« Continuez c’est le grand cerf rouge, un génie des bois qui passait et qui s’est arrêté pour nous devant notre maison de branches »
Maurice Genevoix
Comprendre autrement les vivants : une épistémologie nécessaire
Je propose d’envisager et d’élaborer une démarche pour une « éthologie de l’invisible », en explicitant ce que représente l’invisible, comment le débusquer et le mettre en lumière. En effet, les animaux ne cessent de nous étonner et appellent notre flexibilité conceptuelle. Pour mon étude éthologique1 sur les rencontres et interactions entres des orques sauvages et des nageurs, il me fut demandé d’utiliser l’outil statistique. Or, circonscrire le vivant à des énoncés codés puis décodés mathématiquement réduit fortement, à mon avis, la possibilité de comprendre les rencontres et relations inter-espèces2, leurs potentialités heuristiques. Je ne prétends pas formuler une nouvelle pratique scientifique, je soutiens simplement, à l’instar de François Catalayud, que « l’éthologie (…) n’est pas l’étude d’un comportement indépendant de l’observateur, mais un discours sur l’être de l’animal au travers de la relation que le chercheur peut avoir avec ce dernier » (2010, 335). Une telle perspective relève sans doute plus de l’éthosophie que de l’éthologie au sens strict. Cependant, comme le défend Bernard Aspe, il semble important d’« habiter un discours de vérité pour mesurer la disparité des discours qui prétendent au vrai » (2018, 293). C’est pourquoi je maintiens le terme d’éthologie, entendue comme l’étude par différentes habiletés des comportements et relations animales.
Une éthologie de l’invisible aura ainsi pour défi de révéler ce qui n’est pas visible mais aussi ce qui arrive antérieurement à notre perception et que nous dénions regarder et, surtout, d’activement nous ouvrir à ce que nous ne connaissons pas encore. Il est question de faire une autre lecture de ce qui fait événement dans la relation au « monde » animal, aux frontières de ce que nous pouvons en percevoir, de considérer en conséquence l’animal comme agissant selon des intentions et des désirs qui ne sont pas que des nécessités comportementales mais aussi ouvertures et curiosités sur le monde. Or, déterminer une question c’est déjà adopter un point de vue. Pour Ricardo Rozzi : « Les écologues ne sont pas des scientifiques neutres (…), ils jouent un rôle central dans la formation des attitudes sociétales vis-à-vis de la nature »3. Nous avons, en tant que chercheurs, une responsabilité de premier ordre. De même, nos propres façons de ressentir une situation, de vivre une interaction animale et a posteriori de la penser et de l’exprimer signent nos singularités.
De l’invisible
Dans mes recherches – indépendamment des protocoles éthologiques mis en place pour la réalisation de l’article4 – je m’intéresse, entre autres, aux comportements d’une orque libre et sauvage curieuse d’un plongeur tout aussi curieux d’elle. J’interroge les interactions et relations possibles inter-espèces, tente de comprendre les mouvements des vivants qui interagissent, les modes de communications non verbaux, l’agencement d’une relation, et pour les humains, les transformations que ces interactions suscitent.
Voir l’animal confirme d’emblée sa présence, or ne pas le voir ne me dit rien sur sa présence ou son absence ; de fait, je ne contrôle pas la situation et navigue entre des possibles. Le sentiment d’être observé – situation partagée par les naturalistes et autres explorateurs ou marcheurs en milieu sauvage – témoigne que la non-visibilité de l’autre ne signifie pas une définitive absence. L’invisible est curieusement palpable : « tu n’es pas là sous mes yeux et pourtant je sens ta présence et découvre par la suite des empreintes fraîches ». L’articulation entre visibilité et invisibilité est un délicat balancement pour l’observateur et l’observé. Il n’est pas possible de déterminer la part intentionnelle empruntée par cet autre qui peut jouer de ce qu’il me laisse entrevoir de son monde tout en maintenant la distance qui le tient en sécurité. De la même façon, je peux observer longuement un animal et me retirer de son espace sans qu’il ait décelé ma présence. Le sentiment est alors partagé entre la joie d’avoir pu regarder un moment une vie sauvage sans la perturber et la maîtrise de sa propre invisibilité, sa capacité à se dissimuler et à se fondre dans le milieu. L’invisibilité n’est pas étrange, mais inquiétante et excitante à la fois.
L’invisible ne se réduit pas à la présence/absence de l’animal, il est aussi l’événement dont on ne discerne pas toutes les composantes et qui constitue à la fois sa plasticité, sa complexité. Ainsi, quand je nage à côté d’une orque, un observateur extérieur ne peut en rien percevoir les jeux subtils dans notre interaction. Seule l’expérience in situ révèle la finesse de ce qui s’y déploie. Dans les études de terrain où le chercheur n’est pas immergé, les comportements sont observés depuis un bateau – pour l’observation des cétacés par exemple – et à distance des animaux, sans aucune vision de tout ce qui se passe sous la mer. Or, entre le visible et l’invisible, la différence peut être fondamentale : pour deux orques observées et dont un comportement est déduit, combien naviguent sous la surface, à proximité voire très près, sans que l’on ait la moindre perspective et soupçon quant à leur organisation sociale et interférences ? Si nous ne pouvons tout observer et tout comprendre, il nous faut a minima nous poser la question de la vision réductrice que nous avons des animaux et de leurs comportements. Renoncer trop vite aux études en milieu sauvage à cause de ces difficultés intrinsèques équivaut à refuser la complexité des modes de vie animaux. Or, plus nous observerons les animaux en milieu sauvage et plus nous serons à même d’avoir une opinion sur qui ils sont.
Immersion dans le milieu
Il nous faut donc favoriser l’émergence des invisibles et des ignorés, et proposer une éthologie de l’invisible qui prendra en compte l’invisibilité sans lui ôter sa dynamique, sans lui imposer de devenir définitivement visible mais la regarder apparaître avec de nouvelles interprétations. Cette perspective éthologique vient en complément d’une éthologie exploratoire audacieuse déjà proposée par différents auteurs dont Lucy Bates et Richard Byrne qui invitent à considérer les comportements anecdotiques et les aptitudes animales créatives, ou François Catalayud qui avance que « certains outils permettraient d’illustrer la diversité éventuelle des « manières d’être » dans une situation donnée (…). Il devient notamment possible de travailler sur un nombre d’individus très restreint sans que cela pose un problème statistique » (2010, 336).
C’est pourquoi j’invite à l’immersion dans le milieu de vie des animaux, tel que le suggèrent Toni Frohoff et Brenda Peterson. En effet, être immergé dans un milieu relativement inconnu, loin de tout repère, instaure une relation nouvelle à l’environnement, inhabituelle et stimulante. En tant que chercheur, être aux aguets dans la traversée des mondes animaux, animé par le désir d’une rencontre, d’un quelque chose qui pourrait nous surprendre, est une attitude propice à l’émergence de l’invisible. En-deçà d’une recherche de terrain engagée tant dans l’expérience que dans sa retranscription, l’attitude intellectuelle qui se veut à l’affût s’ouvre à l’exploration d’autres territoires, qu’ils soient géographiques, émotionnels, psychiques, à la croisée des mondes inter-espèces.
Si, pour Jean-Christophe Bailly, « le monde n’est rien d’autre que l’interpénétration de tous ces territoires entre eux, que « l’enveloppement des Umwelten les uns dans les autres »5 pour reprendre une autre formule de Merleau-Ponty » (2007, 99), il me semble qu’il nous faut aller plus loin puisque les interpénétrations ont des effets sur les territoires eux-mêmes et sur ceux qui les habitent. Parler de rencontres animales, c’est dilater les résonances qu’elles ont sur les animaux et explorer ce que la relation sous-tend. L’autre n’est pas que forme mais fond, consistance, mouvement et devenir en lien avec celui du monde.
Rendre visible l’invisible n’est pas absurde. Mais dire rendre visible ne rend pas compte de tout ce qui se joue lorsque l’invisible se dévoile dans l’événement de la rencontre. Plus précisément, il conviendrait de dire qu’il s’agit d’être en capacité d’accueillir l’émergence de l’encore invisible. Car il est bien question d’un double mouvement, de deux mouvements non pas mutualisés mais accordés à l’instant même, synchronisés, sur une même tonalité émettrice et réceptive.
Un esthétisme dans la connaissance
L’invisible l’est aussi par méconnaissance, ignorance. S’ouvrir à ce que nous ne connaissons pas encore est affaire délicate et nécessite de proposer au moins une autre perspective. Nos représentations du vivant sont des conceptions permettant de simplifier et d’ordonner conformément notre vision du monde, ce qui nous permet d’évincer ce qui nous échappe et de garder la possibilité d’avoir quelque chose à dire. Par exemple, « Les taxinomies sont des décisions que l’homme impose à la nature (…) et la chronique des revirements taxinomiques opérés au cours de l’histoire nous donne l’idée la plus juste des révolutions conceptuelles intervenues dans la pensée humaine » (Gould, 1997, 57). La double question est bien alors : qui est cet autre que nous recouvrons de notre langage et d’où est-ce que nous parlons ? L’ordonnancement du vivant s’ébranle quand un comportement animal le fait bondir hors de la case où il était placé.
Au sujet de l’écologie des invasions, par exemple, Jacques Tassin propose de dépasser la discrimination conventionnelle entre espèces indigènes et espèces introduites : « Des métaphores positives pourraient être empruntées par exemple à l’esthétisme, à la mixité, aux réseaux d’échange, à la multiculturalité, à la coexistence pacifique, (…) espèces cicatrisantes (…) espèces vagabondes (…) assemblages métissés » (2014, 75).
Il importe peut-être plus encore d’explorer d’autres alternatives, de développer des notions ou d’approfondir celles existantes telles que les intersubjectivités, le langage non verbal, les synchronisations, les émergences, l’entre-deux animal (Chanvallon, 2009). Ces aventures conceptuelles sont à mêmes de transformer le paysage figuratif et plus profondément le domaine relationnel que nous pouvons quotidiennement éprouver. Elles envisagent de considérer une interaction ou une relation comme émanant d’au moins deux entités, toutes deux agies et agissantes (Chanvallon, 2012), et non réduites à des conséquences et causes dont le sens directionnel serait irréversible. Ainsi, je propose pour différencier la rencontre de l’entrecroisement animal – exemple du sanglier qui traverse un sentier que nous arpentons – que la rencontre inter-espèces (tout particulièrement celle d’un animal sauvage et d’un humain) soit comprise ainsi : au moins deux individus qui se retrouvent dans un même espace en un même moment, s’approchent intentionnellement et mutuellement pour se placer sous le regard l’un de l’autre.
Être le monde à l’instant même
L’immersion et la participation au milieu de vie des animaux, s’approcher au plus près non seulement en termes d’espace géographique et physique mais de compréhension et de proximité psychique, fait prendre consistance à cet autre qui ne m’est plus aussi étranger. Il est certes possible de parler à la place des animaux en étant convaincu initialement de la position que l’on adopte. Mais l’expérience concrète in situ engage une transformation et une appréhension différente de l’autre. D’évidence, la parole est expérientielle. Le sens que nous donnons au monde naît des perceptions que nous en avons ou qu’il nous est donné d’en avoir. Entrer en résonance avec le milieu et les formes qui le constituent nourrit notre sensorialité et nos interprétations, comme le souligne David Abram : « Les sens sont en rapport de réciprocité intime : lorsque nous touchons l’écorce d’un arbre, nous sentons l’arbre nous toucher nous (…) » (2013, 341).
Nous ne sommes pas coupés du monde, nous sommes pleinement le monde et engagés avec lui ; nos enveloppes individuelles sont poreuses et nos comportements nous parlent de ce que nous sommes fugacement au même moment. A propos des ressemblances animales, Jean-Christophe Bailly évoque « une sorte de nappe phréatique du sensible, une sorte de réserve lointaine et indivise, incertaine, où chacun puiserait mais dont la plupart des hommes ont appris à se couper totalement, si totalement qu’ils n’imaginent même plus qu’elle puisse exister et ne la reconnaissent pas quand pourtant elle leur adresse des signes » (2007, 46).
Pour l’observation des orques en milieu sauvage étudiés pour l’article, j’ai focalisé la recherche sur le point de vue neurobiologique de la latéralité visuelle de l’animal6 (la latéralité visuelle étant liée aux hémisphères droits et gauches du cerveau), thème de recherche fréquent ces dernières années. Je peux aussi décider de comprendre l’événement de la rencontre dans son ensemble et initialement la coloration du moment : l’état du ciel et de la mer, l’environnement humain et animal (présence de bateaux, d’autres mammifères), tout ce qui participe de l’agencement. Sentir une pression, une ambiance particulière n’est pas seulement un affect qui me traverse et qui serait lié à mon état émotionnel. Si le ciel est sombre et la mer opaque, si les orques se déplacent furtivement et restent à distance, je peux aussi comprendre que le moment n’est pas favorable pour se mettre à l’eau et accepter qu’à cet instant précis je ne sois pas la bienvenue. L’intuition et le sens des « choses » me guident alors et orientent mes choix. Mon affect est bien lié à celui des animaux et du milieu. C’est par ma propre expérience que je peux penser l’autre et le traduire a posteriori. Je suis un médiateur sur lequel je peux m’appuyer pour raisonner puisque je suis celui vis-à-vis de qui l’orque s’engage et adopte tel ou tel comportement, car nous nous répondons l’une l’autre.
À propos du regard dans la relation, Marc Bekoff écrit : « il n’y a pas de communication plus directe pour un animal que de plonger ses yeux dans ceux de l’autre (…) » (2009, 108). Or mes expériences me montrent l’importance des mouvements (mêmes minimes), des intentions, qui elles-mêmes sont lisibles dans l’énergie et l’orientation des mouvements. Nager à côté d’une baleine – dont croiser le regard requiert une position adéquate et une attention soutenue – comme marcher à côté d’une vache ne nécessite pas que je croise le regard de l’autre pour sentir si je suis acceptée dans son espace. Un seul mouvement suffit à traduire ce que l’agencement va devenir : nous restons en présence et prolongeons l’interaction ou bien je m’éloigne et observe à distance. Lorsque je nage parallèlement à l’orque, à moins de trois mètres d’elle, le mouvement non contraint de la relation n’est pas seulement une forme qui se déplace sur une trajectoire et à une vitesse donnée – ce qu’un observateur extérieur observe et que la science traduit. En deçà du visible, le désir d’être ensemble participe du mouvement à venir, comme un potentiel d’énergie et de forme qui préfigure le mouvement. Il me permet alors d’être sur la bonne longueur d’onde, le bon feeling, et de voir éclore l’interaction hors du commun :
« Si l’orque décide de la rencontre, je m’engage aussi pleinement, ne reste pas observatrice. Aller dans son mouvement, appeler à soi, attirer, sentir le fil qui relie l’étonnement, la curiosité, l’envie de prolonger, le jeu tout en finesse de l’interaction. Les mouvements du corps sont presque imperceptibles mais la lecture de l’autre opère d’instinct. Tout se joue à presque rien : quelques centimètres d’inclinaison, une infime accélération, le rapprochement qui fait pression, l’éloignement qui laisse en suspens. Son corps s’incline, elle va monter respirer. Alors spontanément j’épouse son rythme, incline légèrement mon corps et amorce la remontée avec elle. D’évidence l’orque a ralenti sa nage pour que je puisse rester à sa hauteur. »7
L’expérience de nage avec une orque permet de parler d’un événement, de la relation, de deux sujets engagés l’un avec l’autre et l’un pour l’autre. De plus, « rencontrer singulièrement la singularité animale (…) me permet de me prononcer sur la curiosité des orques malgré l’imprévisibilité du sauvage. (…) leur curiosité ne relève pas de la seule adaptation, ne vise pas seulement le retour à l’équilibre : elle est ouverture à l’altérité. Ainsi définie, elle me concerne comme être connu autant que comme être connaissant » (Bozzi, Chanvallon, 2018).
Inversion du regard
Inverser le regard vise à éclairer la part invisible du monde habité par les formes animales et les mondes communs qu’homme et animal peuvent partager. Traduire un comportement inter-espèce depuis sa propre expérience porte certes de l’incertitude dans la traduction faite des comportements par exemple, mais la connaissance déployée reste liée aux formes du monde telles qu’elles se font ensemble. L’inversion du regard peut prendre cette position : lorsqu’une orque s’approche et maintient une distance de quelques mètres avec le nageur, d’un point de vue éthologique cette distance est associée à une distance optimale de sécurité qui permet à l’orque de fuir – une distance proprement signifiante pour l’orque seule. Or cette distance pourrait tout aussi bien être l’intention de l’orque visant à ne pas provoquer la fuite du plongeur. Quand l’étude scientifique sur le comportement observatoire des orques femelles montre que celles-ci restent plus à distance du plongeur que les mâles parce qu’elles seraient plus prudentes et vigilantes, je peux aussi poser la question : et si les femelles restaient elles-mêmes à distance pour éviter d’effrayer le plongeur justement parce qu’elles sont curieuses, de la même façon que nous approchons l’animal sauvage avec précaution pour réussir une interaction ? Il n’y a ici rien d’audacieux, simplement une hypothèse qui considère l’orque comme sujet regardant lui-même un autre à proximité et le prenant en compte dans son affect, dans la façon dont il remplit lui-même le monde.
Deux faits singuliers observés ces dernières années confortent cette hypothèse : un dauphin et un cachalot, tous deux sauvages, se sont approchés de plongeurs et se sont positionnés pour leur présenter une partie de leur corps. Ils ont attendu que les plongeurs comprennent qu’un hameçon était planté dans leur chair (intérieur de la mâchoire) et qu’ils puissent les retirer après plusieurs minutes d’intervention, homme et animal au contact. Seules des actions fines et précises allaient permettre d’enlever l’objet et libérer les animaux : les mains humaines en étaient capables. Et le dauphin et le cachalot, d’évidence le savaient. Que sous-tendent ces deux scènes8 ? Que les animaux nous appréhendent et, entre autres, identifient ce que nous pouvons faire pour eux. Dans ces cas précis, dauphin et cachalot ont projeté que le plongeur pouvait les aider à se débarrasser de l’hameçon. La projection est portée par l’intention de se faire aider et par l’intention de solliciter un humain parce qu’il est reconnu comme ayant la possibilité d’agir.
À ce comportement s’ajoute le fait d’une rencontre inter-espèce comportant de nombreuses inconnues pour les plongeurs, mais probablement moins pour l’animal qui n’irait pas se mettre en situation de danger et qui, pour réussir son action, aborde les plongeurs avec délicatesse pour favoriser l’interaction. Nous avons ici des exemples de comportements animaux réflexifs, portés par une intention, avec la mise en place d’une situation visant à un résultat précis, une situation inhabituelle puisqu’il s’agit d’un évènement inter-espèce de demande et d’aide incorporant des animaux de milieux différents de surcroît.
À propos des travaux de Bartlett (1923), Vlad Petre Glaveanu précise que la créativité émerge quand les membres de deux communautés ou cultures différentes entrent en contact (2015). Alors qu’en est-il des relations inter-espèces et des connaissances élaborées ? Des travaux montrent chez les cétacés des formes nouvelles d’actions et d’interactions pouvant être reproduites et transformées, avec des actions innovantes et spécifiques apparaissant chez un seul animal. Daniel Sol va jusqu’à parler de styles de vie créatifs (2015).
Curiosité et intentionnalité comme marques de l’invisible
Certains adjectifs nous parlent des animaux9, mais l’écriture éthologique reste à la surface de ces qualificatifs et n’en déploie pas le sens. Si l’envergure et la profondeur d’un mot, tel que la « curiosité », ne sont pas considérées, si sa sphère sémantique, sa portée cognitive, émotionnelle, n’est pas interrogée sous prétexte que rien d’autre ne peut être prouvé dans l’étude scientifique, finalement nous ne disons rien de plus qu’une évidence, si ce n’est que nous sommes passés par le langage mathématique pour prouver nos propos : une orque s’approche d’un plongeur = l’orque est curieuse. Mais alors, si les orques sont curieuses cela signifie bien qu’elles portent une intention. Même si dans l’interaction il n’est pas possible d’évaluer pour l’animal ce supplément qu’il saisirait par son investissement et sa prégnance sur le milieu, c’est bien parce que j’ai une conviction intime, un appel vers l’animal sauvage, que je sens chez l’autre la possibilité d’un accord, d’une ressemblance. Et parce que je suscite l’expérience, j’encourage l’émergence d’un monde commun préexistant ou du moins d’un monde commun dont le potentiel d’émergence prend forme au creux de la rencontre.
Les orques s’approchent et viennent prendre des informations sur ce que sont les plongeurs, cherchent peut-être à communiquer, nous « testent » :
« Je suis surprise par l’apparition d’un mâle venant de l’arrière et doucement sur ma gauche. Il avance lentement, se place à ma hauteur. Tout au plus trois mètres nous séparent. J’imagine qu’il va tracer sa route et me devancer très vite. Mais il prend son temps. Son regard est long, attentif. Et là, il siffle. Un sifflement court, d’une même tonalité, sans modulation. Tout en prenant conscience de l’événement je me surprends à émettre un son semblable, dans l’immédiateté, de façon très spontanée. La délicatesse de la vibration du son de l’orque semblait avoir encouragé une réponse, comme une invitation, comme si l’orque voulait tester une communication par ce médium. Au moment où j’émets mon propre son, l’orque accentue son attention en tournant légèrement sa tête vers la mienne. Nous avançons ensemble en parallèle sur quelques mètres. »10
Il n’est pas possible de savoir objectivement si les formes produites par l’humain sont comprises par l’animal et inversement, mais il y a bien l’intention de transmettre une forme qui interpelle. La communication inter-espèce serait ainsi la création d’un territoire commun par la mise en connexion de capacités (cognitives, sensibles, psychiques, autres) aptes à dialoguer entre elles (pour le maintien de l’interaction) avec plus ou moins de facilités et d’efficacités. Elle nécessite l’intentionnalité des deux protagonistes et donc la reconnaissance antérieurement d’une altérité invoquant un mode d’échanges autre que celui infra espèce ou, s’il est emprunté à celui-ci, son adaptation11. Ainsi, si les modes de communications sont issus de modes d’agir déjà existants, ils sont recréés au sein même de la rencontre, improvisés, explorés en fonction des réponses d’autrui. Cette communication non verbale nécessite un temps de partage suffisamment long, la possibilité de se tromper sans perdre le lien à l’autre. Nous avons tous deux un intérêt et nous nous appliquons à le faire émerger.
Dans la rencontre, l’événement révèle le monde commun inter-espèce comme espace d’interactions, avec sa part d’imprévisible, et la relation qu’il engendre n’est pas création depuis un néant mais modification de deux rapports au monde qui ont quelque chose en commun. Il n’est pas l’addition de nos deux intentions, de nos deux curiosités et motivations mais contenu en nous deux et nous dépasse. S’il existe des espaces plus propices que d’autres, le lieu de la rencontre n’est pas défini par avance, il se construit à même les mouvements humain et animal, et l’excitation de la proximité appelle un « hors de soi ».
La curiosité est un point de passage entre une façon d’être au monde et une autre, l’inquiétude stimulante devant une inconnue et détermine un mouvement pour s’enquérir d’informations. La curiosité est impulsion questionnante en lien avec une identification du monde alors en partie inconnue. Tension de mouvement et de déplacement, un « sur le qui vive » en expansion, désir de connaître et d’être reconnu par un autre. Tout en acceptant la plus grande incertitude quant à la réponse de cet autre, la curiosité dynamise la façon d’être au monde, enrichit l’adaptabilité de l’individu et son énergie créative. Si elle rencontre une autre curiosité, en lien avec sa quête, la curiosité même de l’orque à mon encontre, elle devient un être ensemble dans l’entre-deux animal déjà catalysé par l’événement en train de se faire, créant alors un troisième état dans le temps de l’interaction, jusqu’à ce que l’énergie de l’un se désolidarise du mouvement commun ; à l’instant même ce troisième état disparaît, les deux autres étant nourris et définitivement transformés.
J’étais une curiosité à l’approche de l’animal et lorsqu’il apparaît face à moi, je suis absorbée par ce qui nous lie le temps de satisfaire nos curiosités réciproques. Je suis l’autre de l’orque, mon énergie participant à ce tiers autre, à l’entrecroisement, mêlés, entremêlés dans un lien ténu et subtil. Dans cette alliance, il n’y a pas une dissolution du soi mais une participation toute entière à une expansion momentanée via la forme temporaire de l’entre-deux animal – qui est plus que moi et l’orque. Cependant, le risque pourrait être que la frontière du monde subjectif propre à chacun se dilue, dépasse la formation du pont sensoriel nécessaire à la création du territoire commun.
Ce que j’apprends est précisément dans cette grande proximité et pourtant je navigue dans une zone de flottement à la limite de la fusion-confusion avec l’autre et le milieu. Le maintien de la relative frontière permet à chaque forme de vie de maintenir une stabilité et d’éviter l’absorption par l’extériorité : dans la nage synchronisée avec l’orque, dans les mouvements étonnamment accordés de l’homme et de l’animal, la respiration elle aussi synchrone – la « con-spiration »12 -, maintient l’identité de chacun : la respiration en phase est une prise d’air qui rompt, même si brièvement, le lien avec le milieu aquatique, et elle reconfigure chaque être dans une nécessité vitale que l’autre ne peut accomplir à ma place. Si la nage se réalise dans un milieu reliant les êtres, le métabolisme respiratoire est propre à chacun, jusqu’aux confins cellulaires. Là est peut-être le réflexe qui évite une dislocation psychique et ontologique car ma curiosité et mon attirance pour le monde de cet autre me donne envie de la prolonger jusqu’à vouloir rester dans l’eau indéfiniment. Respirer c’est vivre en soi et pour soi. La part sauvage assure la continuité de l’existence dans le maintien de l’autonomie la plus fondamentale, dans la réalisation permanente et toujours inachevée du sujet.
« Calée sur son rythme respiratoire je descends avec elle, nage, et lorsque son corps se courbe le retour vers la surface est annoncé. Après avoir expulsé l’eau du tuba je reprends mon souffle, tout en écoutant le sien, apercevant du coin de l’œil cette colonne de vapeur musquée, et m’immerge à nouveau. Peut-être est-ce due à la taille de sa nageoire dorsale (entre 1m50 et 2m) qui émerge comme une épée à la surface, je ressens le besoin de sortir mon bras et de balayer l’air en suivant la courbe de son aileron, doucement redescendre dans l’eau et disparaître avec elle. Nous manifestons dans l’espace aérien notre présence physique, par le souffle et par l’émergence d’une partie de notre corps, tous deux mammifères, lui cétacé et moi hominidé. Mais je ressens précisément notre commune origine. La respiration fait la jonction entre les deux mondes et nous relient de façon ombilicale et inextinguible. » (Chanvallon, 2017)
Dans « l’entre-deux animal » (2012), l’animal ne me regarde pas à la façon des miens, et je le vis comme un répit existentiel, je ne me sens pas en devoir de répondre d’un geste, d’une parole, ni même d’une pensée et pourtant je suis complètement là. Qu’elle soit de dix secondes ou de quelques minutes, cette zone acquiert une propriété toute particulière. Le temps opère une sorte de décentrement qui amplifie paradoxalement ma présence au présent. Un fond commun déborde les formes singulières et constitue une trame liante permettant leurs connexions et la synergie des subjectivités. Une alliance furtive et créatrice se dessine d’où découleront des déséquilibres et des transformations, aussi minimes soient-ils. Nous avons interagi et nous ne sommes plus totalement inconnus. Il m’en reste une empreinte, je suis imprégnée sans être devenue hybride.
L’entre-deux animal est le lieu du devenir, de la transition, du dépassement. Le vivant a cette aptitude à une transformation active de ses composantes – et active ne signifie pas impérativement conscientisée. Le devenir est à la fois le dessein possible et la transition, l’énergie et le mouvement entre deux états, qu’ils soient complémentaires ou divergents. Il permet de donner forme à une polarité encore erratique et non assimilée mais en voie de concrétisation, en mutation latente. Le devenir porte la préfiguration, il annonce la métamorphose, accroche quelque chose du présent, attiré par une polarité différente, en l’occurrence animale. Cette polarité pourrait tout aussi bien provenir d’un agencement dans le milieu, d’une présence végétale ; le devenir se fait donc avec, c’est un co-devenir, mais pas nécessairement « en compagnie de », car tout dépend de la nature de la relation ou de l’interaction ; un autre est affecté, à sa façon. Le devenir n’est pas intemporel même s’il est presque insaisissable : une fois accomplie la forme nouvelle est autonome, efficiente dans l’instant, acte quelque chose, elle n’est déjà plus du devenir mais une mise forme déjà en attente d’un devenir autre.
Métamorphosé(e) par la connaissance : l’invisible en deçà et au-delà
Les relations inter-espèces sont des relations de sujet à sujet dans des entrelacs subtils, plus ou moins perceptibles mais pleinement présents, consistants et constituants. Baptiste Morizot parle de la rencontre avec le loup comme d’une rencontre d’« homme à homme » parce ce que « la scène ressemble à une confrontation entre humains, car il faut compter sur la ruse, la détermination et la puissance de surprise de l’adversaire lupin » (2015, 215). Si je suis en accord avec le fait que le loup est sujet, pour le plan de comparaison et la correspondance à l’humain, je ne peux suivre l’auteur : la proximité à l’autre, le fait d’être « touché » ne vient pas du fait que l’autre excite mon intellect et me ressemble. De plus, contrairement à l’idée qu’il y ait quelque chose à inventer tel un « diplomate garou », un « membre à part entière d’une nature éco-évo-techno-culturelle » (Morizot, 2014, 333) ou de la nécessité de faire appel à une « délocation chamanique comme méthode qualitative » (Morizot, 2014, 331), je pense qu’il nous faut plus simplement retrouver des capacités à être à l’écoute du vivant et le comprendre.
Dans une rencontre, animal et humain sont mutuellement en présence dans des possibilités d’échanges multiples, des plus visibles aux plus diffuses : modifications de l’occupation de l’espace, tensions émotionnelles, etc. Ainsi, le regard sur l’animal ouvre sur sa dimension réceptive, émettrice et participative à la fois. À l’instant même où j’agis dans la relation, je suis déjà sous l’influence de l’autre et mon corps réajuste un mouvement sans qu’intervienne nécessairement une décision. Ce réajustement exprime la prise en compte immédiate, conscientisée ou non, de l’autre ou du milieu lui-même mouvant et interférant. Notre rapport au monde est fonction de ce que nous recevons du monde et d’un autre en particulier, de son propre rapport au monde. Pour l’autre sujet de la relation se pose aussi la nécessité de comprendre l’altérité qui veut au même moment le comprendre.
La connaissance est transformation, mue par la curiosité. La curiosité est a priori révélatrice de mon désir de connaître et source de connaissances a posteriori sur l’autre de la relation et sur mon propre mode d’être au monde. Par la connaissance, je nais avec.
L’altérité comme altération excite notre potentiel de transformation. L’animal sauvage participe pleinement à la mise en forme de nos manifestations extérieures et à nos reconfigurations internes. De l’extérieur le changement est certes palpable, il est dans l’énergie qui émane de soi, quelque chose de différent est perceptible au regard d’un autre ; je suis transfigurée sans avoir changé de visage, et l’expression de mon être se révèle autrement. Quand un plongeur remonte à bord du navire après avoir nagé avec une baleine et vécu une interaction forte, de toute évidence nous pouvons dire qu’ il s’est passé quelque chose. L’expérience renouvelée fera de la transformation une capacité à être plus vite en adéquation avec l’animal, plus à même à percevoir les modifications du milieu.
Pour une écologie de la connaissance
L’expérience de la rencontre, des interactions animales, est celle conjuguée de deux mondes qui se fréquentent, s’essayent et se transforment. Ce qui est apparent, lisible par l’extériorité est une résultante indécomposable, à moins de définir et d’imposer qui sont les deux de la relation, c’est-à-dire ce qu’est « l’être ». Il me semble opportun et responsable de chercher d’autres pistes de compréhension de l’animalité, non par l’animal ou l’espèce en tant que tels mais par leurs relations au monde, de parler d’émergences au seuil du paraître, de singularités et de subjectivités toujours en lien avec l’extériorité, de quelque chose en train de se faire. De plus, pour le monde aquatique, les qualités intrinsèques de l’eau, les spécificités de pression, de portance, de luminosité, d’acoustique, la particularité du milieu à englober le corps, font des animaux qui y vivent des êtres autrement sensibles alors que nous pensons ce monde et ses habitants depuis une position de terrien. Etre immergé et nager à côté d’une orque c’est déjà avoir accompli un renversement – passer d’une position verticale à l’horizontal13.
Comme le souligne Boaventura de Sousa Santos, « La possibilité a une dimension obscure ou opaque en ce qu’elle prend sa source dans le moment vécu, qui n’est jamais complètement visible à lui-même (…) il est possible que ces conditions soient largement présentes mais ne soient pas reconnues en tant que telles par le savoir disponible » (2011, 36). Les difficultés sont d’importance mais l’éthologie de l’invisible est perspicace. En ce lieu de l’interaction, ce que je ressens ne requiert aucun effort mental qui superposerait un affect humain sur un autre animal. Ce qui me parle à l’intérieur provient d’une expérience et d’un échange avec un autre. Puisque le langage humain ne peut constituer le support direct de la compréhension, c’est par mes sensations et mes émotions que j’accède à une communication intersubjective. Et comme le précise Marc Bekoff, « les animaux expriment leurs émotions par des voies que nous sommes naturellement capables de comprendre » (2009, 113). Le fait que le sens et les réponses que je donne à mes ressentis s’accordent avec ceux de l’animal au creux de l’interaction et nous permettent d’être en lien, est pour moi la preuve tangible que mon mode d’appréhension et de compréhension est efficient. L’expérience in situ, l’apprentissage corporel et sensuel qui n’est pas que plaisir mais aussi effort, engagement, nouvelles habitudes à façonner, participe d’un autre regard sur le dissemblable.
L’animal sauvage14 nous interpelle sur différents points. Par son étrangeté qui n’est pas une menace, par la réciprocité dans le face à face, par le sentiment de responsabilité, car l’éthologie de l’invisible porte intrinsèquement une éthique issue de l’immanence, de l’expérience de la présence et de la considération dans le sens du « prendre soin de », du respect désintéressé de l’autre.
Regarder vivre les animaux, découvrir leurs rythmes de vie, longuement ou furtivement, être curieux à leur égard comme ils le sont de nous, permet de ressentir la proximité que nous avons avec eux. Il est aussi bon et nécessaire de ne pas oublier que la relation peut-être, pour les deux protagonistes, celle d’une proie et d’un prédateur, intrusive et potentiellement à risque.
Au-delà d’être curieux de l’autre et de satisfaire une connaissance, il est question de regarder l’autre en tant que cet autre nous regarde, et d’interroger ce que nous allons faire de ce décentrement et retournement. L’éthologie de l’invisible s’aventure vers ces incertitudes.
Références
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Bekoff M., 2009. Les émotions des animaux, Paris, Payot et Rivages.
Bozzi F. et Chanvallon S., 2018. Plonger, penser, en cours de publication.
Calatayud F., 2010. Du comportement « fait de nature » au discours de l’éthologiste. Réflexions sur la place de la subjectivité en éthologie », in Burgat F., Penser le comportement animal, Editions Quæ Natures sociales.
Chanvallon S. 2017. Le monde sauvage a-t-il quelque(s) chose(s) à nous dire ?, in Portraits : regards sur l’animal et son langage, ouvrage collectif, en cours de publication.
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- Chanvallon S., 2012. Les relations humains/animaux : de l’espace protégé à l’espace partagé, une géographie physique et sensible, Carnets de géographes N°5, janvier 2013.
- Frohoff T. and Peterson B., 2003. Between species. Celebrating the dolphin-human bond. San Francisco, Sierra Club Books.
Glaveanu V. P., 2015. Proto-c Creativity, in Animal creativity and innovation edited by Kaufman Allison B. and Kaufman James C., Elsevier, Academic Press.
Gould S. J., 1997. L’éventail du vivant. Paris, Seuil.
Morizot B., 2014. Les diplomates. Cohabiter avec un grand prédateur à l’anthropocène, Revue Semestrielle de Droit Animalier, N°1, p. 295-334.
Morizot B., 2015. Rencontres animales. Voir un loup d’homme à homme, Vacarme N°70, p. 204-227.
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Sousa Santos B., 2011. Epistémologies du Sud, Etudes rurales, Editions de l’E.H.E.S.S., N°187, p.21-49.
Tassin J., 2016. A quoi pensent les plantes ? Paris, Odile Jacob.
Notes
- Disposant d’un fort potentiel d’images sur les comportements des orques avec lesquelles j’avais nagé dans les eaux froides de Norvège, j’ai souhaité faire parler ces images via l’éthologie. Un article scientifique a été publié (Chanvallon S., Blois-Heulin C., Robert de Latour P., Lemasson A., 2017. Spontaneous approaches of divers by free-ranging killer whales (Orcinus orca): age- and sex-differences in exploratory behaviours and visual laterality, Scientific Reports 7: 10922) mais c’était sans compter sur tout ce qu’il fallut abandonner comme discours au nom de la science.[↩]
- Je pourrais aussi bien vous parler de mes expériences relationnelles avec une hirondelle et une raie manta.[↩]
- Cité par Jacques Tassin dans « La grande invasion. Qui a peur des espèces invasives ? », Odile Jacob, Paris, p.54.[↩]
- Cf. note 1.[↩]
- Voici un aperçu de la notion d’Umwelt mise en avant par Jakob Von Uexküll (1934) et exposé par Feuerhahn Wolf : « le milieu n’est pas une création subjective de l’animal, il est le corrélat de l’organisation sensorielle de l’espèce à laquelle l’animal appartient. Le milieu ainsi constitué de chaque animal entretient, pour Uexküll, un rapport de finalité avec toutes les aptitudes de l’animal concerné ». Cf. « Du milieu à l’Umwelt : enjeux d’un changement terminologique », Revue philosophique de la France et de l’étranger, vol. tome 134, no. 4, 2009, pp. 419-438.[↩]
- Ceci à partir de conceptions floues et incertaines du cerveau humain et de ses deux hémisphères. De plus, les orques n’ont ni la même masse cérébrale ni la même constitution du cerveau (cf. Marino L., Sherwood C. C., Delman B.N., Tang C.Y., Naidich T.P., Hof P.R., 2004. “Neuroanatomy of the killer whale (Orcinus orca) from magnetic resonance image”, The Anatomical Record Part A, 281A:1256–1263[↩]
- Extrait d’un récit d’expérience présent dans l’essai « L’Orque, la Femme et l’Hirondelle. Une écologie par le sauvage », 2017. Non édité à ce jour.[↩]
- Pour le dauphin, une vidéo est disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=-kiH-vOutbY. Pour le cachalot, un rapport de mission d’éco-volontariat, sur les cachalots de l’Ile Maurice en 2017, a été réalisé par René Heuzé, François et Véronique Sarano, Hugues Vitry.[↩]
- Par exemple, les termes anglais « cautious », « vigilant », « sustained attention » sont employés dans l’article sur les orques, cf note 1.[↩]
- Chanvallon S., 2017. Essai « L’Orque, la Femme et l’Hirondelle. Une écologie par le sauvage », non édité à ce jour[↩]
- Chanvallon S., 2017. Essai « L’Orque, la Femme et l’Hirondelle. Une écologie par le sauvage », non édité à ce jour.[↩]
- Paul Spong a découvert chez les orques une synchronisation respiratoire lorsqu’elles se déplacent en groupe : quel que soit le rythme de chacune, toutes respirent en phase.[↩]
- Ma recherche sur l’invention de la palme de plongée mettait en évidence la transformation vécue par des hommes qui, après avoir marché au fond de l’eau comme scaphandriers pieds-lourds, allaient se sentir « comme des poissons dans l’eau ». Chanvallon S., 2004. The Development of Fins – A Story of Invention and Evolution, Proceedings of the 14th Annual Conference of the Historical Diving Society, Hull.[↩]
- Je ne peux développer dans cet article mon idée du sauvage mais seulement annoncer qu’il est en chaque forme vivante – de la souris cachée dans la maison, à la liane grimpante, du moineau du jardin au requin baleine – et participe du devenir, des mouvements de fuite ou de mise en commun, du non appropriable. Il est un quelque chose qui s’accorde en dehors de nous, un insaisissable dont nous sommes tout autant spectateurs que participants. Dans le côtoiement du sauvage siège une puissance de rencontre avec nous-mêmes et de ressourcement de nos forces vives. Le sauvage a l’art de nous surprendre.[↩]