – un usage qui se contente d’être très largement rhétorique et métaphorique8. Ce ne fut pas le seul, les fascistes italiens9 ayant eux aussi prôné la « défense de la Terre » assortie notamment de la création de parcs nationaux pour l’Italie, et le gouvernement de Vichy10 a usé d’une idéologie « rurale fasciste » et propagandiste à propos de la mise en culture de toutes les terres agricoles. Il apparaît, dans diverses analyses, que cet usage de la Nature ou la Terre fut effectivement métaphorique, les différents régimes ayant surtout fait preuve d’un intérêt exacerbé pour la technique, le productivisme, et les alliances avec les grands industriels (Allemagne, Italie), et échoué à mettre en œuvre les grandes promesses à l’agriculture (France). Cela suggère donc que la naissance de l’idéologie écofasciste se fait, comme les autres idéologies réactionnaires11, à l’intérieur même du paradigme moderne, dans une évocation de la nature abstraite et sans relation concrète avec, par exemple, les modes d’habitation ou les relations humains-nature et humain-non humain.
Bien que ce soit aussi le cas dans d’autres contextes, c’est peut-être en Allemagne nazie que l’invention d’une « nature fasciste » s’exprime le plus clairement, au sein de ce qui est appelé la « révolution conservatrice allemande » dans la République de Weimar. Celle-ci est menée par différentes tendances de droite réactionnaire, notamment le Mouvement Paysan, les Jeunes Conservateurs et le mouvement Völkisch. Dès le XIXè siècle, dans l’empire prussien, les prémices de ce qui deviendra le mouvement d’idées « völkisch » établissaient le lien direct entre la Nature et l’identité raciale du peuple germanique (le Völk). Les Völkischen faisaient ainsi l’éloge d’une existence harmonieuse du peuple germanique au sein d’une nature “vierge”, sublimant l’Homme au sein de son environnement et de la terre de ses Ancêtres, tout en incarnant une certaine résistance à la modernité et ses cortèges d’usines crachant de la fumée, rasant les forêts et défigurant les paysages. L’idée du devoir de « rétablissement » d’une race pure coïncidait avec l’idée de retrouver une Nature originelle.
Hitler écrivait dans son sinistre manifeste Mein Kampf que l’imaginaire völkisch avait servi d’appui pour répandre l’imaginaire national socialiste en Allemagne, ce qui est certainement difficile à vérifier historiquement mais montre tout de même l’importance accordée à ce courant et ses imaginaires. De manière assez évidente, la nature y est fantasmée, représentant l’immuable et faisant loi, ce qui est et qui doit être, dans une optique réactionnaire qui prétend œuvrer à son amélioration (celle de la race aryenne, en l’occurrence). C’est en cela que ce paradigme de la nature est résolument moderne, car empreint non seulement de la séparation moderne nature/culture mais aussi appuyé sur un racisme particulièrement méthodique et exterminateur aux origines très probablement coloniales12.
Sa mise en œuvre dans la propagande nazie aurait favorisé l’ascension du régime et participé à la ferveur populaire générée durant ses premières années. Dans ce prolongement, on peut dire que les théories du Lebensraum (« espace vital »)13 faisaient référence à un territoire quasiment « racialisé » car supposé être le territoire « originel » et « naturel » pour le « peuple germanique », soit la race aryenne. Dans une Allemagne défaite et ravagée par les crises économiques, ces groupes alimentent et galvanisent un certain imaginaire : celui d’une Nation entourée d’ennemis (un danger qui pèse sur la souveraineté), menacée dans son intégrité par un ennemi intérieur (en l’occurrence, le Juif ou sémite mais aussi tous les corps jugés « défaillants » ou « impurs » : personnes non-blanches, non-valides, etc.). Une partie de ces rhétoriques semble aussi refaire surface dans les tendances écofascistes actuelles14.
“Faire sauter ces armes des mains de la réaction”
Si la modernité a engendré ses propres forces réactionnaires, on peut aussi voir que l’idée de nature et celle du lien entre un groupe (liens de « sang ») et son territoire (le « sol ») a joué, en tous cas historiquement, un rôle important. Les termes repris par Ernst Bloch dans son ouvrage Héritage de ce temps (« Faites sauter ces armes des mains de la réaction »15.) étaient vouées à un usage directement politique, pour les opposants au nazisme. Ces « armes » désignent pour Bloch l’instrumentalisation de l’ensemble des mythes et symboles d’identifications tels que le foyer, l’héritage, les coutumes, par les courants politiques réactionnaires-conservateurs en Allemagne. Ceci afin de les imposer, sous couvert d’une critique de la modernité, contre les valeurs de l’émancipation et contre la figure de l’Autre (l’étranger, le Juif, etc.).
Ernst Bloch, aux côtés de nombreux autres penseurs de la modernité, refusent la téléologie du progrès autant que la posture réactionnaire – on pense ici bien-sûr à ses contemporains Walter Benjamin, mais aussi Weil et beaucoup d’autres auteur-ice-s qui forment ensemble cette « tradition oubliée » de la pensée politique, tardivement remise en lumière16. Faire sauter ces armes, c’est donc réinvestir les terrains que la gauche de l’époque, aveuglée par le progrès, a négligé : les formes et traces de survivances du passé, c’est-à-dire des pratiques dites « archaïques » de son époque qui contreraient la tentative d’instrumentalisation des coutumes par les forces réactionnaires.
Son ouvrage Héritage de ce temps ausculte méticuleusement des événements et scènes du quotidien pour y déceler des preuves de la désaffection généralisée, résultat de la perte de lien avec les coutumes villageoises et les milieux ruraux. Car c’est aussi cette désaffection qui, pour Bloch, a créé un appel d’air dans lequel le nazisme s’est engouffré, comblant le vide laissé par la gauche progressiste. Et en effet, cela coïncide avec le moment où les principaux organes politiques de la gauche socialiste et le marxisme orthodoxe s’engageaient pleinement dans le productivisme et la restructuration du territoire. Et celui où la droite réactionnaire s’efforçait de porter un masque à l’apparence connue, rassurante sans doute, pour ceux que la modernité effrayait. Les Völkischen prétendaient alors incarner la résistance à la perspective d’un monde quantifiable et soluble dans les mathématiques et les lois de la physique, et le rétablissement de ce qui avait été perdu avec l’urbanisation massive – avec le déracinement, donc.
Ainsi, alors qu’à chaque critique du progrès, le marxisme prométhéen et le socialisme productiviste répondaient, non sans un certain dédain, qu’il s’agissait d’un passage nécessaire vers la liberté des modernes, alors que l’emprise du religieux reculait, les forces réactionnaires, à l’inverse, se montrèrent capable de canaliser ces “irrationalités archaïques” en les intégrant dans un discours réactionnaire, puis au “mythe du sang”. Ce qui avait trait au spirituel, à la célébration de la vie collective, aux attachements à la Terre n’a apparemment pas trouvé d’ancrage suffisamment solide à gauche. Plus encore, la disparition des pratiques conviviales, au sens où l’entendait Illitch, la raréfaction des espaces d’autoproduction et d’autonomie politique, semblent n’avoir pas assez préoccupé les contemporains de Bloch. Une partie de la population présentait pourtant des signes de désaffection, de déracinement pourrait-on dire ici, que Bloch appelle les traces du “non-contemporain” c’est-à-dire des formes de non-alignement avec le cours de l’époque, des survivances du passé qui sont la marque d’une certaine résistance/réticences à la transformation du monde moderne. C’était, peut-être, le signe d’une tension entre modernité et archaïsme qu’il voyait comme un potentiel révolutionnaire parmi les couches de la population – en d’autres termes, une arme qu’il fallait peut-être réfléchir à saisir, à faire sienne, dans certaines mesures du moins. Celles et ceux qui défendaient ces idées, critiques de la religion du Progrès, furent trop peu audibles auprès des foyers populaires, voire réprimés, en politique comme dans les universités.
Résumons-nous : les forces de la réaction ont donc en partie instrumentalisé les affects du déracinement qui existaient dans un contexte de déstabilisation profonde, de crise économique et de déplacement contraint – exode rural, territoires entiers affectés par la guerre, villes à reconstruire – qui entraînaient des transformations profondes, ou plutôt des ruptures, dans les rapports humain-nature et humain-non humain. La propagande nazie s’est développée sur l’idée d’un lien immédiat entre identité et sol, entre une communauté et son territoire, mais ses dirigeants ne s’en sont pas moins inscrits avec une très grande violence dans le productivisme, contribuant d’ailleurs à son accélération (Hitler se disait lui-même admirateur du fordisme). La nostalgie provoquée par l’arrachement à la terre des ouvriers s’est ainsi ancrée dans la nation – et le désir d’autres formes de vie qui existait certainement à l’époque s’est trouvé instrumentalisé par un discours revanchard et suprémaciste. L‘enracinement dans un territoire et son histoire, « premier besoin de l’âme » selon Simone Weil, a donc paradoxalement été intégré à la quête d’absolu et de domination qu’exacerbait la propagande nazie, plutôt que dans un mouvement révolutionnaire et anticapitaliste. Surtout, nous tenons donc ici un exemple (parmi d’autres) des divers moments qui ont façonné la triade enracinement-identité-race chez l’extrême-droite, et contribué à créer une version racialisée de l’enracinement que nous retrouvons aujourd’hui. Voilà l’un des enjeux que pointe assez clairement Ernst Bloch dans Héritage de ce temps.
La cosmologie écofasciste : effondrement écologique et grand remplacement
Avant d’aller plus loin, creusons d’abord un peu plus loin la question de cet imaginaire et ces modes d’appréhension du monde. Toujours sans chercher à en faire une présentation exhaustive17, voici une tentative de retracer ce à quoi ressemble l’imaginaire, la cosmologie écofasciste, un alliage entre amour de la nature et haine raciale. Il s’agit de motifs, qui ne sont pas à prendre comme une caricature mais plutôt comme une aide à la « lecture » de l’écofascisme.
Les motifs classiques de l’extrême-droite y sont bien présents : d’abord l’existence d’un groupe « civilisationnel » supposé partager une même lignée de sang, une même culture et un même territoire. Selon d’où provient le discours, il pourra se référer à un groupe d’échelle différente, formé soit par lesdits « autochtones » d’une région, soit « le peuple » (français, germanique, etc.), ou encore « la civilisation » (européenne). A chaque (éco)fasciste son référentiel géographique en matière de groupe civilisationnel. Ce groupe supposément civilisationnel et héréditaire aurait des intérêts immédiats à s’unir dans un contexte de menace plus ou moins imminente, et se détourner de la lutte contre les rapports d’oppression à l’intérieur de ce groupe. D’autre part, on l’a vu, si la mondialisation « débridée » et la perte de souveraineté nationale dans le système néolibéral inquiète les écofascistes, c’est le cas principalement sur un plan culturel et symbolique (il faudrait réenchanter les traditions et restaurer la famille comme unité de base de la société pour y faire face) car ils s’accommodent très bien par ailleurs d’un capitalisme local et élitiste, pourvu qu’il soit “enraciné18” c’est-à-dire que l’on joue la carte de la “préférence nationale” en matière marchande (du moins, quand cela est profitable à la nation).
On croise ensuite dans cette cosmologie la figure fantasmée de l’Autre (le Juif “nomade”, l’Arabe, le “migrant” … c’est bien évidemment de racisme dont il s’agit ici). Cette figure est supposée accélérer la catastrophe : accaparement des terres, urbanisation, confiscation des emplois, dénaturation, … etc. voire même, en allant plus loin, aggraver l’effondrement de la culture européenne. Les initiatives pour accueillir ces personnes ou soutenir leurs luttes tiendraient de la trahison et témoigneraient de la volonté de détruire son propre groupe. Aujourd’hui l’incarnation par excellence de cet « Autre » inquiétant pour l’écofascisme est le réfugié climatique, menaçant d’arriver par le Sud de l’Europe : une peur qui repose en partie sur le récit totalement fallacieux d’une “colonisation inversée”. L’écofasciste se présente comme la sentinelle éclairée d’un peuple encore inconscient de courir à sa perte, dans une situation où le chaos est sur le point d’éclater. Pour se défendre, tous les moyens sont bons – c’est en tous cas ce qui a conduit deux hommes à commettre des attentats revendiqués au nom de l’écofascisme, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande19.
Ainsi, l’écofascisme semble resurgir, après des décennies d’extrême-droite en très grande majorité climatosceptique, au croisement des thèses du Grand Remplacement20 et de la perspective d’un effondrement écologique et civilisationnel proche. Ce dernier semble en effet entrer parfaitement dans le récit du Grand Remplacement, puisque la crise écologique précipite et aggrave la menace de “l’invasion” par des migrants climatiques. On verrait donc nécessairement venir le temps de la “guerre raciale” où il s’agirait de “reconquérir” son propre territoire face à un envahisseur fictif : d’où la création d’espaces sur le territoire (bases autonomes durables, écovillages, AMAP, mais aussi bars et squats21 influencés ou tenus par des personnalités ou des groupes d’extrême-droite. Ces ancrages territoriaux doivent aussi permettre de recruter des adhérents, de diffuser de la propagande néofasciste au cours d’un « stage » ou d’un séjour dans ces lieux. Aujourd’hui, quelques militants soraliens22 vantent en effet les intérêts de la permaculture, proposent de s’y former, aux côtés de tout un ensemble de pratiques ésotériques. On compte également le Mouvement d’Action Social (MAS) qui a par le passé cherché à s’implanter dans des zones occupées (ZAD du Testet) et qui évolue aujourd’hui sous d’autres noms.
Ces pratiques identitaires-écologistes sont encore marginales, mais on peut d’ores et déjà envisager plusieurs espaces qui pourraient (ou pas) jouer le rôle de portes d’entrée vers celles-ci, allant de nouveaux événements tels que le “Salon du Survivalisme” à Paris23, des réseaux qui se développent très rapidement autour de thèses complotistes tels que le réseau Solaris (en ligne), jusqu’à certains écolieux ou des espaces de pratiques spirituelles ésotériques qui dissimulent (à peine) leurs orientations idéologiques réactionnaires. A mesure que l’écologie devient un enjeu incontournable et donc de plus en plus politique, il ne serait en fait pas surprenant que certaines nouvelles générations se révèlent de plus en plus perméables à un discours d’extrême-droite « écologisant ». D’autant plus quand certains semblent de prime abord difficiles à identifier : le manifeste des Localistes (parti fondé par Andréa Kotarac et Hervé Juvin) par exemple, est raccord avec des discours décroissants et écologistes qu’on suppose souvent ancrés à gauche, tout en affichant des liens avec l’extrême-droite par ailleurs. Cela dans un contexte où plusieurs années de banalisation médiatique de l’extrême-droite ont fini par rendre ses idéologues connus de toutes et tous. Tous ces espaces semblent, si l’on parle d’un point de vue stratégique, au moins à surveiller, à combattre, avec nos moyens et parfois aussi sur leur propre terrain…
Si l’on résume, la cosmologie écofasciste se saisit du déracinement à sa manière, en proposant un réenchantement de la culture par la Tradition et un Enracinement identitaire et racialisé du peuple. Ces propositions reposent principalement sur la perspective de rétablir un ordre symbolique et sur le mythe du sang. Comme tout discours fasciste d’ailleurs, il instrumentalise des affects liés à la perte de sens, à la désorientation, à la désaffection et au déclassement pour créer de l’adhésion en exaltant l’appartenance à un groupe voué à s’élever et in fine, à dominer. Le projet politique se base sur la régénération d’une communauté de sang, le renforcement de ses liens avec l’environnement et s’accompagne généralement de la domination des corps des Autres. Bien sûr, malgré quelques vidéos en ligne sur la permaculture ou le survivalisme, les extrêmes-droites24 ont surtout produit des discours réactionnaire sur fond d’incitations à la guerre civile plutôt que des propositions réellement pertinentes sur la transformation des territoires et des modes d’habiter, cela ne fait aucun doute : mais elles s’appuient néanmoins sur un important arsenal idéologique et symbolique et, il semblerait, sur des projets politiques liés à l’autonomie matérielle sur un territoire donné.
Parler d’écofascisme dès lors, ce n’est peut-être pas seulement chercher à caractériser “une” nouvelle tendance d’extrême-droite qui s’ajouterait à toutes celles déjà existantes, ce serait plutôt regarder le fascisme, à la fois son histoire et ses évolutions-résurgences actuelles, selon l’Idée de Nature qu’il entretient, son projet concernant les rapports Homme-Nature et tout ce qui en découle, ce que l’on vient de faire très brièvement ici. Au terme de cela, la question de l’enracinement dans un territoire, dans un milieu vivant, qui recoupe par endroits la question de l’habitation et la question des Terrestres, paraît être aussi un atout potentiel sur le terrain du fascisme. En bref, « habiter » est peut-être en train de devenir l’un des mots essentiels de l’écologie politique, mais les questions de l’appartenance, l’habitation, les liens aux milieux sont encore des terrains disputés, et les idéologies réactionnaires s’en emparent elles aussi. Il ne faudrait pas non plus gonfler artificiellement la menace, car l’écologie de l’extrême-droite est balbutiante et minoritaire, en comparaison avec par exemple la nébuleuse dont Eric Zemmour est le centre. Elle n’est pas non plus organisée à de grandes échelles, mais quand bien même elle le resterait, cela nous permet de questionner nos propres angles morts et nos faiblesses sur ce terrain.
Retisser des liens terrestres, vers des écologies antifascistes
Envisager la catastrophe écologique du point de vue du déracinement, c’est mettre l’accent sur la manière dont la catastrophe est vécue à partir d’un point de vue “habitant” : depuis un ensemble de dimensions propres à l’être dans son espace vécu, à la fois matérielles, relationnelles, imaginaires, de nature collective et sensible, depuis des territoires politiques qui touchent aussi à la construction de soi et à l’identité collective. C’est aussi une manière de faire sens des signes manifestes des effets du déracinement : les blessures encore ouvertes liés aux déplacements forcés et aux histoires coloniales, les affects de colères et de désolation liés à l’impuissance face à la dégradation d’un milieu familier25, (ladite « éco-anxiété ») ou encore les troubles de l’attention liés au développement du numérique (immense allié du déracinement). Toutes pourraient aussi être considérées comme des manifestations du besoin urgent de retisser des attachements qui ne soient pas fondés sur la violence mais sur la réparation des violences perpétuées, répétées et entretenues dans l’état actuel des choses.
Les basculements dont nous avons besoin doivent nous permettre de retisser des liens terrestres entre nous et des attachements à la terre, loin des terrains glissant de l’écofascisme. Cela n’est possible qu’à condition de se défaire d’abord de la vieille croyance dans le progrès et le développement technique. On hérite pour cela d’un ensemble de traditions libertaires, critiques du progrès, et conscientes des effets à la fois grandioses et catastrophiques du développement industriel capitaliste sur nos rapports humains – à la fois chez Walter Benjamin, Bloch ou Weil mais aussi plus proches de nous au sein de l’écologie sociale ou libertaire, tels que Murray Bookchin, qui foisonnent aujourd’hui. A leurs côtés, un ensemble d’histoires témoignent de la possibilité de créer un rapport émancipateur à l’habiter terrestre, de celles des expériences anarchistes pendant la Révolution espagnole de 1936-1939 à celles qui nous viennent à présent du Chiapas, et que plusieurs auteur-ice-s appellent aujourd’hui de leurs vœux, notamment les féministes de la subsistance26.
Repenser, donc, et surtout reconstruire ensemble liberté et nécessité est le projet de l’autonomie politique, articulé autour d’une lutte pour l’émancipation sociale, politique, matérielle, intellectuelle, des corps et la quête d’une relative autonomie matérielle par la maîtrise d’au moins une partie des moyens de sa subsistance. Il s’agit de rompre avec la conception moderne de la liberté comme affranchissement de la nécessité, qui a conduit à en saper les bases matérielles27. Puisque l’on est aujourd’hui presque entièrement dépendant des infrastructures extractivistes et capitalistes, et que ce sont celles-là même qui fondent nos rapports actuels (déracinés) avec la nature, alors recouvrer des formes d’autonomie semble le moyen privilégié, sinon le seul, pour retisser d’autres mondes. Il nous faut reconsidérer non seulement des questions d’autonomie matérielle, mais aussi et en même temps notre culture, et les dimensions extra-matérielles de ce à quoi l’on aspire : nos différents besoins d’enracinement, la multiplicité de nos identités, la création de coutumes conviviales ou encore la passation (également par des formes rituelles ou symbolique) entre une génération et celles qui l’ont précédée. Que faire à propos de ces thèmes, telle l’identité qui, autour de nous, semblent profiter davantage aux identitaires qu’aux aspirations à l’autonomie et à la liberté terrestres ?
Il y a certaines bonnes raisons de rester prudent sur des questions d’identité, d’appartenance ou d’enracinement. Il faut dire que les débats qui inondent les médias à ce propos sont habituellement rondement menés par des identitaires, racistes et réactionnaires. Il paraît important de rappeler qu’il y a bien d’autres manières de se déclarer attachés à des territoires – par exemple dans les zones occupées pour les défendre, on pense aux ZAD mais aussi aux régions qui revendiquent leur autonomie. Par ailleurs, dans des mouvements décoloniaux, la revendication d’une identité, origine ou appartenance (antillaise par exemple) ou même l’identification à un groupe (racisé, sexisé) n’est en rien comparable à celle des identitaires, car la question est de se rendre audible alors qu’on est invisible, et non de dominer (cela n’en déplaise à certains28.). Voilà pourquoi, se contenter d’éluder la question de l’identité pour la laisser à l’extrême-droite n’est pas complètement satisfaisant, en tous cas en ce qui concerne nos expériences déracinées.
En d’autres termes, il s’agirait d’auto-décoloniser nos identités : l’identité en tant que récit sur soi, de sa propre histoire, donc un récit dans lequel puiser une force subversive. Peut-être le mot d’identité serait à laisser de côté, par prudence, pour lui préférer celui d’attachements ou même d’histoire, selon d’où l’on parle – l’identité telle qu’on la conçoit ici n’est pas l’essence de nous-mêmes, mais bien davantage ce vers quoi nous tendons et nous aspirons. Ce travail, en tous cas, mérite d’être mené, y compris et peut-être même d’autant plus pour celles et ceux qui, comme la personne qui écrit cet article, seraient blanches et munie des bons papiers d’identité. Il peut paraître étrange de parler de décolonisation pour cela, mais il s’agit de prendre acte que la supposée « histoire collective » de l’Occident qui domine dans nos écoles et musées, n’est rien d’autre que celle de déracinements successifs par le capitalisme, des effets du colonialisme sur les territoires colonisés mais aussi à l’intérieur des frontières de l’Europe, ce qui s’est traduit par une perception de nous-mêmes gonflée d’orgueil autant que dans l’oubli de nos traditions populaires et révolutionnaires. Ce qui fait le contenu de nos identités, ce n’est pas une Histoire universelle (celle-ci est empreinte de colonialité), c’est l’histoire d’une multitude de mondes qui s’entremêlent et de la lutte contre ce qui les abîme.
Aussi, même à l’intérieur de nos frontières, nos identités et nos récits ne peuvent pas se contenter d’être ceux de l’État Français et de ses régimes successifs, pas plus que ce ne peut être le récit du progrès linéaire vers une société libérée de ses contraintes naturelles. Car il n’y a pas réellement d’Histoire de France, pas plus qu’il n’y a d’Histoire humaine unique du point de vue « habitant ».
Aujourd’hui, rares sont les discours à propos de ce dont nous venons qui ne versent dans un mélange douteux entre fantasme de la ruralité et posture passéiste voire réactionnaire. Nous avons pourtant besoin de discours qui nous relient, qui nous attachent à des territoires, et qui nous replace dans l’héritage vivant de ces multiples identités que l’État a homogénéisées, si l’on veut rompre avec cette “culture du déracinement”. Non pas aller chercher une identité qui aurait « une seule racine » dans un même sol figé, mais des identités qui se déploient « les racines vers le haut » (Édouard Glissant). C’est-à-dire des identités vivantes et créatrices de mondes multiples que les perspectives décoloniales ont solidement théorisé depuis. Ces perspectives n’ont pas fini d’inspirer ce chantier théorique et pratique que l’on se propose de mener. Plutôt qu’un enracinement, ce que l’on peut envisager, c’est de faire monde en cherchant des formes d’organisation communautaire intéressantes, en veillant à ce que des coutumes vivantes telles que les danses traditionnelles ne deviennent pas du folklore, en se réappropriant des savoirs situés (naturalistes, artisanaux, de soin), en favorisant la créativité et la recherche d’intensités dans la vie sociale car c’est finalement tout cela qui permet de faire multitude.
Les espaces du déracinement sont le produit d’un processus historique et économique visant à optimiser la circulation et la production de valeur. Malgré tout, il persiste dans ces lieux désolés une vie collective ritualisée, des histoires, des résistances, des pratiques de subsistance et elles font émerger des sujets de lutte. Ces histoires sont autant de ressources à mobiliser aujourd’hui dans la lutte contre l’écofascisme, aux côtés de tout un ensemble d’autres fronts de lutte à mener, sur le terrain idéologique29 comme pratique30. Peut-être alors avancera-t-on vraiment dans notre rupture avec la colonialité qui imprègne notre compréhension de l’appartenance à un quelque part. On saura peut-être davantage voir la multiplicité des figures et visages à même de composer des révolutions écologiques et terrestres au cœur de notre présent.
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Notes
- Voir la recension/discussion de l’un de ses ouvrages, publiée en 2019 : https://www.terrestres.org/2019/10/13/la-terre-des-ronds-points/[↩]
- GIROUX, Dalie, La généalogie du déracinement, Terrains Vague, PUM (2019), p.10[↩]
- Ibid., p.8.[↩]
- GIROUX, Dalie, présentation de la Généalogie du Déracinement à la librairie le Port de tête, à Montréal, en février 2019 [disponible en ligne] »[↩]
- WEIL, S., « Projet de prologue à l’Enracinement » in VALON, F. et AZAM, G, Simone Weil & l’expérience de la nécessité, 2020 (1ère éd. 2016), Coll. Les précurseur-euses de la décroissance, Paris, p. 119-120.[↩]
- Azam G., Valon F. et Weil S., Simone Weil et l’expérience de la nécessité, Le passager clandestin, coll. Les précurseur-euse-s de la décroissance, 2020[↩]
- Nous renvoyons vers les précédents articles publiés à ce sujet, notamment https://www.terrestres.org/2020/06/26/la-tentation-eco-fasciste-migrations-et-ecologie/ ainsi qu’à l’excellent travail de Zoé Carles au sein du Zetkin Collective (Fascisme fossile, L’extrême-droite l’énergie et le climat, La Fabrique, 2020).[↩]
- https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2012-1-page-29.htm?fbclid=IwAR1hUGLLcRp_5qlj5azZuPFVqtX0xFB0MY6zw3pXzQQ-4Ucixq-J0xhLb6Y[↩]
- https://www.cairn.info/revue-la-pensee-ecologique-2022-1-page-3.htm?fbclid=IwAR34FmCyhfCGZPK6MU-5fHWYG8puJwTHfyNVDbnawpDiPOI8VvKbOopifyw[↩]
- https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2012-1-page-41.htm?fbclid=IwAR10sGar6MTxX6aNNCPD_y6lLwybcnp7LKl8DkFdqnyrLNUc9upWjnRJv4Q#s1n3[↩]
- http://www.editionsamsterdam.fr/le-siecle-des-chefs/[↩]
- Notamment théorisé par H. Arendt. Le massacre des Hereroes en Namibie est souvent cité comme l’un des signes que les violences coloniales furent « l’antichambre de l’Holocauste ». https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2008-3-page-143.htm[↩]
- Justification idéologique des premières invasions de l’Allemagne (Pologne, Autriche) puis de l’extension vers l’Europe de l’Est, avec les conséquences que l’on connaît.[↩]
- Pour une analyse plus approfondie des différentes formes d’écofascisme : Ecofascismes, d’Antoine Dubiau (2022), ou l’épisode du podcast Avis de Tempête sur le sujet https://audioblog.arteradio.com/blog/177155/podcast/178924/episode-2-la-nuit-ecofasciste[↩]
- Ernst Bloch, Héritage de ce temps, (trad. J. Lacoste), Paris, Payot, 1978, p.8. Citation commentée par A. Ouattara dans <https://journals.openedition.org/leportique/1399?lang=en#bodyftn3>[↩]
- Voir notamment S. Audier, L’Âge productiviste : hégémonie prométhéenne, brèches et alternatives écologique. 2019, La Découverte.[↩]
- Nous recommandons pour cela la lecture de A. Dubiau, Ecofascisme, Grèves, 2022. Cette série d’articles parue sur Reporterre en propose également une synthèse : https://reporterre.net/Enquete-sur-l-ecofascisme-comment-l-extreme-droite-veut-recuperer-l-ecologie#nb2[↩]
- Institut Illiade, intervention lors du colloque 2021 : « Témoignages croisés. Entreprises et entrepreneurs enracinés », Charles Beigbeder, Élisabeth Lefebvre et Véronique Monvoisin, sur https://institut-iliade.com/iliade/colloque-2021/[↩]
- Le 15 mars 2019, à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, Brenton Tarrant a ouvert le feu dans une mosquée, tuant 51 personnes et blessant 49 autres, après s’être revendiqué publiquement écofasciste. A El Paso, au Texas (Etats-Unis), Patrick Crusius a tué 23 personnes et en a blessé 26 autres à l’arme automatique dans un supermarché fréquenté par des hispaniques, revendiquant son action au titre d’une tentative de réduire la population pour préserver le futur. Le 14 mai 2022, un autre homme âgé de 18 ans tirait sur un supermarché de la ville de Buffalo, faisant dix morts principalement afro-américains. Il s’est revendiqué, entre autre, écofasciste. Cet acte ne fut qualifié que de « crime raciste » par les autorités états-uniennes.[↩]
- Titre d’un livre de R. Camus, qui est aujourd’hui la chimère la plus répandue par l’extrême-droite française à propos de l’immigration.[↩]
- On a vu par exemple cela à Lyon, avec le bar La Traboule et un squat ouvert par des militants fascistes qui était réservé à l’hébergement des sans-abris « de souche »[↩]
- Alain Soral est un idéologiste d’extrême-droite, qu’on ne peut certainement pas qualifier d’écologiste (il fut longtemps climato-sceptique) mais qui fédère autour de lui des personnes se revendiquant d’une écologie conservatrice : https://lagedefaire-lejournal.fr/en-bourgogne-lecologie-dextreme-droite-prend-racine/.[↩]
- https://survival-expo.com/ Ce Salon s’est tenu à Paris (La Villette) en 2021.[↩]
- Mieux vaudrait d’ailleurs parler des extrême-droites au pluriel, étant donné les divergences et les conflits parfois violents qui ont pu avoir lieu entre néopaïens, catholiques conservateurs, monarchistes, révolutionnaires et néonazis, entre le Parti Nationaliste Français Européen et les « Algériens » issus de l’OAS, et ainsi de suite.[↩]
- Baptiste Morizot, « Ce mal du pays sans exil. Les affects du mauvais temps qui vient », Critique, n.860-861, 2019.[↩]
- Par exemple Genevière Pruvost, Quotidien politique, 2022, La Découverte. La perspective de la subsistance fait étroitement écho à ce que nous évoquons en cette fin de chapitre.[↩]
- Lire à ce sujet Terre et Liberté. La quête d’autonomie et le fantasme de la délivrance, d’Aurélien Berlan, éditions La Lenteur, 2022.[↩]
- A. Mahoudeau, La Panique woke, Editions Textuels, 2022[↩]
- A propos des conceptions de la nature qui sous-tendent la plupart des discours écofascistes, lire P. Madelin, La tentation écofasciste : écologie et extrême-droite (à paraître en 2023), Ecosociétés[↩]
- Cartographie de différentes tendances d’extrême-droite en France par La Horde : <https://lahorde.samizdat.net/Cartographie-de-l-extreme-droite-francaise-mise-a-jour-janvier-2022>[↩]