Lors d’un atelier collectif de réflexion sur l’avenir des forêts face au réchauffement climatique, la langue du forestier de l’Office National des Forêts (ONF) trébuche : il parle de sylviculture « dynamite », alors qu’il nous présente les critères d’une sylviculture « dynamique », fondée sur la diversité, la vitalité et le temps long des forêts. Doit-on lire dans ce lapsus révélateur le dynamitage organisé des forêts et des manières d’en prendre soin ? Ou bien plutôt une réponse offensive, explosive, à l’accaparement capitaliste des forêts et de leurs imaginaires ?
Cette première rencontre nationale des luttes forestières aura permis de rassembler, quatre jours durant, des habitant·es venu·es des quatre coins de la France, partageant des liens sensibles, politiques et écologiques entre elles et eux, et avec la forêt1. Certaines de nos initiatives, variées et complémentaires, portées par nos groupements forestiers, associations, collectifs, fonds de dotation, syndicats ou coordinations, ont pu pour la première fois s’enchevêtrer. D’autres ont renforcé et réaffirmé leurs alliances.
Cette première rencontre, loin du coup d’éclat, a bien eu l’effet d’une montée de sève, d’un fleurissement : elle fut un temps et un espace permettant au mouvement de défense des forêts de poser ses premiers jalons communs, de sortir de terre, de se ramifier et de se massifier. Plus encore qu’hier, les frondaisons des forêts vivantes résistent aux fondations industrielles de la malforestation.
Connaître la vie des forêts pour mieux les défendre
« Comment votre connaissance ou votre ignorance de la forêt ont-elles influé dans votre lutte ? Comment récupérer le pouvoir décisionnel dans la gestion des risques climatiques en forêts ? Comment sortir de l’opacité des ventes de forêts en France ? Comment faire pression pour réorienter les financements publics et les subventions vers les activités forestières soutenables ? Comment développer les collectifs locaux pour faire le lien entre l’ONF et les citoyen·nes et habitant·es ? Comment déconstruire la propagande des lobbys industriels présentant les ressources forestières comme infinies ? Comment favoriser la prise en compte de la biodiversité dans la gestion forestière ? Qu’est-ce qu’une ‘forêt vivante’ ? »… Voici autant de problématiques concrètes, à la croisée du politique, des sciences et pensées du vivant et des questions sociales, qui ont été mises au jour par le travail collaboratif mené lors de ces journées, et qui serviront à structurer les visées et les actions futures de l’Appel.
Au cours de ces rencontres, nous nous sommes racontés la Grande Histoire des forêts françaises, leur évolution au cours des siècles ainsi que celle des usages et des logiques qui les ont menées à devenir, aujourd’hui, ce avec quoi elles sont trop souvent et trop largement confondues : des actifs financiers, et des rangs d’arbres en monoculture2.
Quelques chiffres clés glanés lors de ces quatre jours témoignent de la situation critique de nos forêts : là où l’on peut aujourd’hui se réjouir du retour de la forêt sur un tiers du territoire national (31%, surface deux fois plus importante qu’elle ne l’était il y a deux siècles), il faut pourtant bien avoir en tête que 79% des forêts métropolitaines ont moins de 100 ans, que 50% d’entre elles ne sont constituées que d’une seule espèce (monoculture de douglas, d’épicéas, etc.), que seulement 1,7% de la surface forestière est protégée, et que sur cette part seules 0,15 % des forêts ont une libre évolution assurée sur le long terme par une réglementation particulière (comme dans les Réserves biologiques intégrales ; l’exploitation étant possible jusque dans les cœurs de parcs). Seulement 4% des forêts des Pyrénées, où avaient lieu les rencontres, sont de vieilles forêts, anciennes et matures, où se déploie la diversité la plus riche. À cela il faut ajouter que 3% des propriétaires possèdent à eux seuls 50% de la surface forestière totale (la Caisse des dépôts et consignation, la Caisse d’épargne, AXA, et d’autres gros propriétaires privés…). Face à la simplification de nos écosystèmes pour les besoins de l’économie sylvicole industrielle, l’Appel a été lancé pour s’organiser contre les coupes rases de feuillus indigènes, pour soigner les « vieilles forêts » et les futures forêts sauvages de nos territoires.
Mais au-delà du partage de ces chiffres alarmants, nous nous sommes racontés les nombreuses histoires, plus discrètes mais non moins puissantes et foisonnantes, qui concernent ces forêts et nous concernent en retour. Les trajectoires de vie de leurs habitant·es, humains ou non ; leurs manières de faire alliance, de composer, d’inventer et de lutter contre leur destruction.
Avec des membres du fonds de dotation Forêts préservées (basé dans les Pyrénées, qui recense, cartographie et protège les vieilles forêts), nous avons appris à comprendre ce qu’étaient les dendro-microhabitats, ces « mini-mondes » vivants qu’accueillent en leur sein les vieux et très vieux arbres, et l’urgence avec laquelle il fallait les préserver d’une sylviculture indifférente à ces peuples cachés. Ces cavités, interstices, fentes, plis et replis sont habités par des cortèges de coléoptères, araignées, rongeurs, oiseaux, chauves-souris, reptiles, champignons, lichens, fougères et encore bien d’autres êtres invisibles. Ils sont des éléments clés de la biodiversité forestière. Sans eux la forêt s’effondre.
Un forestier ONF du SNUPFEN, un des syndicats combatifs de l’ONF, nous a aussi généreusement partagé ses recherches personnelles fascinantes sur l’ajustement des forêts et des arbres aux dérèglements climatiques, issues de sa pratique et d’une vie d’observations de terrain. L’évolution des peuplements et arbres suivis au cours de trois étés de sécheresse en Lorraine met en évidence une réponse prometteuse des peuplements touchés. S’appuyant également sur les derniers travaux scientifiques, il a porté à notre connaissance l’identification d’un minimum de 40 génotypes différents au sein d’un seul et même chêne de 150 ans ! Ces découvertes récentes confortent l’intuition de longue date du botaniste Francis Hallé, qui appelle depuis longtemps à ne plus penser les arbres comme des « individus », entité indivisible avec son ADN unique, mais comme des colonies, des enchevêtrements vivants, une mosaïque génétique.
L’exposition des forêts aux effets indésirables des dérèglements écologique et climatique semble déclencher, chez les vieux arbres, des modifications épigénétiques3 notables : elles permettraient à ceux-ci de s’adapter, plus rapidement et plus précisément que les jeunes, à la sécheresse et au stress hydrique, ainsi qu’aux scolytes et autres insectes pathogènes que cette exposition aux dérèglements provoque. À contre-courant des procédures et recommandations de l’industrie sylvicole, celles qui recommandent notamment de remplacer les forêts indigènes et mélangées par des plantations d’arbres exotiques et de nouvelles espèces (comme le Pin Laricio ou le Cèdre de l’Atlas), celles qui tentent sans aucune garantie d’adapter celles-ci artificiellement au réchauffement climatique (risquant par ailleurs d’introduire de nouveaux pathogènes, des espèces potentiellement envahissantes, ou une hybridation avec les espèces natives), à contre-courant donc, les recherches de ce forestier bifurquent, amènent vers une voie de sortie. Elles viennent, en effet, appuyer une attitude de confiance dans les puissances du vivant, en l’occurrence celles de la régénération naturelle des arbres indigènes et de tout l’écosystème forestier spontané, face aux dérèglements toujours plus virulents de l’Anthropocène4.
Leviers d’action et nouveaux communs forestiers
Nous nous sommes aussi questionné·es, en compagnie des membres du SNUPFEN, sur les façons de défendre au mieux le service public forestier, aujourd’hui en cours de privatisation5, et en passe d’être rapidement repris par quelques multinationales de l’énergie, banques ou autres groupes d’assurance (d’ici à seulement quelques années). De défendre aussi ses fonctionnaires assermenté·es, ainsi que leurs connaissances et pratiques techniques sinon neutres, du moins désintéressées – soit réellement intéressées et attentionnées à la vie de la forêt. Faute de soutien de la part de l’État, et face à son féroce engouement pour privatiser cette institution publique et les forêts qui lui sont associées, les gestionnaires forestier·es publiques sont une fois de plus contraint·es de faire primer le profit dans leurs plans d’aménagement. La fonction de « production » prend alors le pas sur les autres fonctions forestières, de protection de la biodiversité, d’accueil du public et de protection contre les risques naturels, que défend pourtant le Code forestier. Cette rencontre est la preuve qu’un renversement de la donne voit déjà le jour un peu partout en France.
Nous avons encore pu échanger, en croisant nos horizons et professions, avec un membre du Syndicat de la montagne limousine, sur la propriété privée forestière, ainsi que les outils juridiques existants et oubliés qu’il nous était possible de nous réapproprier, afin de penser et régénérer6 les anciens communs tels que les « sectionaux », ces reliquats d’un droit coutumier moins centré sur la propriété privée absolue, et directement affiliés à l’usage des habitant·es et non à l’abstraction d’une personne morale7. Mais aussi, afin de continuer à créer de « nouveaux communs forestiers », multiformes, replaçant eux aussi les usages des humains, et ceux des autres êtres, au centre du droit. Déjouant le privatif individuel de la propriété, ils constituent des initiatives collectives d’inclusion pérenne des vivants et de leurs pratiques, en les défendant juridiquement. Ce sont ces structures – groupements forestiers, établissements publics foncier, associations propriétaires – et outils – fonds de dotations, obligations réelles environnementales (ORE), réserve de vie sauvage (RVS), zones d’écologie communale (ZEC) ou encore sectionaux – que nous nous réapproprions ou inventons afin de garantir l’existence des forêts vivantes.
Les coupes rases : comment s’y opposer ?
Un des gros enjeux actuels face à l’industrialisation des forêts et face aux coupes rases est la possibilité pour les habitant·es et les élu·es de pouvoir s’exprimer sur les documents d’aménagement des forêts communales et domaniales (forêts publiques). Sur ce point, il s’agit avant tout de comprendre les manières dont (et les lieux où) se prennent les décisions. Par exemple, quels sont les leviers d’action à notre disposition pour anticiper les coupes rases dans les forêts communales ? Lors de l’atelier sur la « démocratie en forêt », animé par Canopée et le Réseau des alternatives forestières, il a été rappelé que les décisions sont sous la responsabilité de la commune, et non de l’ONF, qui doit travailler en fonction de la vision et des choix actés par la municipalité. Nous avons donc un levier d’action au niveau des communes forestières et de leurs élu·es. Il est aussi tout à fait possible d’aller consulter en mairie ou à l’agence ONF le document d’aménagement, qui contient le programme de coupe, puisqu’il est un document public8. Il contient les objectifs de gestion, les peuplements en place, la fréquence des coupes prévues, les volumes prélevés, les prévisions des coupes, etc. – et notamment les projets de coupes rases.
Il est donc possible d’anticiper ces coupes à blanc plutôt que de seulement les subir et d’être mis devant le fait accompli. Les habitant·es peuvent demander à la commune un « bilan de mi-période », engageant celle-ci à pouvoir réviser son plan en conséquence (la durée des aménagements forestiers ayant été élargie il y a peu de 15 à 20 ans). Les habitant·es et les élu·es ont bien le pouvoir de délibérer et de lutter contre les coupes rases, et l’ONF doit suivre ces décisions. Il importe également d’aller rencontrer directement nos agents ONF, de privilégier le relationnel avec elles et eux, dans la mesure où ils et elles ont un poids sur les choix et visions des élu·es (et sur la possibilité de promouvoir certaines pratiques plus douces pour la forêt, comme le débardage à cheval).
Nous nous sommes aussi collectivement posés la question de savoir comment faire pour que les citoyen·nes et habitant·es des territoires considèrent davantage les forêts et les professionnel·les qui en prennent soin comme des allié·es, puissant·es mais en danger, et à défendre ; qu’ils et elles puissent davantage les comprendre, s’y attacher, être pris·es dans leurs histoires. Ou pour le dire autrement, déceler la part politique de leur attention aux forêts et de celles et ceux qui les peuplent. Cette question a ensuite été retournée pour nous demander comment agir pour que les gestionnaires forestier·es qui partagent nos opinions puissent facilement entrer en contact avec les citoyen·nes et leurs structures d’organisation collectives.
Renversements sensibles
Il serait bien trop long de rendre compte de tous les points de contact et de vigueur que ces premières rencontres ont permises. Terminons ce tour d’horizon par deux anecdotes, qui témoignent du genre de renversements sensibles que l’on éprouve ou que l’on voit naître lors de ces moments forts de partage d’histoires et de vécus singuliers.
Un chasseur nous a raconté qu’il rachetait des forêts en Dordogne pour lutter contre l’enrésinement (30 hectares répartis sur différentes communes). Pour lui, et cela nous a positivement étonné, tout le spectre de pratiques ajustées aux forêts – allant de la sylviculture douce au réensauvagement total, de la transformation locale du bois à l’agro-foresterie – constitue une proposition convaincante et cohérente avec sa manière de chasser. S’il peut paraître fort de parler ici de renversement sensible, il s’agit cependant d’un discours rare – et renversant – au sein du monde de la chasse, souvent opposé aux espaces de protection ferme. Or pour ce chasseur, il n’est plus seulement question de prélèvement, ou de régulation. La plupart des forêts qu’il a acquises sont en effet laissées en libre évolution végétale (comme une de ces pratiques alliées, moins stricte que la libre évolution complète, mais décentrée du profit des humains seulement) : ne comptant que peu de sentiers, seul·es quelques chasseur·euses dont il fait partie s’y aventurent parfois.
Enfin, une participante a quant à elle vu son rapport sensible à la hêtraie qui jouxte sa maison, ainsi qu’au bois mort tombé sur son sol, complètement chamboulé, voire même renversé (le bois mort est bien souvent perçu comme inesthétique et source de saleté). Cette forêt, qu’elle concevait jusqu’alors comme dévastée suite à des épisodes neigeux imprévus – les branches ont cassées sous le poids de la neige et le bois mort accumulé au sol a recouvert les sentiers qu’elle avait pour habitude d’emprunter – la faisait à présent se réjouir : tout ce bois mort en quantité constituait bien un réel « coup d’accélérateur » inattendu pour la diversité de la forêt à laquelle elle est attachée.
Tout ceci ne donne qu’un bref aperçu de l’énergie abondante, généreuse et furieuse d’un mouvement naissant et en cours d’organisation. Nous pensons qu’il est important de pouvoir déjà partager, au-delà de ce temps dédié de la rencontre, ces nombreux points de détermination.
Les soulèvements de la forêt
Le mouvement qui voit le jour est à l’image des forêts qu’il défend : vivant, co-évolutif, diversifié, rempli de surgissements et parfois d’imprévus ; une matrice qui bouge, grouille, retentit et invente. Jusqu’alors souterrain9, mais aussi inventif et combatif10, il compte sa richesse à la vie de son sol, de sa base. Il se conçoit sur le temps long, selon plusieurs cycles et plusieurs saisons, de réflexions et d’actions. De nos reprises de terres forestières aux industries qui les dévorent, de la cohésion de nos échanges et de nos perspectives, quelque chose prend. C’est la forme d’un véritable mouvement de défense des forêts vivantes, modelé et coordonné collectivement par le coup de lancement de ces rencontres.
Cet espace-temps est pleinement politique : non seulement il aura permis de s’organiser et de construire ensemble, de prolonger les moments de partage d’information, de tactiques, de repères. Il aura fait émerger une intelligence collective. Mais il aura aussi pu mettre à l’épreuve nos capacités à traduire nos idées en objectifs (chaque atelier amenant à des pistes et leviers d’actions concrets), semer les premières graines d’un sens commun mis en pratique, définir des positions politiques convergentes, afin de tracer la ligne de partage qui nous sépare radicalement de la captation capitaliste et industrielle des forêts françaises11.
Ce que révèle la puissance fédératrice de ces rencontres, nous l’avons compris, dépasse l’ambition purement stratégique. On parle, en sylviculture, de peuplement pour désigner les arbres des forêts. C’est aussi nos rapports à celles-ci que nous décidons de peupler et repeupler, d’intensifier et de défendre par l’agrégation des collectifs, des luttes et des sensibilités. En s’organisant pour le maintien et la continuité des forêts vivantes, c’est une culture politique et forestière commune qui prend vie. Ces premières rencontres sont une étape, une preuve de notre volonté collective de soulèvement – d’un soulèvement des forêts.
Nous remercions les organisateur·rices et les bénévoles pour la mise en place à tout point de vue extra-ordinaire de cet événement…
Nestier (Hautes-Pyrénées), 10-13 mars 2022.
Addendum. Suite à ces rencontres, un nouvel appel à mobilisation est au programme :
« Au printemps, nous lancerons une grande action d’envergure !
Alors qu’au printemps, tout renaît, nous laisserons nos jeunes pousses se déployer. Nous prévoyons d’organiser tous ensemble une action de désobéissance civile dans un lieu précis pour marquer notre présence et montrer que nous ne sommes pas dupes des tentatives de greenwashing. Avec ce coup d’éclat, nous avons bien l’intention de détourner les projecteurs. A l’étalage des bons sentiments, nous opposerons la vitalité de nos luttes et les espoirs qu’elles soulèvent. »
Déclaration de la première rencontre des luttes forestières
Ce texte est un appel à toutes celles et ceux qui se sentent touchés et affectés par ce qui se joue dans nos forêts. Écrit à l’issue de la première rencontre des luttes forestières, en France, à Nestier (65), il invite à faire des forêts un nouveau point de ralliement pour le mouvement social contre la main mise des industriels, des aménageurs et de la finance.
Partout en France, la mobilisation contre l’industrialisation des forêts s’intensifie. Poursuivons-la !
Du 10 au 13 mars 2022, une quarantaine de délégations venues de toute la France et plus d’une centaine de personnes se sont retrouvées dans les Hautes-Pyrénées pour poser les bases d’un mouvement populaire de défense de la forêt. Venus d’horizons divers, ces collectifs ont décidé de faire front commun contre l’industrialisation de la filière.
Nous sommes profondément animés par le respect de la démocratie et, pour que nos forêts restent vivantes, nous défendons l’idée qu’elles soient considérées comme des communs naturels que nous devons protéger de la malforestation. Des alliances se dessinent pour faire des forêts le cœur vibrant d’une nouvelle relation au vivant.
Nous ne voulons plus être les spectateurs de la dégradation et de la marchandisation de nos forêts. Nous en avons assez des coupes rases et des logiques extractivistes qui malmènent les écosystèmes. Nous en avons assez du cynisme des dirigeants qui démantèlent le service public forestier. Nous exigeons l’arrêt immédiat de la privatisation de l’ONF, les embauches de fonctionnaires assermentés pour répondre à leurs missions d’intérêt général.
Il est temps d’agir et de nous retrouver. En automne dernier, nous étions déjà des milliers à manifester dans le cadre de l’Appel pour des forêts vivantes. Des carnavals sauvages ont retenti dans les bois, des militants ont planté des feuillus sur d’anciennes coupes rases, des manifestants sont venus scander leur colère devant le siège des institutions. Tandis que d’autres, s’appuyant sur l’éducation populaire, ont mis en lumière la beauté de nos alternatives, celles d’une sylviculture proche de la nature ou de forêts laissées en libre évolution, celles de savoir-faire ancestraux et de pratiques douces, attentives, aux cycles de la forêt.
Ce n’est que le début. Le mouvement a vocation à grandir. Rejoignons nos collectifs locaux et nos associations sur le terrain. Dans les prochains mois, une nouvelle mobilisation aura lieu.
La forêt n’est pas qu’un gisement de biomasse, une zone d’aménagement différé ou un simple puits de carbone, la forêt c’est avant tout un écosystème dont nous faisons pleinement partie. Nous sommes de plus en plus nombreux à partager cette réalité sensible. Dans la lutte, nous avons tissé de nouvelles amitiés, découvert de nouveaux sentiers. Nous ne nous arrêterons pas là.
Des luttes syndicales aux occupations, des naturalistes aux professionnels de la forêt et du bois, des associations environnementales aux collectifs citoyens, nous tissons le fil d’un même combat pour des forêts vivantes.
Nous sommes tous et toutes solidaires. Nous exigeons l’arrêt de tous les projets industriels inutiles et surdimensionnés et notamment la fin immédiate du projet FLORIAN à Lannemezan.
Alors que des dizaines de milliers de personnes défilent dans les rues ce week-end pour appeler à une politique climatique plus ambitieuse, il n’est pas inutile de rappeler que la forêt est en première ligne face au réchauffement climatique. Tout en nous sentant reliés à ces manifestations, nous invitons tous celles et ceux qui y participent à venir avec nous arpenter les chemins creux de nos forêts et à les défendre avec joie et détermination. Nous nous engageons solennellement à développer tous les moyens pour rassembler les luttes qui intègrent nos revendications et nos espoirs d’humanité. Ensemble, nous ferons pousser une jungle, un maquis inextricable qui fera reculer les machines et leur monde du profit.
Les participant.e.s aux rencontres
Notes
- Le programme des rencontres : https://sosforetfrance.org/index.php/programme-des-journees-du-10-au-13-mars-2022/[↩]
- On trouvera une belle présentation détaillée de l’histoire des forêts françaises dans l’ouvrage de Daniel Perron La forêt française. Une histoire politique, 2021, L’Aube, Monde en cours.[↩]
- Il ne s’agit pas de modifications du code génétique de l’ADN, mais de sa transcription dans les cellules, via l’ARN. L’ADN se copie en ARN, et cette molécule code les protéines qui font le métabolisme d’un être vivant.[↩]
- Pour un exemple de défense argumentée de la libre évolution et de la régénération face au scolyte, petit insecte xylophage normalement présent en forêt mais qui cause actuellement de forts dégâts dans les monocultures d’épicéas dans toute l’Europe, on peut consulter ce document très instructif réalisé par Forêt et naturalité : https://www.foret-naturalite.be/wp-content/uploads/2021/05/FN_SCOLYTES_WEB_PAGES.pdf[↩]
- Voir la pétition contre la privatisation de l’ONF : https://www.canopee-asso.org/non-a-la-privatisation-de-lonf/[↩]
- Voir Serge Gutwirth et Isabelle Stengers, « Le droit à l’épreuve de la résurgence des commons ».[↩]
- « Les biens de section (ou biens sectionaux) sont, en France dans le milieu rural, des biens dont la jouissance revient aux habitants d’une section de commune. Les habitants de la section ne sont pas propriétaires des biens sectionaux. Ces biens sont distincts de ceux de la commune. Ce sont le plus souvent des forêts ou des pâturages, et les habitants de la section de commune jouissent de ces biens : par exemple les revenus tirés de l’exploitation d’une forêt reviennent à la section et pas à l’ensemble des habitants de la commune. Ces revenus ne peuvent être partagés entre les habitants de la section, mais uniquement utilisés au profit de la section, par exemple pour l’entretien des chemins, le reboisement… (…) La loi de modernisation du régime des sections de communes a été promulguée le 27 mai 2013. Elle a été publiée au Journal officiel du 28 mai 2013. (…) » Source : Wikipedia. Or, cette loi œuvre à la disparition des biens de sections en les intégrant aux communes. Voir le travail de l’AFASC, association de défense des droits des habitants des communautés villageoises et des sections de commune.[↩]
- https://www.onf.fr/onf/+/7f6::lamenagement-forestier-le-plan-de-gestion-durable-de-la-foret.html[↩]
- Voir la tribune dans Le Monde « On finit par croire que la forêt a besoin d’être exploitée pour être en pleine santé », 14 octobre 2021[↩]
- Son émergence a été décrite dans l’article « Trois saisons en forêt. Contribution au mouvement en cours », de Adèle Planchard, publié dans Terrestres[↩]
- Voir Gaspard d’Allens, Main basse sur nos forêts, Seuil/Reporterre, 2019.[↩]