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Ce texte est la traduction de l’introduction de Feral Atlas: The More-Than-Human Anthropocene, un ouvrage multimédia d’Anna Tsing, Jennifer Deger, Alder Keleman et Feifei Zhou à paraître chez Stanford University Press.
Traduction de Pauline Briand, relue par Marin Schaffner. En lien avec le cycle Ce qui dépend de nous à la Gaîté Lyrique.
Tout événement de l’histoire humaine a été un événement plus-qu’humain. Quand les chasseurs-cueilleurs brûlent la terre, ils coopèrent avec les plantes qui essaiment rapidement et les herbes qui poussent après les incendies, attirant le gibier1. Quand les écologies vulnérables au feu cèdent la place aux écologies qui aiment le feu, elles changent, à leur tour, la manière dont les humains de ce territoire vivent. Ou regardez à l’intérieur : les bactéries intestinales nous permettent de digérer notre nourriture. Les autres espèces, ainsi que des agents non-vivants, font de nous des humains. La seule raison pour laquelle cette affirmation n’est pas une évidence, réside dans la puissante habitude, prise depuis quelques centaines d’années, de croire que les humains transcendent et maîtrisent la nature, plutôt que de composer des mondes avec les non-humains. L’un des aspects les plus importants qui a émergé de la discussion autour de l’Anthropocène comme une crise environnementale causée par l’humain, est qu’elle nous éloigne de ces puissantes habitudes de pensée. Elle nous oblige à reconsidérer la manière dont les histoires humaines et non-humaines sont entremêlées 2. L’Anthropocène, comme toutes les trajectoires auxquelles les humains ont participé, est plus-qu’humain.
Ces vingt dernières années, de nombreux chercheurs ont écrit sur le problème de la séparation analytique des humains de ceux avec qui nous vivons3. Pour autant ce problème persiste, de nombreux chercheurs se trouvent démunis pour penser les histoires humaines et non-humaines de concert en raison de cette tradition de pensée vieille de plusieurs centaines d’années. Même quand ils s’accordent pour aborder l’Anthropocène comme une coproduction entre humains et non-humains, les chercheurs en sciences humaines et les scientifiques ont tendance à aborder ce sujet de façon divergente, avec peu d’espace pour un dialogue sérieux. Ce constat est, certes, un peu caricatural, mais il reflète une certaine réalité, les chercheurs en sciences humaines sont des têtes sans corps, flottant dans la stratosphère de la philosophie, quand les scientifiques sont des orteils fouillant la boue empirique. Même quand ils s’intéressent au concret, les chercheurs en sciences humaines s’arrêtent à une discussion autour de la « matérialité » avant même d’en arriver à la matière. Les chercheurs en sciences naturelles ignorent ces discussions —mais à leur péril. Mal informés des savoirs produits par les humanités en politique, en histoire, et en culture, les scientifiques s’emparent trop souvent de paradigmes simplistes ou trompeurs pour prendre la mesure de l’humanité. Aucune de ces habitudes ne laisse beaucoup de place à la conversation. En l’absence de ce dialogue, la dichotomie erronée d’une Nature soumise et d’une Culture dominante continue d’être affirmée.
Suivre les devenir non-intentionnels des infrastructures
Dans ce contexte, L’Atlas féral est une modeste mais courageuse tentative de construire une méthode pour étudier l’Anthropocène. L’atlas affirme : Pour pister l’Anthropocène-plus-qu’humain, commencez par les infrastructures. Les infrastructures travaillent avec toutes sortes d’entités, vivantes ou non-vivantes, pour produire des effets féraux, ces effets sont l’Anthropocène. De plus, comme les infrastructures se déploient de manière irrégulière au travers de la planète, formant des « patchs » écologiques, l’Anthropocène qui nous est dévoilé au travers des effets féraux des infrastructures humaines est un Anthropocène de patchs, fragmentaire, bien plus qu’un effet globalement uniforme d’individus amassés4.v Cette formulation permet de prêter attention à l‘histoire qui est dite, avec ses contingences liées au lieu, ses inégalités, et ses différences. Au lieu de se tourner trop rapidement vers les systèmes existants à l’échelle planétaire, qu’ils soient écologiques ou humains, commencer par les infrastructures permet de montrer le processus irrégulier et fragmentaire (patchy) de la création d’écologies menaçantes.
Par féral, on entend ici une situation dans laquelle une entité, élevée et transformée par un projet humain d’infrastructure, poursuit une trajectoire au-delà du contrôle humain. En soi, il n’y a rien de mauvais dans l’absence de contrôle humain. L’écologue Annik Schnitzler utilise le terme « féral » pour décrire les forêts européennes qui croissent sur les terres agricoles abandonnées et les parcelles industrielles5. Cet usage correspond à la définition donnée par L’Atlas féral. Ni les humains, ni nos espèces compagnes, ne peuvent survivre sans ce genre de féralité, qui permet aux arbres de réinvestir des territoires dont les projets d’infrastructures les avaient exclus pendant de nombreuses années. Dans le même temps, la discussion autour de l’Anthropocène requiert d’apporter une attention toute particulière à la féralité qui a mal tournée : les déchets de l’industrie et de la guerre estropient les métabolismes et les écosystèmes ; les organismes introduits se diffusent à travers de nouveaux paysages, anéantissant les écologies natives ; de nouvelles maladies surgissent de façon soudaine et se répandent sur la planète. Une fois encore, les effets féraux ne sont pas obligatoirement néfastes. Cependant, ceux qui posent problème ont commencé à s’accumuler, mettant en jeu l’habitabilité de la terre plus-qu’humaine. La discussion autour de l’Anthropocène a été déclenchée par les préoccupations du public et des chercheurs au sujet de ces effets terrifiants. L’Atlas féral rassemble les rapports de chercheurs sur ces problèmes, sans pour autant exclure les écologies férales plus positives.
Au travers de ces comptes rendus, l’atlas construit une méthode. Cette méthode demande aux chercheurs de porter leur attention sur le lieu où les infrastructures créent les dynamiques férales. C’est une méthode pour ne pas trop supposer à l’avance ; le but de la recherche est de découvrir ce qu’il se passe et jusqu’où les effets se font ressentir. Les questions d’échelle émergent de l’attention portée à la conjonction de l’entité férale et de l’infrastructure. Par contraste, la majorité des chercheurs extraient les entités problématiques (espèces envahissantes, radio-isotopes, l’excès de dioxyde de carbone), comme si elles étaient des phénomènes isolés. Cela leur permet de se ruer sur les données disponibles globalement, perdant de vues les dynamiques en elles-mêmes. Déterminer jusqu’où se diffuse un effet féral ne peut pas se faire à l’avance ; cela fait partie de l’enquête. C’est aussi une méthode pour observer la composition du monde sur le théâtre même de l’action, plutôt que dans des cosmologies abstraites ou des économies politiques. Si un chercheur s’intéresse aux conditions de différence et d’inégalité, c’est par-là qu’il faut commencer.
Dans L’Atlas féral, le terme d’infrastructure fait référence aux modifications de paysages créées par les humains dans le cadre de programmes politiques et sociaux. Pour commencer, le sens commun nous pousse à regarder les routes, les ponts, les barrages, et les entrepôts : des aménagements publics qui modèlent la manière dont les humains opèrent sur terre. Associer les infrastructures aux « aménagements publics » est utile, pas pour réclamer une organisation particulière de financement et de gouvernance, mais pour nous rappeler que les infrastructures revêtent de l’importance lorsqu’elles font partie de campagnes imaginées pour changer les paysages dans l’intérêt d’un certain type de programme. Si une personne creuse un trou dans son jardin, cela peut changer l’écologie locale, mais cela ne devient un projet infrastructurel que si une autorité, quelle qu’elle soit, encourage le creusement de trous dans le cadre de son programme. Penser par les infrastructures permet, dès lors, de toucher du doigt les caractéristiques mêmes de la transformation anthropogénique des paysages ; la structure est produite dès que la transformation émerge des projets sociaux humains de grande ampleur.
Les non-humains sont aussi parfaitement capables de transformer le paysage, l’un des rédacteurs en chef de L’Atlas féral a d’ailleurs trouvé très utile d’utiliser le terme « infrastructure » pour des projets non-humains, y compris pour des projets qui ne requièrent aucun humain6. Dans L’Atlas féral, cependant, le terme d’infrastructure concerne des projets humains, même si les circonstances sont toujours plus-qu’humaines7. Pour autant, il existe bien d’autres sens au terme infrastructure, et nous demandons aux lecteurs de les mettre de côté pour le moment. Par exemple, dans l’étude des sciences et des technologies, l’infrastructure est décrite comme un réseau d’interconnexion et de communication humaine et non-humaine, matériel ou pas, dont le succès est évalué à l’aune de l’engagement humain8. « L’infrastructure numérique » a également attiré l’attention des théoriciens du design9. Ces acceptions chevauchent les nôtres lorsqu’elles s’intéressent aux caractéristiques matérielles de transformation des paysages propres à ces infrastructures, par exemple, la façon dont la mise en place du réseau électrique demande l’installation de câbles, de stations électriques, etc. L’Atlas féral se focalise moins sur la caractéristique humaine de mise en réseau de l’infrastructure. Au contraire, ce qui nous intéresse se sont les effets matériels non-planifiés des constructions et des actions humaines sur les organismes et les matériaux. Pour constater ces effets, l’analyste doit prêter attention aux relations au-delà de l’intention humaine.
L’infrastructure constitue le cœur de l’architecture numérique de L’Atlas féral telle qu’elle a été conçue par ses concepteurs pour présenter une série de comptes rendus sur les écologies férales. Mais plutôt que de guider les lecteurs vers des infrastructures particulières (routes, barrages, etc.), nous leur proposons de suivre trois axes pour les inciter à penser avec les infrastructures. Ces trois axes se nomment : les Détonateurs de l’Anthropocène, les Changements d’État Infrastructurels, et les Qualités Férales.
Les Détonateurs de l’Anthropocène: invasion, empire, capital, accélération
Les Détonateurs de l’Anthropocène : Si les infrastructures appartiennent à des programmes sociaux et politiques, tout comme ces programmes, elles sont des créations de l’histoire, et donc soumises aux changements dans les façons de faire. Pour autant, l’histoire n’est pas une succession aléatoire d’un programme après l’autre. Des conjonctures historiques fondatrices influencent la forme que prendra la suite. L’Atlas féral s’intéresse tout particulièrement à quatre ensembles de conjonctures qui ont une influence formatrice dans l’histoire de la modification anthropogénique des paysages, c’est-à-dire de l’infrastructure, au cours des cinq cents dernières années. Premièrement, l’invasion des Amériques par les Européens a ouvert une ère de conquêtes intercontinentales et de colonialisme d’installation, dont les effets continuent de se faire sentir aujourd’hui dans la conception des infrastructures et leur mise en œuvre. Deuxièmement, la constitution des empires européens, et la gouvernance coloniale qui y est associée, ont révolutionné l’ingénierie et le transport, démontrant la possibilité d’utiliser les infrastructures comme des outils pour gouverner à distance. Troisièmement, l’émergence du capitalisme a stimulé la conception d’infrastructures pour déployer et amasser le capital d’investissement. Enfin, l’émergence de l’hégémonie des États-Unis et la Guerre Froide après la Seconde Guerre Mondiale ont généré des attentes en termes de modernisation au niveau international qui ont accéléré et propagé le développement des infrastructures autour du monde.
Ces quatre ensembles de conjonctures fondatrices sont les Détonateurs d’Anthropocène de L’Atlas féral : invasion, empire, capital, accélération. Nous les appelons détonateurs parce que chacun d’entre eux déclenche une explosion dans la construction du monde, chacun d’entre eux se trouve au fondement de la condition du monde que nous nommons Anthropocène. Les Détonateurs d’Anthropocène sont une incitation à regarder les infrastructures comme les héritages de développements historiques qui ont changé le monde. Les caractéristiques techniques d’une infrastructure ne peuvent être séparées des projets politiques dont elles découlent.
Les Changements d’État Infrastructurels
Les Changements d’État Infrastructurels : Les infrastructures changent la terre, l’air, et les eaux, et souvent profondément. Un « changement d’état » est une transition si radicale que la configuration initiale des éléments, et les dynamiques relationnelles qui les lient, ne tiennent plus. Ces changements radicaux constituent la différence qui compte dans cette époque qu’on appelle « Anthropocène ».
La revitalisation par John Bellamy Foster de la notion de « rupture métabolique » de Marx10 nous aide à décrire cette transition. Marx a dépeint un changement dans la fertilité de la campagne à la suite de la commercialisation de la production agricole en Europe, elle transférait les nutriments vers la ville, laissant les champs sans fertilisation appropriée. Cette perte de fertilité due au transfert commercial de la nourriture constituait sa rupture métabolique – entre le passé et le présent, et entre la ville et la campagne. Ce terme désigne en général un changement écologique si radical que non seulement le référentiel pertinent change, mais que les niveaux d’apports ne sont plus suffisants pour maintenir les relations interespèces en l’état. Chaque changement de l’état infrastructurel décrit dans L’Atlas féral comprend une rupture avec les paramètres écologiques antérieurs ; chacun d’entre eux représente un genre de rupture métabolique.
Le changement d’état survient quand l’intervention humaine se fait de manière totalement nouvelle suite à la transformation du paysage. Le train, par exemple, transporte de larges quantités de marchandises parce que les voies de chemin de fer « égalisent » le terrain. De la même manière, les cargos et les avions transportent les biens autour du monde à une vitesse incomparable. En résultent des changements environnementaux. Par exemple, la vitesse et la portée géographique du transport maritime industriel ont permis à des insectes ravageurs et à des phytopathogènes de se propager autour du globe à un rythme bien trop rapide pour laisser le temps aux plantes de s’adapter. Les forêts s’en trouvent menacées, des groupes d’arbres et parfois des espèces entières perdent du terrain.
Au lieu de penser les trains, les avions et les bateaux séparément, L’Atlas féral regroupe l’ensemble des infrastructures conçues pour transporter les choses sur de longues distances à grande vitesse. Le verbe « prendre » (take) décrit ce que ce groupe met à l’œuvre, et désigne les ruptures créées quand les infrastructures impérialistes et industrielles orchestrent le mouvement d’entités d’un endroit à un autre à grande échelle. L’Atlas féral déploie toute une liste de verbes pour évoquer l’action des infrastructures quand elles produisent ces ruptures : aux côtés de « prendre » (take), nous utilisons « brûler » (burn), « acheminer » (pipe), « entasser » (crowd), « quadriller » (grid), « déverser » (dump), et « lisser/accélérer » (smooth/speed). Ces mots décrivent le fonctionnement des infrastructures en relation avec des activités que les humains ont toujours menées, telle que « prendre ». L’infrastructure n’est pas le deus ex machina promut par ceux qui souhaitent l’accélération. Le travail des infrastructures est un travail courant, voire ordinaire — même s’il est amplifié pour répondre aux besoins de projets de l’Anthropocène tels que l’invasion, l’empire, le capital, ou l’accélération. Se souvenir de la nature ordinaire du fonctionnement des infrastructures laisse l’opportunité de se nouer au genre de dialogue entre citoyens et experts que la philosophe Isabelle Stengers appelle de ses vœux quand elle parle « slow science », une science qui prend le temps d’identifier ce qui compte11. C’est dans cet esprit que nous avons choisi ces mots monosyllabiques et affûtés que les anglophones ont hérités des langues nordiques et germaniques. Ces mots reflètent le travail au quotidien, en contraste avec les explications expertes polysyllabiques proposées par le vocabulaire latin. Les mots du quotidien nous autorisent à nous approprier le travail des infrastructures, au moment même où nous prenons connaissance des ruptures qu’elles créent.
Sur le site, la catégorie Changement de l’Etat Infrastructurel propose une autre forme de ralentissement. Avant qu’un utilisateur ne puisse sauter de l’Anthropocène dans sa globalité à un texte en particulier, nous lui demandons de consacrer un moment à réfléchir aux infrastructures avec une série « d’haïkus vidéo et audio » qui illustrent les processus que nous avons nommés. En présentant ces courtes vidéos à ce stade de la visite, L’Atlas féral présente une poétique du geste infrastructurel au travers de laquelle l’utilisateur pourrait reconnaître le travail infrastructurel — et la violence ordinaire de ces processus — afin de pouvoir mieux imaginer des alternatives aux manières de mener ces activités.
Ces classification n’ont pas pour but de mettre le monde en boîte. Au contraire, ce sont des ouvertures pour penser les conséquences écologiques du travail infrastructurel. Une simple infrastructure peut remplir plusieurs fonctions, et par conséquent être en prise avec plus d’un de nos Changements de l’État Infrastructurel. De même, une entité férale peut se trouver associée à plus d’une infrastructure, et plus d’un changement d’état infrastructurel. Nous encourageons les lecteurs à inventer leurs propres catégories de Changements de l’État Infrastructurel quand ils observent le monde qui les entoure.
Les Qualités Férales
Les Qualités Férales : Avec les Qualités Férales, L’Atlas féral se tourne vers les possibilités que les infrastructures offrent aux non-humains – et plus particulièrement aux non-humains qui ont une occupation qui ne convient pas aux humains. Les infrastructures construites par les humains offrent des opportunités aux non-humains qui peuvent être éloignées de ce qui avait été prévu par les ingénieurs qui les avaient planifiées. L’Atlas féral utilise les Qualités Férales pour apprécier ce que font ces non-humains, à savoir, la manière dont les entités férales fontles infrastructures fabriquées par les humains. Par exemple, la Qualité Férale « Super-pouvoirs » (Superpowers) distingue les opportunités pour l’hybridation ou l’évolution rapide ; avec l’aide de l’infrastructure, des organismes peuvent améliorer leur capacité à se reproduire ou à se disséminer dans leurs nouveaux environnements. Si ces organismes sont des pathogènes, malheur à l’hôte qu’ils tueront. La Qualité Férale « Passager clandestin industriel » (Industrial Stowaway), regroupe les organismes qui voyagent sur les palettes en bois, dans les containers, sur les trains d’atterrissage des avions, ou dans les eaux de ballaste des cargos. Quelle que soit l’infrastructure concernée, les Qualités Férales les appréhendent du point de vue des possibilités non-humaines.
En d’autres mots, les Qualités Férales décrivent les agencements non-humains formant des relations avec les infrastructures.
C’est le moment où il nous faut admettre que ces catégories sont celles des rédacteurs en chef , pas celles des contributeurs à L’Atlas féral. Nous n’avons pas demandé aux contributeurs d’approuver nos catégories. Nous avons fait l’effort de contacter toute une palette de témoins et de chercheurs, et nous sommes heureux de la diversité des arguments et des témoignages qu’ils utilisent pour décrire les écologies férales en réponse à notre invitation assez large. Cependant, c’est nous, les rédacteurs en chef, qui avons assigné les Détonateurs d’Anthropocène, les Changements d’État de Infrastructurels, et les Qualités Férales de chaque entrée. Pour les Qualités Férales, nous avons écrit la prose qui a été ajoutée. Nous nous attendons à ce que nombre de contributeurs ressentent de l’ambivalence par rapport à notre cadre analytique. Mais nous le prenons comme un pas supplémentaire dans notre tentative de construction d’un domaine de recherche. Nous disons : « Essayez cela et voyez si cela fera émerger des problèmes de recherche. » Plutôt qu’un système clos de classification, nous souhaitons introduire de nouveaux outils pour penser. Nous serions ravis si les lecteurs (en y incluant les contributeurs) y font des amendements et des ajouts au fur et à mesure. Plutôt qu’un projet achevé, nous voyons L’Atlas féral comme une porte ouverte par laquelle les aspirants chercheurs pourront entrevoir un nouveau passage entre sciences naturelles et sciences humaines. Notre pari, c’est que de nouvelles questions de recherche émergeront de cet espace en pensant avec la relation existante entre les entités férales et les infrastructures.
Récits numériques au temps de l’Anthropocène
L’Atlas féral rejoint la masse de nouveaux projets dans les humanités numériques, suscités par les apports performatifs et esthétiques des sites web faits sur mesure. En « passant au numérique », notre objectif est de récolter les connexions — affectives, multimodales, itératives et basées sur la curiosité — de l’expérience d’un utilisateur en ligne, comme un vecteur pour orchestrer un argument. En rassemblant des artistes et des designers dans l’équipe, nous avons tenté de cultiver le plaisir de la découverte personnelle et de la surprise à travers de multiples médias. Ensemble, nous avons assemblé ce large faisceau d’études de cas, de manière à permettre aux utilisateurs de tracer leur propre chemin, en prenant du plaisir dans l’art, mais aussi dans les liens inattendus entre les infrastructures, les entités et les qualités férales. L’architecture du site et son design donnent accès à un cadre conceptuel englobant par lequel l’utilisateur compose L’Atlas féral de façon cumulative, compte rendu par compte rendu, infrastructure par infrastructure. Nous avons fait attention à ne pas surcharger le site – et nos utilisateurs – avec des cloches et des sifflets numériques. Nous avons limité la cliquabilité ou les stimulations sensorielles. D’ailleurs, le ton énergique de la matière proposée, et les effets que cela peut avoir sur la progression de l’utilisateur sur le site, ont fait l’objet d’une attention continue : nous souhaitons que l’utilisateur débarque sur les compte rendus de terrain et les essais dans un état d’esprit propice à la lecture et à la réflexion, qu’il soit prêt à s’arrêter et réfléchir pendant un moment, plutôt que cliquer toujours plus loin.
Grâce à tout cela, le design et la fonctionnalité numériques permettent à L’Atlas féral d’expérimenter de nouvelles manières de regrouper — et d’assembler — tout un ensemble de genres et de perspectives, tout en étant à disposition d’utilisateurs, dans le monde universitaire et au-delà, par le biais d’un portail en accès libre. Par bien des aspects, le travail de l’équipe de rédaction a relevé de la curation ; les questions de formes et d’esthétiques n’ont jamais été secondaires. A la recherche d’une audience diverse et large, nous avons conçu L’Atlas féral pour engager l’utilisateur par des techniques narratives et artistiques qui puisent dans de nombreux registres et prennent de nombreuses formes.
L’Atlas féral utilise parfois le terme « histoires » (stories), pour qualifier l’ensemble des compositions narratives présentées sur le site, des rapports de recherche scientifiques à l’art, des films à la poésie12.x Avec l’utilisation de ce terme, notre objectif n’est pas de dénigrer la recherche, mais plutôt d’autoriser une juxtaposition utile entre des genres variés de témoignage, d’apprentissage et de reportage. Tous les contributeurs de L’Atlas féral décrivent les écologies férales en se basant sur des observations et des recherches récoltées de première main (y compris pour le travail d’archives). Nous avons inclus des biologistes, des historiens, des anthropologues, des géographes, des climatologues, et bien d’autres, chacun d’entre eux ont écrit sur des sujets qu’ils ont étudiés. Nous avons aussi ouvert l’atlas au témoignage personnel, qui s’exprime sous de nombreuses formes, depuis la poésie et l’histoire naturelle, jusqu’à la peinture d’un artiste aborigène et le récit autobiographique d’un professeur britannique issu de la diaspora.
La féralité, un récit apocalyptique de plus ?
Appeler nos contributions « histoires » présente un autre avantage : cela ouvre une discussion sur les genres. Quelle forme de récit convient le mieux à l’Anthropocène ? Au temps de l’extinction et des effondrements écologiques qui s’annoncent, certains penseurs se sont inquiétés de voir apparaître des histoires apocalyptiques. Ils avancent qu’un trop grand nombre de ces histoires peut paralyser les lecteurs 13. D’un autre côté, cela n’a aucun sens de proposer des fins heureuses, juste pour leur remonter moral. Suivre cette voie reviendrait à ignorer le corpus de recherche qui traite de l’environnement. L’Atlas féral a choisi un chemin alternatif au travers de ce labyrinthe. Premièrement, nous souhaitons que les lecteurs prêtent attention aux détails. Nous avons tenté de créer une esthétique qui leur demande de s’attarder sur le matériel accumulé. Nous avons évité d’invoquer l’effroi pour le simple plaisir de l’invoquer. Pour autant, nous ne reculons pas à l’idée de raconter des histoires terrifiantes. En travaillant sur L’Atlas féral, nous avons été surpris par le nombre de personnes qui nous demandaient de nous focaliser sur le positif. Comme chaque itération faisait paraître cette réponse un peu plus exotique, notre détermination à inclure des histoires de mort et de danger s’est affermie. Notre second objectif aura alors été de voir si nous pouvions raconter ces histoires de si belle manière que ces personnes, qui nous avaient mis en garde contre le désespoir et la paralysie, puissent à la place s’arrêter pour prêter attention à ce qu’il se passe. La clé réside dans le fait de présenter cette matière avec un niveau de détails si absorbant, tant de passion, et de soin que les lecteurs seront curieux d’en savoir plus, plutôt que de s’en détourner.
Donner l’impression que c’est dans la féralité que réside le problème serait une tragédie. Il n’existe aucune raison qui justifierait que les non-humains se soumettent aux ordres des humains. La féralité n’est pas un jugement contre les non-humains, nous ne pourrions survivre sans leur vitalité (comme si nous en avions le choix). Au contraire, la féralité décrit l’Anthropocène plus-qu’humain. Elle offre une voie pour comprendre les effets des infrastructures produites par l’homme. Si des reproches devaient être faits, ce serait contre l’hubris de ces infrastructures, planifiées et exploitées sans prendre en compte leurs effets au-delà de la finalité qui leur a été spécifiquement assignée. Tant que les infrastructures seront construites avec une telle désinvolture, les effets féraux se multiplieront. Cette étude inclut toutes les solutions technologiques rêvées pour résoudre les problèmes environnementaux globaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.
Qu’est-ce qu’une carte ?
Ce projet est un atlas, mais un atlas étrange. Pour commencer, nous refusons la technologie de cartographie que l’on trouve communément sur les sites numériques : une carte SIG qui localiserait les cas dans l’espace global. Ce genre de cartes entretient l’illusion de donner des réponses, quand cela n’est pas le cas. Les frontières nationales prennent souvent une tangibilité étrange, elles travestissent le manque de connaissances existantes sur la plupart des lieux. Les petits et les grands problèmes sont souvent présentés de la même manière. La carte globale occulte trop de choses qu’un lecteur de L’Atlas féral a besoin de savoir.
Des échelles spatiales, des angles, et des modes de représentation différents sont nécessaires en fonction du problème cartographié. Le flanc écailleux du saumon est un terrain propice au pou du saumon ; et cela ne trouve pas d’échelle sur une carte globale. Une carte des vents de la stratosphère est utile pour suivre la diffusion des spores de la rouille du café ; mais elle n’a aucun intérêt pour suivre les voyages du crapaud buffle.
L’Atlas féral fait varier les échelles et les modes de représentation pour montrer comment la féralité s’exprime dans chacune des contributions. Chacune d’entre elles s’ouvre sur une « carte des flux » (flow map), une représentation spatiale des flux et des blocages qui pourrait donner des informations sur l’activité férale décrite. Pour le plastique qui rejoint l’océan, ce sont les courants marins qui alimentent le tourbillon de plastique dont les parents albatros nourrissent leurs petits. Pour la méduse Mnemiopsis, introduite en 1989 dans la Mer Noire, c’est le confinement de la mer qui autorise leur succès ; l’étroit détroit du Bosphore est la seule ouverture vers l’extérieur. Pour chacun de ces cas, nous nous demandons ce qu’il pourrait être important de faire figurer sur la carte. L’artiste aborigène australien Russell Ngadiyali Ashleya peint la manière dont le Crapaud buffle est un enjeu pour son peuple, qui considère le varan goanna, aujourd’hui de plus en plus rare à cause de la prédation des crapauds, comme faisant partie de sa famille. Des cartes similaires ont été utilisées en Australie pour des procès sur le droit à la terre. Ce travail rejoint l’ensemble des représentations spatiales qui font de L’Atlas féral un atlas.
En partant de ces perspectives multiples, la carte globale à laquelle les utilisateurs devraient normalement s’attendre semble étrange, erronée, et terriblement incomplète.
Au sujet des comparaisons – et de l’anthropologie
Avec son architecture numérique et ses 65 études de cas, L’Atlas féral ressemble un peu à une version miniature des projets de big data qui dominent aujourd’hui de nombreux champs de recherche. Les architectures numériques, et le pouvoir computationnel qui les propulsent, sont parfaits pour faire des comparaisons entre les blocs de données, précisément parce qu’ils conservent les catégories existantes pendant leur manipulation. Est-ce l’objectif de L’Atlas féral ? Oui et non.
Trois des co-rédacteurs en chef sont des anthropologues, entraînés aux méthodes ethnographiques. Ils ont chacun une expérience de collaborations locales et prêtent attention aux modes de représentation appropriés à chaque localité. Néanmoins, les enjeux de l’Anthropocène nous ont amené à prendre en considération des comparaisons et des connexions à l’échelle mondiale. Nous sommes conscients des problèmes portés par la comparaison, et par conséquent de ceux de la recherche reposant sur le big data, qui a été un sujet d’intérêt majeur en anthropologie au cours des soixante dernières années. En stabilisant le cadre de l’analyse, les comparaisons perdent de vue la machine à créer les mondes qui donne sens à toute observation. Ann Stoler a soutenu, par exemple, que la comparaison est un mode d’analyse colonial, non seulement parce que les gouvernements coloniaux perfectionnent cette technique, mais aussi parce que son appareil analytique impose une autorité impériale14.
Certains anthropologues ont tenté des projets comparatifs ambitieux. Par exemple, les Documents sur les Aires de Relations Humaines (Human Relations Area Files — HRAF) de George Murdock ont émergé durant la courte période du milieu du vingtième siècle où les anthropologues américains ont rejoint les chercheurs en sciences naturelles pour imaginer une science ambitieuse offrant des réponses politiquement pertinentes15. Ce projet a prélevé des passages d’ethnographies pour constituer un système mondial de comparaison culturelle. Cependant la plupart des anthropologues ont réfuté les résultats obtenus, parce qu’ils étaient séparés de leur contexte et que, par conséquent, aucun de ces faits n’avait de sens. Ainsi, le rejet du HRAF en tant que voie pour faire de l’anthropologie culturelle a mené au rejet général du recours à la collecte et à la comparaison en tant que méthode.
Récemment, un certain nombre d’anthropologues ont tenté de faire revivre certaines manières de faire de la comparaison – comme celles qui ont cours dans les imaginaires des informateurs16 ou celles qui ont pour objectif de comparer les projets de façonnement du monde, plutôt que les faits et les observations17. Chacune de ces formes de comparaison autorise la discussion par-delà les temporalités et les espaces, mais réaffirme également l’impératif de respect de l’ensemble du dispositif de relationnalité contingente dans lequel les temporalités et les lieux n’ont aucun sens. Chacune d’entre elles rejette le big data comme une injonction impériale. Chacune d’entre elles permet les juxtapositions : ainsi, par exemple, une version éditée des contributions à L’Atlas féral présentées les unes à coté des autres n’aurait pas besoin d’être aussi circonspecte quant au rôle de la comparaison, puisque nous avons permis à chaque auteur d’invoquer des événements et des témoignages en utilisant les outils de façonnement du monde les plus propices à chaque personne. Que se passe-t-il, cependant, quand ces contributions sont présentées dans le cadre d’un dispositif numérique, et, encore plus frappant, dans un cadre comparatif imposé ?
L’Atlas féral affirme que cela vaut le coup d’essayer les architectures numériques dans les sciences sociales tant que les cadres comparatifs ressemblent à une performance ou à un jeu, plutôt qu’à une structure autoritaire ayant pour rôle de garder les catégories à leur place. Nos catégories sont volontairement ludiques, provisoires, et incomplètes. Nous encourageons nos lecteurs à se demander: « Dans quelle mesure cette comparaison fonctionne-t-elle? »
Nous pourrions mettre notre projet de comparaison en compagnie de la musique et de la danse improvisées. Dans ces pratiques, il y a des gestes et des thèmes connus de tous, qui sont essayé suivant différentes combinaisons. Parfois les danseurs ou les musiciens échangent des motifs, demandant une comparaison de la part d’une autre équipe18. Alex Chávez décrit les duels musicaux durant toute la nuit qui caractérisent la musique Huapango Arribeño de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Une équipe joue un thème ; l’autre crée en le reprenant19. C’est de la comparaison improvisée en action. L’Atlas féral fige une performance improvisée de comparaison avec pour instruction de la lire comme une improvisation – pas comme un classement intemporel qui fait autorité.
Négocier la différence
Pour construire un champ de recherche sur l’Anthropocène, les chercheurs doivent construire des ponts au-dessus de leurs incompréhensions mutuelles. L’Atlas féral fait des allers-retours le long de certaines de ces lignes, cherchant à créer une nouvelle audience de chercheurs, d’étudiants, et de lecteurs plus généralement qui pourraient trouver avec L’Atlas féral le genre de recherche qu’ils n’ont pas réussi à trouver auparavant. Pour autant, en construisant ces ponts, on rencontre de nombreux aléas, et s’en souvenir est utile pour apprécier le travail accompli. Par exemple, nous avons demandé à nos contributeurs naturalistes de respecter leurs normes scientifiques, même si nous demandons aux utilisateurs de les lire dans un cadre audacieux et ludique qui relève des sciences sociales. Il est fort probable que les naturalistes trouvent le cadre scientifiquement inadéquat ; et que les chercheurs en sciences humaines estiment que ce cadre prend les sciences trop au sérieux. Une autre division découle du besoin urgent d’activisme sur de nombreux fronts, ce qui écarte les militants. Les défenseurs de la justice sociale pourraient rejeter L’Atlas féral, lui reprochant d’accorder trop d’attention à l’environnement, quand celles et ceux qui défendent l’environnement pourraient reprocher à l’atlas d’être obnubilé par la justice sociale. En attendant, même si l’interface parvient à intéresser les étudiants, il y en aura toujours qui penseront qu’il y « trop à lire ». Et quiconque ne lit pas l’anglais n’y aura pas accès.
Ce sont certaines des différences sur lesquelles L’Atlas féral doit naviguer à vue. S’il doit y avoir un réel savoir de l’Anthropocène, il doit intégrer du dialogue et mettre en place une traduction entre ces lignes de démarcation.
Ces derniers temps, les anthropologues se sont consacrés à penser les lacunes qui vont au-delà des simples différences d’apprentissage pour englober des systèmes entiers de compositions des mondes. Les peuples autochtones et les chercheurs occidentaux, par exemple, voient les non-humains complètement différemment. Ce travail devrait être une ouverture, et non le constat définitif d’une absence de communication. Si les analystes acceptent de commencer par les usages et les témoignages, plutôt que par des cosmologies complètes de la différence, il y a souvent beaucoup à dire, même au sujet des fossés les plus profonds.
En se focalisant sur les infrastructures en tant qu’elles recomposent des paysages, L’Atlas féral espère libérer de l’espace pour des approches et des pratiques alternatives, humaines et non-humaines. Les contributions parlent de mondes remplis de connexions et de chevauchements, de différences et de multiplicités. Elles ne s’additionnent pas parfaitement. Elles nous montrent un Anthropocène fragmenté (patchy) fait, non seulement, de formes paysagères hétérogènes, mais aussi de manière hétérogènes d’appréhender et de faire, humaines et non-humaines. L’Atlas féral ne cherche pas à unir la discussion sur l’Anthropocène sous un seul système unifié. A la place, nous cherchons à instaurer un dialogue « satisfaisant » entre de nombreuses formes de différence20.
Ce que contiendra L’Atlas Féral
Début 2020, L’Atlas féral apparaîtra en ligne, en accès libre, par l’intermédiaire des Presses Universitaires de Stanford. Notre (actuellement vide) url sera feralatlas.org. L’Atlas féral propose des vidéos et des haïkus sonores respectivement par Armin Linke et Anna Friz, et il offre des essais sur les Détonateurs d’Anthropocène par l’historien Sven Beckert, le romancier Amitav Ghosh, l’anthropologue Karen Ho, les géographes Simon Lewis/Mark Maslin, le biologiste David Richardson, et le climatologue Will Steffen.
Lisez L’Atlas féral pour trouver des comptes rendus et des essais par les auteurs suivants :
Chief Ernest Alfred — Les parasites du saumon 1
Russell Ngadiyali Ashley — Le Crapaud buffle
Tom Bassett et Carol Spindel — Le Roseau commun
Susanna Blackwell — Les bruits subaquatiques 1
Clive Brasier — La graphiose de l’orme 1
Nathalia Brichet — La peinture antisalissure
Kate Brown — Les bleuets radioactifs
Nils Bubandt — Les séismes déclenchés par l’homme 1
Matthew Buttacavoli — Les bruits subaquatiques 2
Marcela Cely Santos — Les monstres de l’abeille
Zachary Caple — Trop de phosphore
Hannah Cotton, Dieter Brunnel, et Ester Beekaert — Le mildiou de la pomme de terre 1
Lionel Devlieger — Le Crabe chinois à mitaines
Adrian Drummond Cole — Les eaux phantomes 1
Rachel Cypher — Les herbes résistantes aux pesticides
Jacob Doherty — Le Marabout d’Afrique
Pierre Du Plessis — Le bétail et l’herbe 1
Paulla Ebron — Le moustique Aedes
Bettina Fach & Baris Salihogu — Les cténophores
Elizabeth Fenn — Pestilence
Rosa Ficek — Le bétail et l’herbe 2
Scott Frickel — Les toxines des friches industrielles
Peter Funch — La méiofaune
Jennifer Gabrys — Pollution
Elaine Gan — La Cicadelle brune
Matteo Garbelloto — La mort subite du chêne
Deborah Gordon — La Fourmi d’Argentine
Michael Hadfield — L’Euglandina rosea
Corneilia Hesse-Honegger– Les radioisotopes
Mia Hoogenboom — Les microplastiques
Iftekhar Iqbal — Les jacinthes d’eau
Irwin, Forseth, and Innis — kudzu 2
Masanobu Ishida & Daisuke Naito — Les copeaux de bois radioactifs
Chris Jordan — Le plastique marin
Frederic Keck — Les insectes dans les musées
Alder Keleman-Saxena — Le mildiou de la pomme de terre 2
Jon Kolby & Lee Berger — Batrachochytrium dendrobatidis
Huddie Ledbetter (Leadbelly) — Le charançon du cotonnier
Alex Liebman and Rob Wallace — Les champignons résistants aux médicaments
James Maguire — Les séismes déclenchés par l’homme 2
John McNeill — Le virus de la fièvre jaune
Anne-Sophie Milon et Jan Zalasiewicz — Le dioxide de carbone
Ursula Muenster — Le lantanacamara
Kelsi Nagy — Les sacs plastiques
Katy Overstreet — Les chats
Alyssa Paredes — Les fongicides pour bananiers
Ivette Perfecto — La rouille du café
Evelyn Reilly — Polystyrène
Bitty Roy et. al. — Les ravageurs et les agents pathogènes des forêts
Nova, Gillian Bogart, et Gde. Putra — Limnocharis flava
Helene Schmitz — kudzu 1
Jens Seeburg — Les bactéries resistantes aux antibiotiques
David Skelly — La Grenouille verte
Nathan Snow et Gary Witmer — La Grenouille taureau
Serena Stein — L’herbe des sorcières ou striga
Lesley Stern — rats
Bettina Stoetzer — La peste porcine africaine
Lucienne Strivay et Catherine Mougenot — Lapins
Heather Swanson — Les parasites du saumon 2
Michael Vine — Les eaux phantomes 2
Martin Vodopivec — Les polypes des méduses
Marissa Weiss — Insectes vivant dans le bois
Susan Wright — La graphiose de l’orme 2
Jerry Zee — Poussières toxiques
Notes
- Bowman, D. M. J. S. et al. The human dimension of fire regimes on Earth. J. Biogeogr. 38, 2223–2236 (2011).[↩]
- Tsing, A., Bubandt, N., Gan, E., Swanson, H. Arts of Living on a Damaged Planet: Ghosts and Monsters of the Anthropocène. University of Minnesota Press (2017).[↩]
- Haraway, D. J. When Species Meet. University of Minnesota Press (2007); Latour, Bruno, Politiques de la nature. Paris, La Découverte, 1999. NdLR: dans la revue terrestres, voir https://www.terrestres.org/2018/11/15/suivre-la-foret-une-entente-terrestre-de-laction-politique/ ainsi que : https://soundcloud.com/laviemanifeste/sophie-gosselin[↩]
- Tsing, A., Bubandt, N, and A. Mathews, “Patchy Anthropocène.” Current Anthropology (2019).[↩]
- Schnitzler, A. Feral Woodlands. Paper presented at Woodlands in the Anthropocène, Aarhus University Research on the Anthropocène, Aarhus, Denmark, June (2018).[↩]
- Tsing, A. « What is History? Or the Life and Times of Water Hyacinth,” Manuscript in preparation.[↩]
- Morita, A. Multispecies infrastructure: infrastructural inversion and involutionary entanglements in the Chao Praya delta, Thailand. Ethnos 82(4), 738-757 (2016).[↩]
- )Star, S. L. & Bowker, G. C. How to infrastructure. Handbook of New Media, Lievrouw, L and S Livingstone, eds. Sage, pp.230–245 (2006).[↩]
- Kaltenbrunner, W. Digital Infrastructure for the Humanities in Europe and the US: Governing Scholarship through Coordinated Tool Development. Computer Supported Cooperative Work 26(3), 275-308 (2017).[↩]
- Foster, J. B. ”Marx’s Theory of Metabolic Rift: Classical Foundations for Environmental Sociology.” American Journal of Sociology. 105(2), 366-405 (1999).[↩]
- Stengers, I. Another science is possible: a manifesto for slow science. Wiley (2017).[↩]
- Haraway, D. Staying with the Trouble. Duke University Press (2016).[↩]
- Masco, J. ‘Survival is your business’: engineering ruins and affect in nuclear America, Cultural Anthropology 23(2), 361-398 (2008).[↩]
- Stoler, A. Tense and tender ties: the politics of comparison in North American history and (post)-colonial studies. Journal of American History. 88(3), 829-865 (2001).[↩]
- http://hraf.yale.edu[↩]
- Swanson, H. Caught in Comparisons. Manuscript in preparation.[↩]
- Viveiros de Castro, E. Perspectival Anthropology and the Method of Controlled Equivocation. Tipiti: Journal of the Society for the Anthropology of Lowland South America 2(1), 3-22.[↩]
- Meintjes, L. Dust of the Zulu: Ngoma Aesthetics After Apartheid. Duke University Press (2017).[↩]
- Chávez, A. Sounds of Crossing: Music, Migration, and the Aural Poetics of Huapango Arribeño. Duke University Press. (2017).[↩]
- Clifford, J. Returns: Being Indigenous in the Twenty-first Century. Harvard University Press (2013).[↩]